Profession Couple

 

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PROFESSION COUPLE

INTRODUCTION

Le couple constitue un sujet inépuisable parce qu’il est éternel. Il est une société en miniature où s’expriment tout ce qui est enfoui dans l’inconscient depuis la tendre enfance. Il est le théâtre où s’extériorisent toutes les violences, mais aussi le havre de paix, où peut s’épanouir la personnalité, le lieu sécurisant par excellence, le centre de toutes les contradictions, et enfin, le laboratoire idéal de toutes les ambivalences.

Autant dire que ce sujet qui ne verra jamais la fin, a fait couler beaucoup d’encre, et continuera d’alimenter la littérature de tout genre. Les livres consacrés au couple se comptent par milliers, dans toutes les langues. Dans ce cas, pourquoi un livre de plus ? Essentiellement pour deux raisons : la première, est la composante juive ; la seconde, pour combler l’ignorance.

La composante juive

Ce livre s’adresse tout particulièrement à un couple juif. Etre juif, est un savoir être, et non pas une religion stricto sensu. Certes, le judaïsme comporte des éléments « religieux » au sens que l’occident donne à ce terme, mais il est bien plus qu’une religion. Sur le plan du comportement, c’est une orthopraxie et sur le plan spirituel, c’est une conception toute particulière de la vie où s’articulent l’éthique, la morale, la relation avec autrui et avec le temps. Le tohu-bohu actuel du couple juif provient du bouleversement de la notion de la composante juive. Tant que l’identité juive se définissait exclusivement par la soumission à la torah, autrement dit, tant que les Mitsvoth[1] ponctuaient la vie de la famille, les problèmes du couple se cantonnaient dans un espace très réduit et généralement, la torah, elle-même, apportait les solutions. Maintenant, l’identité juive ne se définit plus par la fidélité à la torah. Le monde occidental dans lequel baigne les juifs,  constitue un environnement pernicieux, qui fait son œuvre de destruction sur l’individu, sans que ce dernier s’en aperçoive. La civilisation occidentale, héritière de celle des grecs et des romains a pénétré subrepticement la conscience juive et a forgé un juif nouveau, dont la pérennité n’est pas du tout assurée. Ce qui fait que nous retrouvons dans le couple juif, tous les sujets des conflits du couple non-juif. En fait, un juif actuellement est amené à préciser dans quelle sensibilité il se situe. Ce qui était impensable jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. On peut actuellement affirmer « je suis un juif agnostique », « je suis un juif orthodoxe non pratiquant », « je suis un juif athée », « je suis juif, parce que ma mère est juive, mais j’ignore totalement ce qu’est le judaïsme ». La plus grande anomalie de notre époque, c’est la disparition des composantes de l’identité juive de l’élément capital qu’est la conduite conforme à la torah.

Il est vrai que, dès l’apparition des hébreux dans ce monde, il se trouvait toujours des personnes qui ne se pliaient pas aux exigences de la torah. Mais alors, on les appelait des transgresseurs.

Toute transgression entraînait inéluctablement la culpabilisation. Celle-ci à son tour, devenant trop lourde à supporter, et contribuait à faire intégrer le transgresseur dans la voie de la torah. Le monde occidental, depuis Freud, et les progrès de la psychanalyse, a eu tendance à supprimer l’idée de transgression-culpabilisation, en désacralisant un certain nombre de conduites. Le fait de ne plus vivre du tout, conformément aux Mitsvoth, n’est plus culpabilisant. Ce qui fait que le peuple juif, dont l’unité était sa seule force est, depuis que l’Occident impose sa culture, un peuple disloqué, atomisé. On appelle cela la diversité et les sensibilités différentes. On se donnera bonne conscience en avançant des idées de démocratie, de foisonnement des idées, d’altérité enrichissante, et d’absence de monolithisme.

Le peuple juif a été victime de la plus grande injustice de l’histoire. Il a été massacré, spolié et chassé de sa terre et dispersé sur tout le globe dans des pays hostiles. Les juifs privés de leur Etat, de leur langue, de leurs traditions ont été la proie de l’influence des pays d’accueil. La conséquence fut dramatique pour les descendants de ce peuple. Une brisure s’est produite entre ceux qui pensent que l’identité juive est directement déterminée par le respect de la torah et ceux qui n’observent pas la torah et pour qui le peuple juif, doit être comme tous les autres peuples.

Ces derniers sont parfois excessifs, comme le montre le professeur Shlomo Avineri, faisant remarquer « que le Congrès Américain ouvre ses séances par des prières, que les parlementaires américains prêtent serment sur la Bible. Personne n’aura l’idée de prétendre que l’Amérique est un pays clérical et anti-démocratique. En Angleterre, le monarque gardien de la démocratie, est couronné dans une église par un archevêque, chef de l’Eglise anglicane. Le monarque s’engage par serment religieux de défendre et de protéger ladite Eglise. Le chef de l’Eglise et un certain nombre de ses collègues sont membres de la chambre haute du Parlement. Les prélats sont nommés par le monarque et les monnaies du royaume portent le sigle en latin  « défenseur de la loi » à côté de son souverain. Or, l’Angleterre est la mère du parlementarisme et de la démocratie »[2]. Personne dans ces deux pays où la démocratie est la règle, ne se lève pour protester contre la coercition du fait des religieux. Peut-on imaginer une pièce de monnaie en Israël où figurerait la mention « gardien de la religion d’Israël ? Ce que l’on admet volontiers dans les autres pays, on le refuse à Israël. Par ailleurs, si les juifs se définissent comme tels, parce qu’ils habitent en Israël, que deviendront-ils s’ils le quittaient ? Sur quel critère leur identité  juive sera-t-elle définie ?

En vérité, il existe une variété de juifs, parce qu’il reste encore le juif-référence, tel qu’il a existé jusqu’en 1750. Tous les juifs dont l’identité n’est pas définie par la torah sont des juifs par ricochet. Leur pérennité dépend de celle du juif- référence. C’est pourquoi on assiste à des conduites aberrantes de la part des juifs qui affirment, haut et fort, « leur modernité » et leur refus de conformer leur vie aux règles de la torah. Ce sont pourtant eux qui soutiennent le plus les Yéchivoth et qui font preuve d’une très grande générosité. Ils reconnaissent par là que le monde de la torah leur permet de s’affirmer juifs sans pour autant se plier au « joug des Mitsvoth ». Cette situation ne va pas sans inconvénients. Peut-on  éternellement être un juif par ricochet ?

En tout cas, cette identité en miettes rejaillit sur le couple juif. Celui-ci se construit en tenant compte de la sectorisation des familles d’après leurs sensibilités religieuses.

Il n’est plus concevable de former un couple entre deux partenaires dont l’identité juive procède de sources différentes. Tous ces couples ont lamentablement échoué. Toute une génération de juifs originaires du Maroc a été totalement sacrifiée par ignorance du judaïsme, en miettes. On ne répètera pas assez qu’une identité ne peut être occultée indéfiniment.

Pour illustrer ce phénomène, on citera le cas d’un jeune juif marocain, élevé dans un milieu ignorant totalement la culture occidentale avec sa logique cartésienne et sa technicité sophistiquée. Il a grandi dans un Mellah, où le chabbat, on n’entendait que les mélodies qui s’échappaient des dizaines de synagogues, où la misère était noble, où l’on ignorait qu’il existait une diététique autre que la cacherouth, où l’on n’avait ni eau courante, ni téléphone, ni télévision, ni électricité ; où toute la vie gravitait autour du calendrier hébraïque, on pleurait à ticha-beav, et on chantait à Pessa’h .On avait les yeux constamment braqués sur un texte sacré .  La mort était intégrée dans la vie ; la santé, un don du ciel, le temps, une bénédiction de l’Eternel, et les psaumes, le livre de chevet.

Ce jeune homme par un « hasard » de l’histoire se retrouve en France. Terre de Lumière, mère des droits de l’homme, patrie de Victor Hugo et de Zola. Le voilà à Paris, perdu dans ses pensées, ébloui par l’espace, le modernisme, les palais, les lumières, les arbres de Noël et les vitrines scintillantes. Il pense qu’il est enfin sorti de l’obscurité, à la lumière ; qu’en Occident,

 il a enfin trouvé le paradis terrestre.

Que sont-elles devenues ses nuits de veille sur une page de talmud pour comprendre quand faudrait-il faire telle ou telle bénédiction ? Tout cela lui paraissait bien futile, du temps perdu qu’il va falloir rattraper. Pour cela, il faut avant tout s’occidentaliser. La condition indispensable est de rechercher une fille bien française, mais juive tout de même. Car, on a beau rejeter les pages du talmud, mettre au rencard ses Téfiline, on ne peut tout de même pas tuer ses parents en leur annonçant que l’on épouse une non-juive.

En effet, notre jeune homme rencontra une fille, qui malheureusement, ne pouvait  être à cette époque qu’une fille de la guerre, dont le père périt à Auschwitz, et la mère remariée avec un rescapé des camps nazis. Il va de soi que la fille ignore tout du judaïsme. Elle a vaguement entendu parler de kippour, mais ne croit en rien. Si elle est totalement assimilée, elle n’en est pas moins jolie, blonde aux yeux bleus, elle s’identifie à l’occident. Elle est instruite et sur le plan matériel, elle ne manque de rien, car la mère touche une pension d’Allemagne, et une autre en tant que veuve de guerre. Cette fille réunit toutes les conditions pour être désirée. L’épouser est tout un symbole, c’est l’oriental qui change de peau, c’est la grande métamorphose. Un petit marocain du mellah, qui prend sa revanche sur l’occident insolent ; étalant ses richesses et sa technique. Pour la famille de la fille, qui ne conçoit pas qu’on puisse être juif sans parler le yiddish, la fille épouse un arabe.

