Psychologie

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JUDAÏSME ET PSYCHOLOGIE

 

Il fut un temps,  la méfiance à l’égard de la psychologie et particulièrement de la psychanalyse, était de rigueur, de la part des hommes de Torah.  Cette méfiance s’atténue de jour en jour et commence même à se dissiper. En vérité il existe entre les deux une indifférence mutuelle. Que reprochent les hommes de torah à la psychanalyse ? Cette dernière, disent les religieux,  ne croit pas en l’existence de D. Cette affirmation est la source principale du conflit entre la psychanalyse et le Judaïsme. Ou plus exactement c’est la  pensée de Freud  et son école affirmant,  que la croyance en D. ainsi que toutes les autres croyances religieuses trouvent leur source dans les angoisses fixées dans la plus tendre enfance. Le fait que ces croyances se retrouvent chez les adultes, est une activation de ces conflits non résolus durant l’enfance.

 Il est tout à fait légitime que des personnes observant la Torah soient choquées par ce genre d’affirmations. A l’égard d’une telle théorie on ne peut que marquer une ferme  opposition. Surtout lorsque Freud affirme que, dans le meilleur des cas, la religion n’est rien d’autre que le symptôme d’un manque de maturité  ou pire encore, c’est un symptôme névrotique.  

En vérité, la  pensée freudienne concernant le domaine religieux n’est rien d’autre qu’un réductionnisme qui caractérise toute la théorie freudienne la plus orthodoxe. Certes, il est fort possible dont l’imagination est féconde  puisse concevoir  des formes de divinités. Il est aussi possible que  les croyances religieuses de certaines personnes soient sous-tendues par ce genre de fantasmes infantiles. Cependant, tout cela n’exclue pas le fait qu’il existe d’autres bases à la croyance en D. Il est plus logique de dire que les émotions éprouvées  dès le berceau influent sur la nature des croyances en D. Des travaux très sérieux ont prouvé qu’il existe une corrélation entre les rapports des enfants avec leur père et leur relation avec D. Mais il ne faut pas omettre que la relation parents enfant influe sur toutes les relations de l’enfant. Relation envers soi même, envers la société,  le couple, et toute la vie en général. Il n’est pas étonnant par exemple de constater une corrélation entre les rapports d’une personne avec son père et sa relation avec son chef à l’armée. L’idée ne viendrait à personne de dire que le chef militaire n’existe pas. Or la relation à D. quand bien même, serait-elle une fixation de l’enfance ne conduit pas à l’inexistence de D. Il nous semble que l’erreur de la conception freudienne est de confondre une conduite religieuse mature avec une conduite religieuse immature. Car, le jeune dont la relation avec le chef à l’armée est inspirée par sa relation avec son père, plus il vieillira et plus sa relation avec ce chef militaire sera totalement différente. Dans une religion pour immature, la relation à D. peut éventuellement être déterminée par son affectivité. Alors que la religion pour un homme mature  est le fruit d’une réflexion, d’une expérience, de la raison. Qui peut prétendre que la croyance en D. de Maïmonide, de Nahmanide, de Rabbi Yéhouda Halévi dU Rav Kook etc. est une croyance déterminée par des conflits non résolus   de la plus petite enfance ?

Le défaut capital de la théorie freudienne dans le domaine de la religion est la généralisation. Il est fort possible de trouver des personnes immatures dont la conduite religieuse est inspirée par un infantilisme manifeste ou même névrotique. De là, à généraliser une théorie et l’appliquer à l’ensemble d’une population entière il y a de la marge.

Nous sommes actuellement témoins d’une remise en question de la   théorie réductionniste  de Freud.  Certes, on peut trouver ça et là encore dans la littérature psychanalytique des exemples qui restent fidèles à cette théorie. Il est évident   que tout dialogue entre la psychanalyse et la religion est impossible tant que les psychanalystes continuent à rester fidèles à la théorie réductionniste de Freud à savoir : de considérer la religion comme la conséquence des conflits non résolus de l’enfance.

