PEUT-ON CHANGER L'AUTRE

 

La période du chiddoukh doit être consacrée à la connaissance mutuelle des partenaires. Il arrive très souvent que l’un des partenaires,  présente presque toutes les qualités que l’on peut espérer, mais il existe un domaine qui ne convient pas aux yeux de l’autre. Ce dernier dans la plupart des cas se dit : « Je finirai bien par le changer et lui imposer ma propre conception »

Sarah raconte : «  quand j’ai rencontré David, j’ai constaté qu’il était taciturne, très peu bavard, de temps en temps il sort un mot à voix basse, mais il avait par ailleurs beaucoup de qualités, mes parents se sont inquiétés. Mais j’étais sûre que j’allais le changer »

Sarah se trompe,  et ne peut pas reprocher par la suite à David qu’elle ne peut pas supporter qu’il reste toujours silencieux.  Elle le savait bien avant. Il est absurde de s’engager dans une relation en se disant « Je vais le changer » Cependant, que cela soit absurde ou non, d’une manière inconsciente on garde la certitude  «  Il changera. » D’où vient cette certitude ? «  Souhaiter avoir une influence sur l’autre, c’est savoir que nos envies, nos sentiments comptent pour lui, que nous sommes important à ses yeux » Une femme  qui se rend compte que son époux ne change pas en conclut qu’elle n’est pas aimée. Cette conclusion n’est pas exacte.  Car il y a confusion entre deux situations. «  Se modeler mutuellement pour que la vie à deux soit plus sereine et avoir l’ambition de métamorphoser son conjoint, le fossé est immense. Changer l’autre est, inconsciemment, une façon de garder le contrôle dans le couple. »     

La thérapeute Michèle Nicolas, écrit : « Nous possédons tous en nous la volonté de changer l’autre, car l’autre est en partie un miroir de ce que nous sommes. » Au début du chiddoukh, chaque partenaire renvoie une image positive et aimante. Lorsque notre regard sur lui devient critique, c’est aussi sur nous-même qu’il le devient. Il est alors plus facile de s’en prendre à lui. Michèle Nicolas poursuit : «  L’homme qui dit : «  Tu n’arrêtes pas de râler » renvoie à sa femme  une image de mégère insupportable. Pour masquer sa blessure elle va se défendre en lui renvoyant  la responsabilité du conflit : «  Si tu étais plus gentil, je râlerai moins » Or c’est faux. Cette râleuse a choisi un partenaire qui lui permette de continuer de râler. C’est bien pour cela qu’il l’a aimée. »

Ce cas nous avertit sur la complexité de la rencontre et le processus qui conduit deux personnes à décider de former un couple. Un couple peut se former sur la complémentarité des défauts. La femme  qui reproche à son époux de ne point être très gentil, ce qui la fait râler. En fait,  elle râlait sans doute bien avant. Seulement, pendant la période du Choddoukh, elle râlait beaucoup moins pour rester dans la séduction. Le partenaire jugeait alors qu’elle était franche, sincère, pas manipulatrice. Tout était en germe dans la rencontre.

Il faut, par conséquent savoir, avant le chiddoukh, qu’il existe des domaines  susceptibles de changer  et des domaines qui ne changeront jamais. Tout ce qui fait partie de la structure mentale de l’individu ne changera pas. Un partenaire anxieux ou même angoissé, on peut atténuer son angoisse grâce à l’amour qu’on lui porte. Dans une relation équilibrée, l’amour de l’un fait évoluer l’autre ( et réciproquement) parce qu’il permet de se libérer de choses douloureuses. «  Lorsque l’amour crée une forme de cocon, on peut évoluer parce que nos systèmes de défense diminuent, estime Michèle Nicolas. Mais sur le fond, cela ne change pas la personne » Le partenaire qui se fixe comme objectif de changer l’autre, se considère au fond de lui, comme son thérapeute. Ce partenaire ferait mieux de s’interroger sur soi.

On peut changer les comportements blessants, des manies qui agacent. Un conjoint peut demander à son partenaire d’être davantage présent, de consacrer du temps aux enfants, de changer tel ou tel comportement. Mais tout ce qui appartient à la structure même de la personne ne peut être changé.

Les personnes qui entament un chiddoukh doivent savoir que la vie d’un couple est difficile, parce que la plupart des comportements sont inconscients. Entre les inconscients de deux conjoints, il existe une reconnaissance immédiate d’éléments qui les ramènent à leur passé et qui vont leur permettre de répéter des scénarios bien connus de leur histoire.

Myriam, à la suite d’un chiddoukh, a épousé Abraham. Elle avait déjà 32 ans. Peu de temps après le mariage, elle rentrait dans une grande colère à cause du désordre d’Abraham. Celui-ci jetait sas affaires un peu partout, la table de la salle à manger était devenue un bureau où tout était déposé dans un désordre indescriptible. Plus Myriam se mettait en colère et moins il rangeait ses affaires. On conseilla à Myriam de se pencher sur sa propre enfance  afin de trouver les motivations de son énervement. C’est ce qu’elle fit. Elle travailla sur sa peur de l’invasion due à une famille étouffante et intrusive. Elle se rendit compte qu’en définitive ce désordre n’était rien d’autre que de simples négligences de la part de son conjoint. Mais à cause de son enfance, là où il n’y avait que négligence  elle avait le sentiment que son époux témoignait d’une volonté de lui voler son espace. Elle eut un dialogue positif avec son conjoint, elle apprit à se raisonner et ne plus crier. Abraham de son côté  faisait plus attention à ses affaires. Quand il lui arrivait  de s’oublier et de  poser ses affaires  un peu partout, il s’excusait gentiment ; En définitive, Myriam ne fera jamais d’Abraham, un maniaque du rangement, mais ils ont appris à mieux vivre ensemble.

Ce travail entrepris par Myriam pour parvenir à un équilibre dans le couple, ne peut pas se faire durant la période du chiddoukh. C’est le couple qui dévoile un individu. Le mariage est une scène de théâtre où les deux partenaires du couple vont jouer leur enfance. Par conséquent il ne faut en aucune façon, espérer connaître complètement une personne. Il n’est pas possible de percer le secret de l’enfance de l’autre. La seule chose que l’on peut faire c’est de prier l’Eternel que le couple qui sortira du Chiddoukh  puisse vivre dans la concorde et dans l’entente. La concorde et l’entente ne supprimeront pas les conflits. Un couple sans conflits n’en est pas un. Les conflits structurent le couple et le fait progresser. Dans la période du chiddoukh, il faut développer la volonté d’ accepter la différence. Dès le début, il faut renoncer  à changer son conjoint. Plus une personne travaille sur elle-même, plus elle se sent responsable de sa vie. Elle ne demande plus à l’autre de satisfaire tous ses désirs comme une mère nourricière. Pour changer l’autre il faut avant tout commencer par changer soi même.

 Dans la volonté consciente ou pas, de modeler son partenaire, l’homme et la femme ne sont pas égaux. Malarewicz écrit : «  La femme conçoit le couple comme un espace qu’il convient sans cesse «  d’optimiser » et le quotidien du couple comme un champ où tout est perfectible. Plus que son compagnon, elle est consciente que la relation évolue constamment, et peut donc se dégrader très facilement et très rapidement. L’homme, lui, voit son couple comme un lieu pacifié où n’entre aucune logique de conquête, encore moins de reconquête. Il a besoin de croire que la paix et le consensus y règnent, pour mieux combattre dans le monde extérieur. C’est pourquoi il a souvent besoin d’être au pied du mur pour commencer à réagir » **

 

**   repenser le couple, le livre de poche 2002