Cependant, le jeune homme est beau physiquement, il n’est pas basané, il parle correctement le français ; il a un métier, il n’y a donc pas de raisons de s’opposer à un éventuel mariage. En effet, ils se marièrent. Mais pour cela, il convient de prouver que le Mellah est bien loin, que la cacherout est affaire de superstition, la synagogue, un lieu pour les débiles. Il faut vivre avec son temps. L’occident est le représentant de la civilisation par excellence. Alors, soyons occidental. Notre marocain fait plus qu’il n’en faut pour le prouver, il abandonne cacherout, chabbat, synagogue, et tout ce qui lui rappelle le mellah.

Il fait même preuve d’un excès de zèle au point que sa femme trouve parfois qu’il exagère ; il évite les quartiers juifs de Paris, ne fréquente plus ses amis du mellah avec lesquels il parlait le judéo-arabe marocain, langue si savoureuse au point que le rire et l’humour ne peuvent s’exprimer qu’en cette langue.

La vie continue monotone et triste, ce qui convient parfaitement à sa femme, qui personnifiait l’angoisse à un degré qui frisait le pathologique. Fille de la guerre, elle eut une enfance très perturbée, affectivement délabrée, incapable de percevoir un moment de bonheur, toujours insatisfaite, ne pouvant jamais cohabiter longtemps avec un objet, tout ce qui dure lui était pénible. C’est pourquoi, elle passa sa vie à renouveler sa vaisselle, ses meubles, ses nappes et tous les objets qualifiés d’anciens. Les vieux meubles la ramenaient à un temps pénible de son enfance ; il lui fallait toujours du nouveau. Le malheureux marocain, occultait ses problèmes en s’adonnant intensément à son travail. De ce mariage naquirent deux filles. Il va de soi que ces filles héritèrent l’angoisse de la mère, et l’inauthenticité du père. Il va de soi aussi que pendant le mariage, le juif marocain ne ratait aucune occasion de retrouver son ambiance du mellah avec sa musique, sa cuisine, ses éclats de rires et ses histoires drôles.

On ne peut impunément annihiler une identité lorsque celle-ci est bien ancrée et définitivement élaborée ; ce qui était le cas de notre juif du mellah. L’occident est beau mais inhumain, le mellah est laid mais affectueux. L’occident est grandiose mais froid, le mellah est étouffant mais accueillant. L’occident est majestueux, mais violent, le mellah est insalubre mais serein. L’occident est rationnel mais névrotique ; le mellah est chaotique mais structurant. C’est ainsi que notre jeune homme, ébloui par l’occident, attiré par la beauté de ses filles, a vécu une non-vie, jusqu’au jour où le refoulement de son identité juive venant à saturation, émergea et le fit divorcer. Il réintégra la synagogue, ressortit ses tefiline, recouvra sa vraie nature. Il y a des concessions que l’on ne peut pas faire sans provoquer des dommages irréparables. Ses deux filles partirent en Israël, signifiant par là que le couple parental a été un accident.

Le cas que nous venons de citer n’est pas unique. Il s’est répété à maintes reprises et tous  les cas semblables , se sont soldées par un échec.

On ne peut rejeter sa nature première que dans le cas où elle n’est pas totalement fixée et intégrée sur le plan affectif. C’est ce qui est arrivé à la deuxième génération, autrement dit, aux enfants de ceux qui s’étaient compromis avec les valeurs de l’occident.

On peut, par conséquent, aisément affirmer que le terme « couple juif » est difficilement compréhensible. La composante juive du couple comprend une multitude de sensibilités totalement différentes allant du juif complètement assimilé au juif dit Haredi, qui tremble toute la journée à l’idée de transgresser, involontairement bien sûr, une loi de la torah. A partir de cette constatation, la formation du couple ne peut se faire que dans la même sensibilité religieuse. Si cette dernière est différente, le couple est  voué  à l’échec.

Peut-on accepter cependant qu’un futur membre du couple s’engage à modifier sa conduite pour parvenir à la même sensibilité que l’autre ?

L’expérience que nous avons des couples a, malheureusement montré, l’inadéquation de cette solution. Nous avons eu à connaître plusieurs cas, où le jeune homme ou la jeune fille, s’étaient engagés avant le mariage à respecter les règles du choulhan Aroukh et à consacrer du temps à l’étude de la torah.  Ces engagements n’ont pas été respectés et les conflits dans les couples n’ont pas cessé.

CHAPITRE I

Avant la formation du couple

La proportion des couples qui divorcent est en nette augmentation. Les juifs ne sont pas épargnés, à l’exception des milieux observant la torah où le nombre de divorces n’est pas très élevé.

Pourquoi tant de couples divorcent-ils, provoquant des drames et parfois des dommages irréparables ?

Il nous semble que la cause première est l’ignorance.

Très souvent, les jeunes sont victimes de leur passion, et perdent toute faculté de jugement quand ils sont dans l’état amoureux. Si dans les milieux de torah, les divorces sont si rares, c’est parce que deux facteurs interviennent dans la formation du couple : les parents et le maître (le Rav). On peut trouver cela anachronique, suranné, primitif et débile, le fait est là. Ces deux facteurs constituent des éléments d’équilibre et tempèrent, par leur objectivité, cette phase d’aveuglement par laquelle passent tous les couples. Si un rabbin préconisait l’intervention de personnes sensées pour conseiller un couple avant de décider le mariage, on lèvera les bras au ciel et on accusera ce rétrograde ignorant d’attenter à la liberté de choix des jeunes. Seulement, ce ne sont pas les rabbins qui le disent, ce sont des professeurs d’universités, des directeurs de recherches et des psychiatres.

A titre d’exemple, on citera Boris Cyrulnik, psychiatre et professeur de médecine : « Depuis que le mariage d’amour est devenu une valeur culturelle, ce n’est plus la structure sociale qui s’y exprime, c’est la structure personnelle. Quand les parents provoquaient la rencontre de leurs enfants, ils renforçaient le groupe. Quand l’amour préside au choix du partenaire, il facilite la névrose[3] ».

On peut contester ce point de vue, mais il n’en demeure pas moins que l’auteur n’est pas un clérical plumitif et ignare.

Dans tous les cas, la formation d’un couple doit se faire après une préparation et un apprentissage livresque et simple. Le monde dit moderne est destructeur du couple. Les jeunes doivent faire face à des problèmes qu’ils ne percevaient pas auparavant à cause de l’état amoureux qui annihile toute faculté de jugement.

La préparation au mariage doit être centrée autour de trois axes :

1)   Les critères du choix du conjoint,

2)   Comment gérer les conflits,

3)   La gestion de la sexualité.

 

Les critères du choix du conjoint

Les progrès remarquables de la psychologie expérimentale éclairent d’un jour nouveau les textes du talmud et la littérature rabbinique. Nous sommes ébahis par la justesse des raisonnements et l’intuition quasi-divine dont nos sages ont fait preuve. Avant de procéder à l’analyse des critères du choix du conjoint, il serait tout à fait utile, puisqu’il s’agit du couple juif, d’avoir un éclairage global du judaïsme par l’intermédiaire de quelques textes tirés du talmud et du Midrache.

Nous commencerons par un texte tiré du traité Sota « Quarante jours avant que le fœtus ne soit formé, une voix du ciel sort et proclame :  « telle fille est destinée à tel garçon ».

Autrement dit, le choix du conjoint est une décision divine prise bien avant sa naissance. La difficulté réside dans le fait que la fille ou le garçon ne disposent d’aucun moyen pour le reconnaître.

Comment peut-on savoir que telle fille est bien destinée à tel garçon ? C’est pourquoi la guemara poursuit : « Rabbi Samuel fils de Rav Isaac dit : « On destine telle fille à tel garçon selon ses bonnes actions comme il est écrit : « La tribu des méchants ne se posera pas sur la part échue aux justes (Ps 125). Le talmud interprète à sa manière le verset des psaumes, disant : « qu’un jeune homme impie et méchant ne peut cohabiter avec une fille juste et honnête.

Le talmud poursuit : « Rabba bar Hana dit au nom de Rabbi Yohanan : « Il est aussi difficile de former un couple que couper la mer des joncs » comme il est écrit « l’Eternel fait habiter les solitaires dans une maison. Il fait sortir les prisonniers enchaînés (Ps 68,7)[4].

La réflexion de Rabba bar Hana est en contradiction avec la première affirmation qui dit : « Quarante jours avant la formation du fœtus, etc. car dans ce cas où réside la difficulté ? La guémara répond : « Il n’y a aucune contradiction, quand on dit « quarante jours avant la formation du fœtus… il s’agit de la première rencontre, du couple parfait, de deux êtres qui sont faits l’un pour l’autre, par la volonté divine. Mais quand on dit que « former un couple est aussi difficile que la coupure de la mer des joncs en deux parties » il est question de la seconde rencontre.

On en conclut qu’il existe plusieurs rencontres entre les partenaires, mais il n’y en a qu’une qui relève de l’ordre divin. Celui, ou celle qui rentre dans cette catégorie, vivra une vie heureuse et connaîtra le bonheur. Mais ce n’est pas toujours le cas parce que tel garçon qui correspond à telle fille peut se trouver très loin d’elle dans le temps et dans l’espace.

Maïmonide, ne trouve pas, quant à lui, de contradiction entre les textes cités. Il dit : « Telle fille est destinée à tel garçon », constitue le                    choix idéal. Il ne porte pas atteinte au libre arbitre de tout un chacun. Car, si l’Eternel décide que telle fille, bien avant sa naissance est destinée à tel garçon, il sait d’avance que si ce couple se formait celui-ci serait parfait, idéal. Mais l’homme peut agir autrement en fonction de son libre arbitre et refuser le choix divin ; cependant, le sien sera par nature imparfait[5].