L’opposition de la religion à la psychanalyse a une autre raison. Il s’agit de la théorie freudienne des pulsions. Les représentants des religions  accusent la psychanalyse  d’ébranler les bases de la morale sociale par cette théorie qui accorde une place particulière à la pulsion sexuelle.

Il nous semble que cette accusation n’est pas justifiée. Il est vrai que les psychanalystes tentent de remonter au niveau de la conscience des pulsions refoulées de leurs clients de manière que ces derniers soient en mesure de  canaliser et dominer ces pulsions.  Les psychanalystes pensent que la domination des pulsion est le signe le plus probant de la maturité et de l’autonomie. Par conséquent il serait tout à fait déplacé d’accuser les psychanalystes  qui tentent de faire émerger des systèmes de défense chez  leurs  patients de favoriser la  manifestation de la pulsion sexuelle. Mais en dépit de tout, il est possible que la psychanalyse a contribué,  très discrètement, à ébranler les fondements de la morale. Le fait que le rôle du thérapeute consiste à aider son patient à comprendre  le « pourquoi » de son comportement, sans lui dire ce qu’il doit faire pour guérir,  a généré un genre de neutralisme moral. D’autre part, les psychanalystes sont amenés à comprendre la nature humaine et ses défauts, ce qui les conduit à une attitude très tolérante à l’égard des  faiblesses humaines. L’ erreur de la psychanalyse est de ne pas faire la différence entre comprendre et pardonner.

Le sentiment de culpabilité a reçu dans notre société une connotation négative et pathogène. C’est pourquoi on cherche à préserver les jeunes de ce sentiment, si l’on veut qu’ils grandissent normalement sur le plan émotionnel et être des hommes responsables par la suite. Cette façon de comprendre la psychanalyse orthodoxe n’est pas tout à fait exacte  car de nombreux psychanalystes font bien la différence entre une culpabilité pathologique et une culpabilité normale. Toutefois l’idée freudienne que le sentiment de culpabilité exprime toujours la peur de la sanction à la suite de la transgression d’un tabou quelconque provenant des parents ou de la société, a  occulté complètement les autres sources du sentiment de culpabilité. Cette façon de comprendre le sentiment de culpabilité a fait de la pratique religieuse une conséquence de la peur. Si une personne transgresse un règle religieuse , elle sera punie. Dans ce cas, le raisonnement est simpliste, la religion génère le sentiment de culpabilité , lequel à son tour génère la peur qui conduit à la punition. Dans ce cas, la raison dit que pour ne plus être culpabilisé il  faut abandonner la règle religieuse. Ce raisonnement simpliste a malheureusement beaucoup de succès si l’on compte le nombre de personnes qui ne pratiquent strictement rien. C’est la théorie freudienne du sentiment de culpabilité qui a porté un coup sévère à la religion. Toutefois le Judaïsme ne se considère pas du tout concerné. Il a sa propre théorie  tout à fait antinomique avec celle de la psychanalyse.

PSYCHOLOGIE ET JUDAISME ( SUITE)

 

Les rapports entre la psychologie traditionnelle et le judaïsme  sont totalement différents des rapports entre la psychanalyse et le Judaïsme. La psychologie a longtemps ignoré  tout ce qui a trait plus ou moins à la religion. Elle a voulu s’ériger en science autonome. A cette fin, elle a tout fait pour dire que la religion n’est pas de son domaine. Les représentants des religions à leur tour se méfiaient de tout ce qui rappelle, de près ou de loin, la psychologie. Ce qui fait que les relations entre la religion et la psychologie étaient réduites à zéro.

Avec la transformation de la société et la place occupée par la religion dans la vie des gens, l’ignorance mutuelle ne pouvait plus durer. La plupart des psychologues  qui étudient  tout ce qui se rapporte aux émotions subjectives, mettent l’accent sur la place de l’environnement  et la capacité de l’homme à l’intégrer.  Or, tout psychologue qui se respecte ne peut ignorer l’importance de la religion dans l’environnement.  De son côté la religion, pour des raisons théologiques, n’apprécie pas l’intrusion de la psychologie dans son domaine. Et quand les valeurs  et le mode de vie  de la religion s’avèrent contraires à ce que professe la religion, elle marque son opposition la plus nette à l’égard de tout ce qui est psychologie.