La difficulté de former un couple est générale dans toutes les sources du judaïsme. Nous avons mentionné un texte tiré du talmud. La Bible est du même avis. Le roi Salomon, qualifié de plus sage de tous les hommes a dit dans ses proverbes (XXX, 18-19) : « Il y a trois choses qui me dépassent, quatre que je ne connais pas : le chemin que suit l’aigle dans le ciel, le chemin que suit le serpent sur le rocher, le chemin que suit le navire au cœur de la mer et le chemin que suit l’homme pour trouver une jeune fille ». Si l’on comprend bien cette dernière réflexion de Salomon, on en conclut que la formation d’un couple ne relève pas du rationnel, mais de la providence. La Agada[6] raconte que Salomon est venu à cette conclusion après en avoir éprouvé lui-même l’amère expérience. Salomon, dit Agada, a vu dans la conjonction astrale que sa fille qu’il aimait beaucoup, allait s’unir à un homme pauvre et ignorant. Cette vision le bouleversa et décida d’agir en sorte qu’elle ne se produise pas. Il choisit une île déserte, y construit un château avec une haute tour, et y mit sa fille en prenant soin de lui laisser tout le nécessaire à sa subsistance pour une durée de deux ans. Il exigea le secret absolu de tous les serviteurs.

Deux ans passèrent, Salomon voulait récupérer sa fille. A sa grande surprise, il la trouva avec un homme et un bébé. Il fit une enquête qui révéla que le jeune homme en question avait passé la nuit dans une forêt, couvert de peaux de bêtes, un aigle géant l’ayant confondu avec un animal l’avait soulevé et le déposa au sommet de la tour. Lorsque le jeune homme se réveilla, l’aigle prit peur et s’envola, c’est après qu’il se réfugia dans la tour et fit la connaissance de la princesse enfermée. Celle-ci tomba amoureuse de lui et l’épousa. Il ne restait plus à Salomon que de constater que la formation du couple est l’œuvre du ciel ». Un autre Midrache[7] raconte une histoire similaire : « Une matrone romaine demande un jour à Rabbi Yossi bar Halafta : « la torah dit que Dieu a créé le monde en six jours, le septième jour, il se reposa, mais que fait-il à partir du huitième jour ? Le maître lui répondit : « Il forme des couples ». C’est tout, s’écria la matrone ? Moi aussi, je peux en faire autant, elle donna ordre à mille serviteurs de se ranger en ligne droite, elle plaça face à chaque homme une femme, et ordonna aux mille couples de se marier. Toute fière de son œuvre, elle vint voir Rabbi Yossi et lui dit : je suis plus grande que votre Dieu, en un clin d’œil, j’ai formé mille couples. Quelque temps après, tous les couples formés se sont défaits. Tantôt, c’est la femme qui refusait l’homme qu’on lui imposait, tantôt c’est l’homme qui délaissait la femme. Le désordre s’installa dans le palais de la matrone. Cette dernière vint chez Rabbi Yossi et reconnut humblement son orgueil et arriva à la conclusion que la formation d’un couple relève du divin.

A la lueur de ces textes, nous allons nous pencher sur ce que dit la psychologie moderne. Il est vrai que, chaque fois, que l’on procède à des comparaisons entre les sources juives et une science humaine moderne, on se heurte à un problème de sémantique. Comment comparer des textes où des thèses séparées par trois mille ans ? Il est, par conséquent, indispensable de trouver une traduction plausible convenant à un concept ancien. Nous nous contenterons de donner un seul exemple. L’expression hébraïque qui revient le plus souvent quand il s’agit du couple est « zivoug Mine hachamayim » qui signifie la « formation du couple est l’affaire du ciel ». En psychologie moderne, il est impossible de se servir d’une telle expression, puisqu’elle sous-tend la croyance dite « religieuse ». Par contre, si l’on interprète le sens de cette expression, on comprendra que la formation du couple dépasse la volonté humaine, et même sa liberté. Dans ce cas, nous disposons en psychologie du terme « inconscient ». Une conduite inconsciente échappe aussi à la volonté de l’homme. Ce n’est qu’en procédant de la sorte que l’on peut comprendre la profondeur, la perspicacité et la pertinence des sources juives, et l’on aura la satisfaction intellectuelle de constater que le judaïsme n’est pas une « religion », dans le sens occidental du terme, mais bien une civilisation, un savoir être qui englobe toues les sciences humaines.

 

Les sources des critères de choix du conjoint

 

La vie ne commence pas à la naissance,  « Dès la vingt-sixième semaine, les profils comportementaux sont déjà différents d’un fœtus à l’autre[8].

« Certains bébés sont très suceurs, d’autres peu. Certains sont tellement gambadeurs (956 mouvements par jour), d’autres très calmes (56 mouvements par jour[9]). Ce comportement fournit un indice de l’aptitude du petit à traiter certaines informations privilégiées par sa sensorialité amodale, s’y familiariser par sa brève mémoire, et y répondre par des explorations motrices avec ses mains et sa bouche, ce qui revient à dire que, dès ce moment, quand la mère parle, le bébé goûte, il déglutit chaque jour trois à quatre litres de liquide amniotique parfumé, bien plus qu’on le croyait »[10]. « Il sursaute, cligne des paupières, explore et goûte quand sa mère chantonne[11].

« Dans l’utérus, le bébé organise déjà le monde qu’il perçoit, c’est-à-dire, les affects matériels transmis par les canaux sensoriels, perçus et interprétés par lui. Tout trouble psychique peut prendre sa source en n’importe quel point de cette circulation de l’affect : vie mentale de la mère perturbée, corps de la mère altéré, canaux sensoriels abîmés, communication pathologique, cortex de l’enfant lésé, impulsion à la vie mentale contrariée »[12].

Comme on peut le constater, la vie intra-utérine est tout à fait déterminante du comportement futur de l’enfant. Toute cette vie gravite autour de la mère. Autant dire qu’une femme qui épouse un homme qu’elle n’aime pas, qui est contrariée durant sa grossesse, qui vit des émotions très fortes, communiquera à son bébé tous ses sentiments qui se transformeront par la suite en angoisse.

« Dès l’origine de la vie psychique, le monde se polarise en un univers de sensations familières, où le bébé palpe avec ses mains et change doucement de posture quand sa mère parle, et un univers de sensations étranges, où il sursaute, accélère son cœur, se recroqueville ou se tétanise quand sa mère crie et souffre, ou quand l’environnement transmet des sensations stressantes (bruits, chocs, froids) qui contractent l’utérus et changent le biotope fœtal. L’angoisse et la sécurité sont donc les premiers affects qui structurent l’écologie utérine »[13].

De toute cette activité intra-utérine, dépendent par la suite, la formation des sources pulsionnelles. La première de toutes les pulsions est celle qui a trait à l’auto-conservation. La recherche de l’éternité marque d’une manière indélébile toute évolution affective.

Le besoin de pérennisation qui relève totalement de l’inconscient va trouver son expression au moment où un homme ou une femme se rencontrent. Le choix du conjoint est directement déterminé par la pulsion d’auto-conservation. « La plupart des mariés se choisissent pour des motifs psychosociaux, ce qui n’empêche pas que l’émotion des premières rencontres crée une intense affectivité, que certains nomment « amour ». La rencontre entre deux jeunes a une racine psychosociale profonde, elle est toujours réglée par la culture des parents si elle n’est plus décidée par eux. Même les jeunes qui se marient tôt ne savent pas que leur mariage précoce est statistiquement déterminé par l’affectivité et la sociabilité. Ils sont même convaincus de s’être choisis puisqu’ils se sont rencontrés par hasard, lequel dit-on « fait bien les choses » ainsi parle le stéréotype[14].

Pourquoi le choix du conjoint se fait-il par référence aux images parentales ? Parce que c’est une manière inconsciente de continuer à vivre en famille. « C’est aussi une manière inconsciente de réaliser ce qui généralement est irréalisable, c’est-à-dire, vivre en permanence dans un état d’ambivalence, se marier c’est l’affirmation de l’autonomie, rester en famille, c’est le refus de l’autonomie. Lorsqu’une femme choisit un mari par référence à son père, elle vit l’autonomie sans être autonome. En général, ce choix par référence aux images parentales ne pose pas de problèmes majeurs lorsqu’il est peu marqué, peu apparent, mais lorsque la similitude est lourde, ce choix entraîne des conséquences »[15].

Quelles sont ces conséquences ? Lorsque le choix est trop manifeste –c’est entre autres le cas de la jeune fille dont l’admiration pour le père est sans bornes- or, ce dernier est officier de marine, sa fille est particulièrement attirée par l’uniforme d’officier de marine. Elle finit, par conséquent, par se marier à un officier de marine ; à partir de ce moment, elle entre dans l’ambivalence, le mari est en même temps, l’image paternelle, les rapports conjugaux seront dominés par cette ambivalence, le résultat serait que la femme très souvent se refusera à son mari et deviendra frigide.

Malheureusement, les conséquences ne s’arrêtent pas là. L’état d’ambivalence conduit inéluctablement à l’agressivité. Les rapports dans le couple seront empreints de violence, conséquence de la culpabilité. Celle-ci est provoquée par l’idée inconsciente de l’inceste. La fille a le sentiment d’avoir des rapports avec son père.

La référence aux images parentales n’est pas toujours positive, elle peut être négative. C’est le cas d’un jeune homme qui a vu sa mère non respectée par le père, qui a assisté tout petit à des scènes de ménage où la mère est le souffre-douleur du père. Celui-ci, violent et impulsif, avait totalement réduit la mère à l’état d’esclave. Le jeune homme orientera son choix d’une manière inconsciente vers une femme qui a de la personnalité ; par conséquent, le choix de sa femme se fera en référence négative de l’image maternelle. Dans ce cas aussi, les conséquences pourraient être graves si la référence est trop lourde, autrement dit, si la femme choisie, a une personnalité qui annihile totalement celle de l’autre. Les relations seront déterminées par des rapports de force inconscients car l’homme cherchera à compenser la perte de sa personnalité par des accès de violence ou par une conduite agressive à l’égard de son environnement professionnel.

Un homme peut être conduit à choisir sa femme, par référence à l’image du père. Celui-ci symbolise pour le fils la fonction protectrice, la sociabilité. Dans le cas où cette fonction n’a pas été remplie correctement par le père, l’homme va trouver chez sa femme ce qu’il a en vain attendu de son père et qu’il continue inconsciemment à chercher. Ce mari demandera indirectement à sa femme de jouer le rôle que son père n’a pas assumé. En cela, il fera preuve d’immaturité. Tout se passera sans heurts si la femme a les capacités psychologiques de protection, dans le cas contraire, le couple vivra dans l’indifférence mutuelle.

Comme on peut le constater, le choix du conjoint est directement lié à l’évolution affective de l’enfance. La mère occupe une place prépondérante dans cette évolution et l’on verra l’ampleur des dégâts que la mère peut provoquer, lorsque son fils ou sa fille, décideront de se marier. Il faut, toutefois, préciser que les mères ne doivent, en aucune façon, se culpabiliser. Car, pour être culpabilisé, il faut qu’il y ait responsabilité, or, tout se passe au niveau inconscient. La mère n’est en aucune manière  responsable si elle se limite à transmettre inconsciemment ce qu’elle est.  Quant au père, les liens avec son enfant « s’établissent selon la culture, comme une parenté proche mais toujours désignée, le père s’institue dans une parenté désignée, alors que la mère constitue avec son enfant un continuum du biologique à la représentation, dont le clivage heureux exige une parfaite harmonie des forces séparatrices. Toute perturbation de cette harmonie comportementale affective, symbolique et culturelle risque de provoquer un trouble de la séparation mère-enfant[16].

Autrement dit, le lien mère-enfant constitue une fusion sensorielle bien plus profonde qu’une relation de parenté. « Il y a une transmission héréditaire de la composante neurologique de l’appareil à percevoir le monde. Mais on sait que l’alimentation sensorielle du fœtus est fournie par les réactions de la mère. Ce qui compose cette sensorialité, c’est bien sûr l’écologie physique (bruit, froid, choc, toxiques). Mais c’est surtout, l’affectivité de la mère, sa manière de réagir émotivement à une situation ou une information en fonction de son histoire, de son propre développement.

La mère crée ainsi une écologie affective très différente selon qu’elle est hyperactive ou alanguie, stressée ou sécurisée. Autrement dit, son milieu conjugal et familial qui la rend plus ou moins heureuse ou sécurisée, et la société dans laquelle elle vit, qui lui offre des conditions de maternité plus ou moins douces, vont se conjuguer avec sa propre histoire et l’organisation de son inconscient dans son interprétation de ce qu’elle perçoit, le phénomène mental naît de l’incorporation de la sensorialité maternelle dans le récipient à rêves du fœtus »[17].

Il est aisé à la lueur de toutes ces citations et des travaux sur la psychologie du couple, de comprendre que la formation d’un couple relève d’une décision du ciel. Encore une fois, les études modernes viennent corroborer ce que le judaïsme affirmait, il y a deux mille ans déjà.

Pour qu’un couple puisse durer, il faut qu’il y ait intrication des inconscients, c’est-à-dire, un pied et une chaussure de la même pointure.

Si l’on compte dans les pays dits évolués et modernes, qu’un couple sur trois, divorce, et que le deuxième couple est conflictuel, on comprendra que cette intrication est rare, et pour qu’elle ait lieu, il faut obligatoirement qu’intervienne la providence.

On comprendra mieux aussi le texte du Midrache Rabba[18] qui écrit : « Rav Samuel bar Nahmani dit : « l’Eternel a, dans un premier temps, créé l’homme avec deux corps collés par le dos, ce n’est qu’après qu’il les a sciés et les a mis face à face ». C’est une image admirable pour dire que le couple est structurellement conflictuel, les deux partenaires se donnant le dos. Les problèmes commencent lorsqu’on se regarde dans les yeux. Mais dans ce cas, il faut l’intrication des deux inconscients.

La torah exprime aussi le thème de l’inconscient dans plusieurs textes du Midrache et même du Pentateuque. A propos de la création de la femme, la genèse précise que l’Eternel plongea l’homme dans un profond sommeil et lui retira une côte, dont il se servit pour créer la femme. N’est-ce pas là la plus belle leçon de psychologie moderne ? Le profond sommeil est le symbole de l’inconscient. Pour créer la femme du couple parfait, il faut l’intrication, symbolisée dans l’image de la genèse par la côte de l’homme. C’est pourquoi ce couple-là a été déposé au paradis parce qu’il constituait le couple idéal, paradisiaque au sens propre du mot.

Un autre Midrache raconte, que lorsque le fœtus est dans la matrice, un ange arrive et lui allume une bougie qu’il dépose sur sa tête et lui enseigne toute la torah. Neuf mois après, le fœtus doit naître, mais auparavant, l’ange revient, lui donne un coup sur la bouche et lui fait oublier toute la torah »[19]. L’enfant vient au monde et ne se rappelle plus de rien.

Ce Midrache soulève une question évidente. Si le fœtus doit tout oublier, pourquoi l’ange se donne-t-il tant de mal pour lui enseigner toute la torah ? La réponse à cette question nous est fournie par la psychologie moderne qui apporte un éclairage nouveau sur certains textes du Midrache difficilement compréhensibles. En fait, il s’agit de la structure mentale, de l’évolution affective de l’enfant. La construction affective de l’enfant. La construction affective au stade fœtal est perceptible, mesurable, observable, c’est ce que le Midrache veut dire que l’ange lui enseigne toute la torah, mais après la naissance, les éléments affectifs fixés au stade fœtal sont rejetés dans l’inconscient ; ce qui correspond à l’oubli de la torah. Le comportement humain est déterminé par l’inconscient, mais l’homme a le pouvoir d’occulter les véritables motivations de sa conduite. Un père, ou une mère, se comportent avec leurs enfants en fonction de ce qu’ils sont eux-mêmes, autrement dit, de leur propre construction affective.

On retrouvera ce processus dans la nature des conflits qui se succèderont sans relâche durant la vie du couple.

Pour plus de clarté, nous allons donner quelques exemples, qui prouvent que l’éducation reçue, la qualité de la famille dans laquelle évolue l’enfant, l’affectivité des parents, l’environnement social, psychologique et culture, détermineront le choix du conjoint.

Le cas le plus classique est celui du fils unique ayant un père effacé, totalement dominé par la mère. L’époux ne réagit pas contre le poids de la mère et trouve même cette situation confortable. Il ne demande qu’une seule chose : la paix et la tranquillité. Le soir, il veut lire son journal, regarder la télévision, quant à l’enfant, il ne cherche que la compagnie de la mère et s’identifie totalement avec elle. Dans la vie, il y a plusieurs cas semblables à celui-là où le garçon s’identifie à la mère. Dans les foyers dissociés, sans père, la mère élève toute seule son fils. Celui-ci n’ayant pas de substitut du père, ne peut que s’identifier à sa mère.

C’est aussi le cas de la femme seule et naïve qui se fait exploiter par tout le monde, le fils s’identifiera à elle, pour alléger inconsciemment le poids de la charge qui pèse sur elle.

Que deviendra ce petit garçon à l’âge adulte ? L’identification avec la mère aura des conséquences et sur sa vie intime et sur sa vie professionnelle pour les raisons suivantes :

L’identification activera le désir incestueux que l’enfant refoulera immédiatement. Mais l’affect reviendra chaque fois que cet enfant se trouvera dans une situation qui évoquera pour lui la marque de castration.

Comme il n’y a pas eu de fonction structurante du père, l’enfant devenu adulte, ira vers une femme qui ne se laisse pas faire, une femme qui ne parle que de modernisme, qui équipera sa cuisine d’une machine à laver la vaisselle, car il n’est pas question qu’elle abîme ses mains avec du détergent. Seule une femme de cette catégorie lui permettra de se défendre contre les situations auxquelles il ne pourra pas faire face. Ce genre de femme est choisie de « telle manière qu’elle ne stimule pas la pulsion refoulée et qu’elle en écarte la possibilité de satisfaction »[20]. Donc, ce choix est purement défensif. Seule une femme très éloignée de l’image maternelle peut lui assurer une sécurité intérieure ou comme dit Lemaire : « lui permet de maintenir son unité, la cohérence et la défense de son moi, sa stabilité et sa sécurité en face de menaces intérieures liées à la persistance de courants pulsionnels refoulés et restés vivaces ».

Il va de soi que tout ce processus relève de l’inconscient, ce qui revient à dire qu’il existe une providence qui fait agir l’homme dans une direction qu’il croit orienter mais en vérité, il suit cette direction qui lui est tracée d’avance selon sa structure affective. Freud qui ignorait presque tout du judaïsme, avait parfois des intuitions dont la source se situe dans la tradition talmudique. En écrivant : trouver l’objet, c’est au fond le retrouver[21]. Il paraphrase la citation que nous avons faite, à savoir : « quarante jours avant la formation du fœtus… »[22]. Ce qui revient à dire que les partenaires du couple se rencontrent parce que leur affectivité soit, se complète, soit se détruit. C’est l’application du principe « Min Hachamayim » (du ciel).

Même le type d’interrelation du couple qui vient de se former est repéré au type d’interrelation du couple parental. Tout se joue dans la famille, même le choix de la femme ou de l’homme. L’éducation d’un enfant a pour base le modèle parental. Un enfant attaché à son père, auquel il s’est totalement identifié, qui a entendu ce père parler grossièrement à sa femme. Il est vrai que les enfants ne reproduisent que très rarement, purement et simplement le modèle parental original. Il n’en demeure pas moins que ce modèle ne les quittera jamais. Même si l’on parvient plus facilement, surtout à l’époque actuelle, à une relative distanciation par rapport aux modèles parentaux. Il est inutile de répéter que ce qui se passe dans la famille sera déterminant pour la formation du couple. Les attitudes et les comportements, même non manifestes, auront une influence certaine sur la conduite des enfants à l’âge adulte.