Entre la psychologie et la religion il y a eu toujours  des dissensions sur de nombreux points. La religion affirme que l’homme dispose d’une volonté libre  pour affronter les  difficultés de la vie, alors que la psychologie tend à croire à un déterminisme scientifique qui paralyse l’homme dans son action. A notre sens cette opposition relève davantage de l’imagination que de la vérité. Il appartient aux Philosophes  d’y apporter un éclaircissement. Si l’on suit le raisonnement du déterminisme causal on supprime toute responsabilité de l’homme dans tous les domaines de sa vie. Cette conception n’est pas admissible, Bien qu’il existe une influence manifeste de la vie de l’enfance sur la vie de l’adulte, il n’est pas possible de priver l’homme de  la responsabilité de ses actes. C’est le contraire qui est vrai. On peut dire à un homme :   la loi de l’Etat (ou de la religion) interdit le meurtre  tu devais t’abstenir de tuer. Il n’est pas possible pour une société d’admettre que certaines personnes sont  le jouet d’un déterminisme implacable.

 

Cependant, si l’on ne peut pas  parler  encore d’une identité de vue parfaite entre la psychologie et la religion, on peut constater une évolution favorable à un  rapprochement possible. L’évolution de la psychologie  reconnaissable  dernièrement, est susceptible de conduire à une compréhension mutuelle. La psychologie actuelle est moins béhavioriste – encore moins empirique et scientifique- par rapport  à la première moitié du siècle passé. Les psychologues  s’intéressent de plus en plus  aux processus subjectifs. Il faut espérer qu’ils auront maintenant le courage de reconnaître que la religion  occupe une place prépondérante dans l’attitude et le comportement de l’homme. Par ailleurs, il convient de relever un autre indice du rapprochement de la psychologie avec la religion. Jusqu’à présent la psychologie a mis l’accent sur la « socialisation » de l’individu, mais elle commence à parler de l’intégration de la personnalité » ou mieux du «  développement total  des facultés potentielles de l’homme. Ce changement à lui tout seul justifie l’espoir de voir la psychologie cohabiter en paix avec la religion. Cette cohabitation sera possible si la psychologie se cantonne dans son domaine, celui «  d’expliquer » les liens de cause à effet susceptibles de faire comprendre le comportement d’un individu. Mais la religion ne doit pas, elle non plus, considérer la multiplicité des théories psychologiques  comme une preuve de son inefficacité. Car il n’existe pas une théorie générale et globale.  Chaque individu est unique et constitue à lui tout seul un cas. Au contraire, il faut voir dans ce foisonnement de théorie, de méthodes, de psychothérapies diverses, un développement très sain.

De nombreuses personnes dénient à la psychologie le titre de « science » à part entière. C’est là une erreur, car la reconnaissance de la psychologie comme une science à part entière, et non pas comme une branche de la philosophie, réduit son hégémonie intellectuelle. Une science s’occupe d’un secteur bien déterminé, et ne peut pas déborder et embrasser d’autres domaines. Ce n’est pas le rôle de la psychologie de dire « qu’est-ce qu’un homme, quelle est son essence ? »  La psychologie peut dire : telle conduite est bonne telle autre mauvaise » En conclusion, nous ne voyons, en ce qui nous concerne aucune opposition entre la psychologie et le Judaïsme, bien au contraire, le Judaïsme recèle pratiquement toutes les théories de base de la psychologie  et particulièrement tout ce qui concerne « l’inconscient » Nos Sages d’une manière empirique ont émis avec leurs termes ce qui fait actuellement l’ossature de la psychologie. Le seul problème qui se pose quand on aborde une comparaison entre  une théorie émise dans le Talmud et une théorie qui a cours en psychologie moderne, est d’ordre sémantique. La psychologie a son langage propre c’est à ce langage qu’il convient de trouver dans l’immense littérature rabbinique, les mots hébreux équivalents. Ce travail n’a pas été entrepris encore, mais le jour où nous disposerons d’un dictionnaire comparatif entre le langage de la psychologie et le langage talmudique un grand pas sera franchi.

                                                                                         H.H