Le cas de P…. nous aidera mieux à comprendre. P… est originaire d’Algérie, après les événements qui ont ensanglanté ce pays, toute la famille s’installe en France. P… est fils unique. La famille est sincèrement juive mais sans bases solides. Comme la plupart des juifs d’Algérie, le talmud torah constituait l’ultime étape des études hébraïques, dispensées aux enfants. P… fit la connaissance d’une non-juive. Les parents qui ne vivaient pas selon la tradition juive voyaient le ciel leur tomber sur le tête. C’est leur fils unique, ils n’auront, par conséquent, aucun petit fils juif.

Le père tomba malade et décéda quelque temps après. Pour P…, cette mort laissa des traces indélébiles. Il se culpabilisa au point qu’il perdit le sommeil et il sombra dans une profonde dépression. Les relations avec sa femme étaient tout à fait ambigües. Le couple était lié, mais les deux partenaires vivaient dans un état de dépendance totale l’un envers l’autre. Peu de temps après, c’est au tour de la mère de P… de quitter ce monde. Cette fois, point de doute, la mort des parents a pour seule origine son mariage avec une non juive ! Pourtant, ses parents, avant leur décès avaient fini par accepter leur belle fille et même l’appréciaient pour ses qualités de femme d’intérieur, intelligente et discrète. Pour P…, la perte de sa mère détruisit les dernières racines qui l’attachaient encore à cette vie. La dépression de P… s’aggrava et on dut l’hospitaliser. Il se rétablit après trois mois. Pendant ce temps, sa femme étudiait le judaïsme et prit contact avec un rabbin. Elle prit conscience que son mariage était à l’origine de la culpabilisation de P…. Seule sa conversion, et un changement radical du mode de vie familial, pourrait donner la durée au couple. La femme se converti, P... se mit à l’étude de la prière, il devint un pilier de la synagogue, et trouva une certaine compensation dans sa nouvelle vie spirituelle. Le couple eut deux enfants, un garçon et une fille qu firent des études brillantes grâce à la surveillance constante de la mère. Dès l’obtention du Bac, les deux enfants partirent en Israël, comme pour soulager le père de la culpabilisation qu’ils alimentaient par leur présence. Le père, en effet, aurait souhaité que ses parents connaissent et apprécient ces deux enfants qui donnaient toute satisfaction. Un an après son inscription à l’université, la fille rencontra un garçon, qui est tout à fait l’image inverse du père. Le père est soumis, le garçon est dominateur, le père est déprimé, le garçon fait preuve d’un optimisme excessif, ce qui nous paraît tout à fait instructif, c’est le refus de la fille de faire la connaissance de nombreux jeunes gens qui voulaient l’aborder. Elle donnait l’impression que le mariage ne l’intéressait pas du tout. Elle savait qu’elle étaient belle et instruite, et par conséquent, elle n’avait aucune raison de se presser. Mais lorsqu’elle rencontra ce jeune homme, tout avait basculé pour elle. Ses parents n’étaient pas au courant de ses fréquentations. C’est bien plus tard qu’elle annonça son mariage. Son inconscient seul, savait qu’elle était attirée par ce jeune homme parce qu’il était l’image opposée du père. C’est l’opposition qui a motivé son choix, l’empêchait aussi d’en parler au père, car au fond d’elle-même, ce choix référé à l’image négative du père, était aussi culpabilisant pour elle. En parler au père, c’est activer la pulsion culpabilisatrice.

Pour illustrer encore le principe de Min hachamaïm (du ciel), nous évoquerons le cas bien connu de l’idéalisation de l’objet. Ce cas est plus connu sous la dénomination populaire : le coup de foudre.

Cet état passionnel est particulièrement dangereux. « La passion est une vague qui submerge Eros, qui le détrône et l’expulse. Comment une femme, un homme peuvent-ils se perdre dans un tel tourbillon ? Il/elle reconnaît sans nul doute l’objet de sa passion. Il/elle en oublie le boire et le manger. Il/elle en oublie les règles du savoir-vivre. Il/elle pénètre en trombe dans l’existence de l’autre objectivité, ne veut rien savoir de son passé, de son présent. Il/elle s’impose, impose sa violence, se fait violence, subit la violence. Chaque seconde où le passionné n’est pas dans l’appel, où il n’est pas dans l’invocation est une seconde de gagnée sur sa folie. Il/elle se débat, tel l’alcoolique, le toxicomane contre cette absence vitale de l’autre »[23].

D’après Lemaire, qui a très bien étudié ce cas, ce processus d’idéalisation du partenaire si fondamentale semble trouver sa source la plus primitive dans les tous premiers moments de l’existence psychique du nourrisson. Ce processus concerne tous les individus, mais plus particulièrement, les personnes immatures, généralement des couples jeunes et des adolescents en état de révolte contre les parents : « Face à ces parents ressentis comme particulièrement incompréhensifs, frustrants, et interdicteurs, les enfants réagissent par la recherche aveugle d’un partenaire quelconque, de leur âge autant que possible, de façon à pouvoir éprouver un minimum d’identification avec eux, et le distinguer ainsi des figures parentales momentanément honnies ou rejetées »[24].

Comment et pourquoi des enfants deviennent-ils immatures ? Il convient en premier lieu, de faire partie d’une catégorie d’individus qui se particularisent par une fragilité psychique. Cette fragilité n’est pas à mettre sur la responsabilité de personne. Chaque individu vient dans ce monde avec un héritage personnel. Toutefois, cette hérédité seule ne suffit pas à fixer l’immaturité, il faut aussi évoluer par la suite dans une situation insécurisante. L’immaturité se fixera en cas de carence affective, perte précoce de la mère, changement fréquent de nourrice, abandon d’une nourrice à laquelle on est attaché, père alcoolique et mère absente. L’idéalisation de l’objet est un moyen de défense contre toute cette carence affective. L’euphorie dans laquelle plonge l’amoureux annule un état d’anxiété. En vérité, le coup de foudre est une lutte intérieure contre l’angoisse à un stade d’intensité ultime : « C’est une véritable défense de caractère maniaque annulant et inversant la dépression : euphorie, enthousiasme, impression de transformation de soi-même et du monde, de toute puissance par la possession de cet objet tout puissant, gratifiant, et protecteur à la fois.  La perte de contact avec la réalité du monde social et matériel est telle qu’aucun signe contradictoire ne peut tempérer cette crise hypomaniaque, ni mettre en doute la certitude. Ainsi est effacée la dépression, par l’annulation de toute ambivalence »[25].

Un état ambivalent comprend deux pôles contraires, ce qui implique l’incertitude, celle-ci est source d’angoisse.

Par l’idéalisation de l’objet, on supprime toute ambivalence, donc il n’y a plus d’incertitude, et par conséquent, l’angoisse s’atténue. Tout ce processus se déroule au niveau inconscient, c’est la définition même de « Min Hachamaïm ».

L’attention des parents est particulièrement attirée lorsque l’enfant est en bas âge[26]. La fréquence des échecs chez ceux qui ont eu d’importantes carences en bas âge entraîne des conséquences graves. Les frustrations dont est victime un enfant dès sa première année d’existence, provoquera par la suite un état d’immaturité. Une mère souvent absente, malade, débordée, déprimée, violente, nerveuse est à l’origine des carences affectives. Il convient de ne pas culpabiliser la mère, car son comportement est involontaire.

A l’exception des cas pathogènes, il n’y a pas de mère qui ne se dévoue pas à ses enfants.

Toutefois, en cas de circonstances particulières, maladie, décès, il est indispensable de trouver dans les plus brefs délais, un substitut à la mère, qui soit le plus sécurisant possible. Encore une fois, avec le cas de l’idéalisation de l’objet, on peut constater que le choix d’un partenaire lors de la formation du couple, se décide bien avant la naissance.

On peut multiplier à l’infini les cas, pour prouver que dans le choix du conjoint, le rôle de l’inconscient est déterminant. Nous voudrions néanmoins terminer ce chapitre par le cas qui nous est particulièrement spécifique à nous, juifs, il s’agit de la pléthore affective.

 

La pléthore affective

 

L’angoisse des mères juives est proverbiale. On a écrit toute une littérature sur la mère juive, possédante, enveloppante, angoissante, castratrice, culpabilisante, maternante, dévouée, sacrifiée, anxieuse.

Cette liste n’est pas exhaustive, on peut y ajouter d’autres adjectifs. Mais il faut dire que ce genre de mère va en diminuant. De nombreuses mères juives travaillent à l’extérieur, et adoptent un mode de vie semblable aux autres femmes non-juives. On peut le déplorer ou s’en féliciter ; le problème ne changera pas, la réalité de la société actuelle est ce qu’elle est. Ce qui est vrai, par contre, c’est les progrès de la psychologie.

Or, l’orientation globale de ces progrès va dans le sens de la culpabilisation de la femme. La psychologie expérimentale est arrivée au terme de ses recherches à la prépondérance de la mère dans la construction mentale et affective de l’enfant. Mais il aurait fallu, parallèlement, insister sur le rôle de l’inconscient dans cette prépondérance afin de ne pas rendre responsables les mères des carences affectives de leurs enfants. A moins que la responsabilité de la mère soit démontrée, et dans ce cas, sa responsabilité directe sera engagée. Toujours est-il que beaucoup de mères sont prêtes à sacrifier leur aventure personnelle pour que leur enfant puisse se développer au mieux. Il s’ensuit l’apparition d’une pathologie : la pléthore affective ! L’enfant surprotégé est élevé dans une sorte de confinement affectif. Quand l’effondrement familial crée un désert affectif, les enfants en sont toujours biologiquement et psychologiquement altérés[27].

La pléthore affective touche beaucoup de familles juives, l’enfant est « enkysté » dans l’angoisse maternelle et sa culpabilisation culturelle. Il grandit dans une délicieuse prison affective.

« C’est la haine qui lui donnera la force de quitter ce paradis parental qui tourne à l’enfer affectif « J’ai pourtant tout fait pour lui » dit la mère, et c’est vrai ; mais l’enfant répond. Elle faisait tout à ma place, mon père est une ombre, je me fais souffrir pour qu’elle souffre »[28].

Dans le milieu juif, beaucoup de couples sont confrontés à des conflits dont l’origine est la pléthore affective.

 

Le cas X

 

Madame X se plaint que son mari ne lui manifeste pas l’affection qu’elle mérite. La moindre discussion tourne à la dispute. Le problème est que X estime qu’elle est tout à fait normale et que son mari a besoin de se soigner. Pour comprendre le cas de X, il est indispensable de connaître, autant que faire se peut, l’origine de la pléthore affective.

«La psychologie de la maternité n’est pas seulement déterminée par l’instinct maternel et l’ambiance culturelle, mais aussi par les conflits non résolus de la mère, conflits qu cherchent à se liquider dans l’accomplissement de la maternité. Ceux-ci, en effet, trouvent l’occasion de se sublimer dans le sentiment maternel ;  l’agressivité se transforme en activité protectrice ; les tendances narcissiques sont satisfaites par l’amour pour un être chair de sa chair, et sa possession complète ; les tendances masochistes s’investissent dans la nécessité du sacrifie d’une partie de soi, de ses activités au profit de l’enfant »[29].

X a été victime du trop plein d’affection, de l’anxiété obsessionnelle de la mère et de son inquiétude irrationnelle. Pour comprendre le choix du partenaire de X, et par ricochet, les motifs du désordre qui règne dans son couple, il est indispensable de remonter à son enfance et à l’anamnèse de sa mère. Celle-ci est l’aînée d’une famille de quatre enfants, dont elle est la seule fille. Elle a donc secondé sa mère et parfois s’est identifiée à elle. La mère de X, entourée de ses quatre frères, grandit parmi des hommes qui se sont trop attachés à elle.

Il arrive, dans ce cas, que ce genre de fille, sœur et mère à la fois, soit saturée de la présence masculine. Son père très discret et effacé, est le genre de père juif qui délègue tous ses pouvoirs à son épouse, secondée par sa fille aînée. L’effacement du père n’empêche pas sa présence affectueuse et son rôle passif, mais efficace sur le plan de l’équilibre de la famille. Le problème qui se soulèvera est comment marier la fille. Dans ce genre de famille, une fille doit se marier très tôt. Il se trouve qu’étant l’aînée de la famille, elle ne voyait pas la nécessité de se marier parce qu’elle n’avait pas liquidé son stade oedipien. L’effacement du père et la présence de quatre garçons ne lui permettaient pas, dans l’ambiance culturelle de la famille de liquider ses complexes étant chargée d’un fardeau qu’elle ne peut porter. L’amour que tout le monde lui témoigne en tant que sœur-mère est lourd à supporter. D’un autre côté, il lui est difficile de ne pas satisfaire ses parents trop affectueux, et celui de ne pas renoncer au lien avec les frères. Elle épousera donc un homme qui a l’adhésion de ses parents, mais à qui, elle n’accordera pas son amour. C’est seulement ainsi qu’elle pourra sauver sa situation ambivalente. Elle construit un couple qui est un compromis entre des exigences affectives contradictoires : l’homme qu’elle épouse est parfaitement bien, mais il aurait dû savoir que sa femme ne l’aimera jamais. Car, si elle l’aimait, elle serait culpabilisée et aurait le sentiment de trahir tous ses frères.

Certes, elle songea un certain moment à divorcer, lorsque les frères prirent leur autonomie, mais les parents s’y opposèrent vigoureusement, car dans ce genre de famille, on ne divorce pas. Elle fit donc son deuil du divorce.

De ce mariage naquirent deux filles. Celles-ci seront la focalisation de toutes les séquelles des complexes non résorbés de la mère, qui, n’ayant pas une vie sentimentale satisfaisant, répand tout son amour disponible sur ses enfants. Mais les filles sont victimes de cette pléthore affective, parce qu’elles serviront à la satisfaction du narcissisme exacerbé de la mère. La fille confrontée à sa propre incapacité, se juge ingrate et coupable, ce qui engendra chez elle une anxiété latente.

L’échec de sa vie sentimentale sera compensée par une vie mondaine, et une réussite plus apparente que réelle de sa vie professionnelle.

En définitive, l’héritage affectif des deux filles est comparable à un bâtiment en ruine : anxiété pathogène, immaturité affective, culpabilité exacerbée, ambivalence à l’égard de la mère, qui est admirée et aimée d’un côté et détestée de l’autre. Ceci se traduira pour une des filles par un conflit intérieur nourri par le désir de quitter la mère et l’impossibilité de devenir autonome. Cet état de choses ne peut être circonscrit dans des limites non pathologiques que par une succession de disputes : à la limite de l’hystérie, soit par une vie mondaine pour occulter les conflits. Le cas des filles a été aggravé par l’effacement du père et la domination exclusive de la mère afin de compenser une vie sentimentale pauvre.

L’évolution affective d’une des filles a été déterminante dans le choix de son conjoint. Son immaturité la conduira à se marier très tôt. N’ayant pas liquidé son stade de l’adolescence, elle a une soif permanente d’affection pour compenser la pléthore affective de la mère qui était seulement la réponse à ses séquelles agressives, narcissiques et masochistes. Elle veut un amour authentique qui soit également référé négativement à celui des parents. Son angoisse latente se traduit par un comportement hystérique qui l’aide à déverser son agressivité inhérente à l’état d’ambivalence avec sa mère. Le délabrement affectif de la fille se conjuguant avec les ruines de l’affectivité de sa mère, conduisent à un mariage précipité qui ne peut être que conflictuel. Aucun homme ne peut réunir tous les matériaux nécessaires pour combler un édifice aussi délabré. Ce qui nous intéresse le plus, est de prouver que la formation d’un couple, se réalise selon des données que l’homme ne peut connaître, ni analyser. C’est ainsi que la fille choisit un homme dominateur, réfère négativement à l’image paternel, mais cet homme sera sollicité, en permanence, à prouver qu’il est toujours amoureux de sa femme, afin de combler la pléthore affective induite par l’angoisse pathogène de la mère.

 

Le couple bloc

 

Il existe des couples qui sont de véritable forteresses impénétrables. Les deux partenaires sont fondus en une seule unité. Les deux personnalités n’en constituent plus qu’une seule. Les enfants face à ce bloc ne trouvent aucune faille pour s’y glisser. Dans un couple normal, le père représente l’autorité, la sécurité, la sociabilité, le modèle à suivre ; quant à la mère, elle assure l’affection, dispense beaucoup d’amour, arrondit les angles en cas de conflit.

Face à un couple forteresse, les enfants accumulent les frustrations et l’insécurité, et ne parviennent pas à développer leurs qualités potentielles. Lemaire a écrit : « Les couples très unis dont les enfants souffrent, non certes, parce que l’entente parentale est globalement bonne, mais parce qu’elle a une forme telle que l’enfant ne peut plus ajuster ses propres désirs et ses propres défenses à cet ensemble organisé entre les parents. Il y a des couples fusionnels qui ne laissent pas à l’enfant la possibilité de trouver sa place dans l’univers affectif dont il a besoin »[30].

Ce genre de couple sera également déterminant pour l’avenir des enfants. Nous sommes de nouveau en présence d’un cas où le couple parental orientera le choix des partenaires des enfants. Ces derniers, de toute façon, ne parviendront pas à s’attacher à une personne et à créer une famille normale. Les enfants issus du couple bloc ne voudront pas du cadre du mariage et éviteront ce que l’on appelle le grand amour. Car tout cela rappelle trop le couple parental, ou chaque partenaire était l’esclave volontaire de l’autre.

En conséquence, les enfants vont se défendre contre une relation trop dense et construiront un couple en référence négative à l’image du couple parental.

Cette négation se traduira par le choix d’un ou d’une inconnue totale. Celle ou celui dont les défauts et les qualités sont connus seront écartés. Par contre, celle ou celui, porteurs de caractère mystérieux  seront particulièrement recherchés.

En conclusion, la psychologie moderne, dans une grande majorité de cas, corrobore ce que les sages du talmud avaient dit dans leur langage propre. Le zivoug min hachamaïm, expression qui revient très souvent dans la littérature talmudique, signifie que la formation du couple est d’une telle complexité que seule Hachem peut en percevoir tous les tenants et les aboutissants. On peut traduire ce raisonnement en psychologie moderne en disant que tout se passe comme si « l’inconscient de chaque individu percevait dans l’inconscient de l’autre une série de conflits intérieurs. Si ces conflits sont pour une part analogues au siens propres et qu’il ressente chez l’autre une manière différente d’y réagir, l’individu se trouve alors puissamment attiré vers cet autre avec une forte chance de réciprocité. Hachem seul connaît les inconscients. Un couple voulu par Lui est un couple où il y aura intrication parfaite des deux inconscients, autant dire que cela relève du miracle.

Le conflit est au couple ce que le levain est au pain. Un couple sans conflits est comparable à deux co-locataires d’un même appartement. Ce n’est pas le conflit qui est en cause, c’est sa nature. On peut en schématisant, et pour être plus clair, classer les conflits en deux catégories : les conflits qui prennent leur source dans la plus tendre enfance ; autrement dit, avant même la naissance, et peu de temps après, et les conflits conjoncturels provoqués par un événement extérieur : maladie des enfants, vie matérielle difficile, chômage, scolarité, fréquentation des enfants, voisins, environnement, belle-mère etc.

Cette catégorisation est tout à fait arbitraire car, un conflit peut avoir pour cause directe un événement imprévu, mais sa résolution dépendra de la structure affective des partenaires du couple. On ne pourra jamais faire abstraction de sa propre structure affective. Toute réaction du couple sera déterminée par son évolution affective, ou comme dit Lemaire : « Les conflits trouvent leur origine dans les compromis inconscients ayant conduit les deux personnes à se préférer, à se coaliser plus ou moins étroitement dès le moment de leur choix mutuel »[31].

C’est donc dans le premier choix du partenaire que se situe la faille du couple ; l’origine des conflits, comme les causes du choix du partenaire échappent à la conscience des individus.

Lorsqu’on pose la question à une fille ou un garçon, pourquoi avez-vous choisi cette personne pour conjoint ? Les réponses sont généralement d’une pauvreté déconcertante.

En général, on évoque le hasard. Un jeune homme nous avait répondu qu’il avait connu sa femme dans un avion ; et la preuve que celle qu’il venait de rencontrer lui était destinée, est le fait qu’il devait normalement embarquer dans l’avion précédent, qu’il avait raté.

Par conséquent, s’il a raté l’avion, c’est que dans le vol suivant se trouvait celle qui devait devenir sa femme.

Les réponses des couples tournent généralement autour du lieu et du temps de la rencontre. Le garçon parle de la beauté de la fille, la fille évoque les qualités humaines du garçon. Toutes ces réponses ne reposent sur aucun fondement rationnel, elles sont avancées uniquement pour occulter les « affects inconscients qui ont si profondément attiré l’un vers l’autre les deux sujets ». La rencontre des deux partenaires ne peut aboutir à un mariage que lorsque les deux inconscients parviennent soit à l’intrication totale, et ce sera un couple heureux, soit, à un compromis, et dans ce cas, le couple aura à affronter les conflits occultés lors de ce compromis.

Présentée de la sorte, la rencontre de deux êtres semble obéir à un fatalisme implacable, un déterminisme fatal et désespérant.

A cela, Lemaire répond : « Bien au contraire, on observe la très grande évolution de ces forces et la maturation décisive qui peut entraîner, même tardivement une expérience amoureuse, chez certains, ce sera sans doute trop tard pour que le premier choix amoureux précoce puisse être confirmé comme heureux, mais par ailleurs, ces évolutions maturatrices tardives déclenchées à l’occasion d’une crise du couple et d’une thérapie, témoigne de la grande évolutivité des processus psychiques »[32].

Bien avant Lemaire, la torah nous a enseigné que tout fatalisme et tout déterminisme qui paralysent la volonté de l’homme sont étrangers à la conception juive de la vie.

L’homme a la possibilité d’agir sur sa propre constitution psychique. Pour cela, il doit s’imposer les règles que la torah lui propose pour éviter tout aboulisme.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet quand on abordera les solutions des résolutions des conflits.

Pour le moment, il faut savoir que le libre-arbitre est entre nos mains et qu’il est toujours possible de dominer un conflit. Il convient de retenir que le choix du conjoint ne se fait jamais par « hasard ».

Les possibilités de choix sont en réalité étroitement limitées.

Cette conclusion à laquelle est parvenue la psychologie moderne est comprise dans l’expression talmudique : le zivoug min hachamaïn, former un couple n’est pas l’effet du hasard, mais relève de la volonté du ciel.  En tout cas « n’importe qui n’épouse pas n’importe qui, l’étendue du champ des éligibles se situe pur chacun dans l’espace très restreint où il a grandi et où il se meut ». Il faut ajouter aux deux déterminants de la formation du couple : l’espace et le temps, le « réseau de déterminations sociales qui enserre de toutes parts les jeunes gens et les jeunes filles à l’époque de leur adolescence, au moment où ils cherchent plus ou moins activement à passer d’un statut social à un autre, et où il leur faut entrer dans la vie adulte par le mariage aussi bien que par l’exercice d’une profession »[33].

La nature des conflits sera le reflet de tous les « déterminismes » qui ont conduit deux personnes à former un couple, à savoir : le temps, l’espace, l’éducation, le contexte socioculturel, les conditions économiques et géographiques, le groupe familial.

Les critères du choix du conjoint se retrouveront par la suite dans les conflits du couple. Nous avons déjà attiré l’attention[34] sur l’importance de l’expression de l’enfant dans le cadre de la famille. Si la tradition n’est pas un vain mot et trouve son épanouissement dans le cadre de la famille juive, l’enfant aura de nombreuses occasions d’exprimer ses besoins, ses désirs et ses craintes. Quand le chabbat illumine la maison juive, l’enfant est roi, cette sainte journée lui est consacrée. Le père est totalement disponible pour dialoguer avec ses enfants, susciter leurs questions, éveiller leur curiosité.

Dans le cas contraire, lorsque l’enfant n’a pas été préparé à exprimer ses désirs, il sera très mal armé pour affronter les difficultés qui ne manqueront pas d’émerger dans son couple. Il est tout à fait légitime que les enfants assurent la pérennité des parents. Ceux-ci désirent que les enfants conservent leurs traditions, leurs coutumes, leur identité, tout cela est fort bien. Toutefois, il faut faire attention de ne point façonner les enfants en fonction des normes propres aux parents. On voit des parents qui se réjouissent de voir les enfants se conformer sans discussion à leurs propres modèles. Si ces résultats, qui réjouissent tellement les parents ont été obtenus sans discussion, il faut que les parents sachent qu’ils rendent à leurs enfants un bien mauvais service. S’il est légitime d’éduquer l’enfant, conformément aux convictions des parents, la discussion, le dialogue, l’explication, l’étude, ne doivent pas être absents.

Si l’on donne un ordre à un enfant, il est indispensable de donner le « pourquoi » de l’ordre. Il est très dangereux de « façonner » un enfant ; celui-ci n’est pas un animal de cirque pour être dressé. Entre les parents et les enfants ne doivent pas s’instaurer des rapports de force, mais des rapports fondés sur l’amour, l’affection, la compréhension et le dialogue.

Beaucoup de parents « s’étonnent de voir leurs enfants mariés, se séparer douloureusement, au milieu de leur existence, sans se rendre compte qu’ils sont pour une part considérable dans cette évolution qu’ils paraissent regretter ».

 

Le groupe familial n’est pas seul en cause dans le devenir de l’enfant, encore moins les parents ; il faut compter avec le milieu en général, surtout le milieu social.

L’influence du milieu, avec ces pressions, agit au niveau inconscient et c’est ainsi qu’un enfant intègre cette influence et considère que c’est son intérêt propre de se conformer aux normes du milieu. Il ne ressent pas du tout que sa conduite lui a été dictée par son milieu même si cette conduite est contraire à ses sentiments. Tout en agissant conformément aux directives de son milieu, il est persuadé qu’il agit librement « puisque les conditionnements exercés ont été assimilés par lui. Ce processus psychologique n’est pas négatif en soi, tout dépend de la qualité du milieu. C’est en fait grâce à ce processus que la famille juive ayant opté pour les Mitsvoth peut transmettre la tradition. Il faut cependant savoir transmettre ; ce n’est ni l’autoritarisme, ni la sévérité, ni le copinage qui peuvent faciliter la transmission. Celle-ci ne peut se faire que par mimétisme. C’est au père et à la mère de montrer comment ils se comportent et de dialoguer avec l’enfant.

A l’âge adulte, l’enfant, soumis à des pressions très fortes du grupe familial, des parents, du milieu social épousera une fille de ce milieu, objet, elle-même, de pressions rarement réalisées consciemment. Ce couple aura cependant la certitude que sa création est librement décidée. Mais en vérité, les limites dans lesquelles le couple se forme sont très étroites. Lemaire avance une formule très pertinente, il dit : « Le vrai problème pour les futurs conjoints n’est pas tant de se choisir que de se trouver »[35].

En effet, c’est là que réside le problème. Pour se trouver, il faut avoir un choix très vaste.

Or, pour les juifs qui vivent dans la diaspora, le choix est très limité, à moins d’évoluer en vase clos, dans une communauté fermée. D’où l’importance des mouvements de jeunesse. La vie en communauté peut seule apporter une solution à un problème si ardu. Dans le cadre du mouvement de jeunesse, tout en observant les règles de décence et un comportement digne, on peut rencontrer beaucoup de monde. Ceux qui excluent le mouvement de jeunesse depuis l’âge le plus tendre, ne peuvent résoudre le problème de la grande variété de choix que par la ghethoïsation de plusieurs communautés.

Dans ce cas, nous rentrons dans le domaine où le couple se forme selon des critères précis fixés par l’entourage et par les parents.

La possibilité de rencontrer un nombre suffisant de partenaires éventuels est aussi indispensable pour les processus psychiques inconscients par lesquels les partenaires parviennent à former et à structurer leur couple. Nous avons là, la cause essentielle de l’échec de nombreux couples juifs. Cet échec est commun à toutes les minorités parce que les circonstances ou les facteurs psychiques inconscients n’ont pas eu la possibilité d’opérer cette sélection spontanée.

Dans le cadre d’une communauté juive, les jeunes sont maintenus dans une étroite dépendance affective et culturelle. Ce qui d’un côté présente un avantage pour la pérennité de la communauté, mais d’un autre, ne permet pas aux jeunes d’avoir un nombre suffisant de partenaires qui permettent aux mécanismes inconscients de sélectionner spontanément le partenaire qui conviendrait le mieux.

La vie dans la diaspora favorise la rencontre entre juifs et non juifs. L’angoisse des parents juifs, amplement justifiée à l’idée que le fils ou la fille choisissent un partenaire non-juif et contracte un mariage exogamique, conduit à un comportement qui frise l’obsession.

Nous étudierons plus loin le cas du mariage mixte, ses causes et ses conséquences.

Contentons-nous, pour le moment, d’attirer l’attention des parents dont l’angoisse devient obsessionnelle et qui ne pourront qu’aboutir au résultat tant redouté.

Nous  ne nous lasserons pas de répéter que le choix du partenaire se décide bien avant la naissance et pendant les années qui suivent immédiatement la naissance.

Par conséquent, l’angoisse des parents face au mariage mixte ne contribue en rien à éviter l’exogamie. Bien au contraire, si l’enfant traverse une adolescence perturbée, jalonnée de tensions exacerbées avec les parents, il peut, dans le but d’amplifier leur angoisse, choisir un partenaire non-juif.

Toutes ces situations sont inconnues dans le milieu dit « Haredi » où l’étroite dépendance affective et culturelle de l’enfant par rapport au milieu d’origine laisse le jeune entre les mains de sa famille et des normes sociales prégnantes.            

Les enfants, issus de ce milieu aux normes très contraignantes, évoluent dans un espace réduit, mais sécurisant. Le choix du partenaire est ritualisé. Les parents occupent une place prépondérante dans le choix du partenaire qui doit répondre aussi aux normes du même milieu.

Dans ce cas, les processus inconscients qui conduisent deux personnes à s’attirer ou, au contraire, à s’éviter, jusqu’à la sélection finale, n’a guère le temps de fonctionner. Les sujets se trouvent réunis institutionnellement l’un à l’autre. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Pour émettre un jugement, il aurait fallu disposer de travaux de recherches sur la qualité de ces couples.

Nous verrons que ces derniers compensent beaucoup l’absence d’intrication inconsciente.

On peut affirmer seulement en l’absence de travaux sur ces milieu, que l’équilibre du couple dépendra des bouleversements de leurs normes et à des décalages entre les évolutions individuelles de chaque membre.

Pour conclure, on insistera particulièrement sur la qualité de l’enfance, de laquelle dépend le choix futur du partenaire. La famille doit assurer à l’enfant un équipement culturel et verbal pour qu’il puisse exprimer ses désirs, ses craintes et ses joies.

Lemaire écrit : « Ceux qui ont vécu leur enfance dans une famille close, repliée, empêchant les contacts affectifs à l’extérieur, et les échanges culturels nécessaires à leur future compréhension d’éventuels partenaires. Tous ceux là peuvent, à la rigueur, former un couple dans des conditions d’étroite homogamie, mais échoueront vite dès qu’apparaîtront des conditions différentes imprévues au départ du couple, qui nécessiteraient des mises au point, des échanges ; en particulier, verbaux, concernant les points chauds et les conflits latents, échanges difficiles auxquels ils n’ont pas été préparés.

La perception par beaucoup d’entre eux de leur propre fragilité, les conduit souvent à un choix plus étroitement homogame »[36].  

 

Avant propos

Chaque création a son histoire .Ce livre n’échappe pas à la règle . Dans le cadre de mes activités rabbiniques , j’ai été amené à assister à des cérémonies de remise de « gueth ».Le nombre de familles éfaites me paraissait très important .Les motivations des divorces sont innombrables ,cependant il m’a semblé que les raisons de divorces avanceés par les couples étaient très légers .On ne divorce pas à tout prix , sans être conscient des dommages qui suivront .

J’ai assisté à des drames sans nombres .J’ai pris contact avec les femmes qui ont divorcé. Certaines me semblaient vraiment soulagées d’un poids qu’elles ne pouvaient plus supporter .D’autres ne parvenaient  pas à comprendre ce qui leur arrivait .Mais dans tous les cas la tristesse sur le visage des enfants étaient réelle .Ce sont les enfants qui souffrent le plus .Certains garderont pour toujours les séquelles de ce traumatisme .C’est dons en assistant à tous ces drames que je me suis décidé à écrire ce livre . Je reste convaincu que plus du tiers des couples désunis pouvaient être sauvés .L’ignorance précipite un couple dans le divorce .Il est par conséquent urgent de créer des structures pour aider  les couples à surmonter des passages conflictuels de leur vie .Au lieu  de passer leur temps à réparer leur blessure narcissique en paradant dans les cérémonies en quête d’un micro ou d’une caméra , nos dirigeants feraient mieux de se pencher sur les problèmes réels de la communauté .Un couple qui prend la grave décision de divorcer doit pouvoir consulter un médiateur familial compétent .L’expérience montre que les couples capables de gérer un conflit sont très rares .Pour cela , il est indispensable de promouvoir une bonne préparation  du couple avant le mariage .  Il est important de transmettre aux futurs mariés  les valeurs du judaïsme : entre autres , la pureté familiale , la cacherouth , le chabbath , le calendrier hébraïque  etc .mais il est aussi utile  d’expliquer les motifs des conflits et comment les gérer et de les mettre en garde contre les conséquences pour les enfants  des conflits dans le couple .La grande majorité des conjoints  qui se séparent ignorent les éléments élémentaires de la psychologie du couple .La société actuelle actuelle laxiste et permissive , tolérant la perversité ,réduisant la femme à un objet sexuel ,n’est pas propice à une vie du couple sereine et équilibrée. C’est pourquoi un nouveau couple doit être pénétré de la gravité de l’acte de mariage et ne pas se lancer aveuglément dans une aventure qu’il ignore ,étant seulement mû par sa passion . La période amoureuse annihile toute volonté des futurs conjoints. Toute réalité est occultée .La porte est ouverte à toutes les maladresses , à  tous les débordements .Mais la réalité de la vie de chaque jour ne peut être constamment occultée .Elle est semblable à de l’huile .On a beau la mélanger à de l’eau  elle finit  par remonter à la surface . Il en est de même avec le couple .Après la période amoureuse la réalité quotidienne émerge dans toute sa  nudité .

Le statut de la femme évolue beaucoup plus vite que la mentalité des hommes .La plupart des femmes ne sont plus dépendantes  matériellement de leurs époux .La femme voit ses droits augmenter d’année en année .Les hommes sont de plus en plus  convaincus de la supériorité du genre masculin .Ils considèrent que l’indépendance  matérielle de la femme est à l’origine de tous les maux du couple . Ils soutiennent que le bonheur dans la famille peut être rétabli à la condition que la femme accepte le statut de soumise ou de semi-esclave . Ils prétendent aussi  que si l’on supprime à la femme la liberté sociale ,matérielle et professionnelle ,le bonheur et la concorde régneraient dans la famille. Les partisans  de cette théorie sont aussi persuadés de l’infériorité biologique de la femme .Ils observent l’évolution de son statut vers l’égalité avec effroi. Ils pensent que l’égalité entre les hommes et les femmes est contre nature et pernicieuse . Nietsche  ne disait-il pas déjà , « Tu vas vers une  femme n’oublie pas de prendre un fouet » .

Il va de soi que toute cette conception de la femme est étrangère au Judaïsme .Il faut rappeler que la femme en Occident  a longtemps lutté pour obtenir des droits tout à fait élémentaires .Tous ces droits le Judaïsme les accorde à la femme depuis des millénaires .Dans la Bible on peut lire ,à propos d’Abraham le verset suivant : « tout ce que   te dira Sarah , accomplis le » Il y a deux mille ans déjà on peut lire dans le talmud :   « Rabbi Eléazar dit Tout homme qui n’a pas une femme ne peut être qualifié  de Adam (homme)comme il est écrit :   « D. les créa masculin et féminin et Il leur donna le nom de adam » Ce passage

n’existe que par la femme .Pour qu’un homme puisse aspirer à la perfection ,il est indispensable d’avoir une femme .

La perfection n’est pas  inhérente  à la nature du masculin ,elle constitue un défit .Si lon analyse les termes employés par l’Ecriture à l’occasion de la création de la femme ,on peut en conclure que la supériorité de la femme est indéniable .

En effet , la Torah dit : « faisons lui une aide face à lui » le terme hébreu est kénégdo qui peut être traduit par deux mots opposés  soit face à lui soit contre lui .Cette antinomie dans les termes a conduit nos maîtres à dire : « Si l’homme est méritant alors la femme est face à lui , s’il n’est pas méritant elle est contre lui »  Ce texte traduit en langage moderne voudrait dire que chaque membre du couple doit contribuer à la complémentarité de l’autre par le maximum de compréhension en tenant compte des aspérités des caractères .On peut aussi en déduire que le comportement de l’homme dans le couple est souvent réactionnel .C’est la femme qui est tout le couple , La femme est tellement revalorisée dans le Judaïsme au point que nos Maîtres lui attribuent la personnification de toute la famille .Le Talmud dit béto zoth ichto (sa maison c’est sa femme) autrement dit ,la femme  fait la maison construit la famille structure et inspire son modèle aux enfants.

La Torah franchit encore une étape  et affirme que la femme est supérieur à l’homme par son intuition , sa compréhension , par la finesse de           son analyse(        )Comment dans ce cas comprendre qu’un large public puisse affirmer que la femme juive est une femme soumise et que son statut est inférieur à celui des hommes ? Cette affirmation est la conséquence de l’ignorance et de la méconnaissance du Judaïsme .On trouve effectivement dans le Midrache (       )  une opinion qui dit :   « La nature de la femme lui impose de rester à l’intérieur de la maison et celle de l’homme de sortir à l’extérieur » De ce texte  on a conclu que le Judaïsme confine la femme au rôle de gardienne de la famille . A notre époque toute femme qui consacre son temps à structurer la personnalité de ses enfants en étant constamment présente à la maison est qualifiée de femme de  soumise .Par contre la femme libérée assume des fonctions à l’extérieur ,en plaçant ses enfants à la  crèche ou en les confiant à la voisine .

Un psychologue  qui se respecte , reconnaîtra sans peine que les enfants en bas âge qui grandissent en présence de leur mère  seront plus tard très équilibrés . Cela ne veut pas dire qu’une mère doit toujours rester à la maison .Rien ne lui interdit de se consacrer à un travail lorsque ses enfants  auront l’âge de rentrer à l’école . Le rôle psychologique de la mère est d’une importance capitale . C’est elle qui

disposent ses enfants à croire ou ne pas croire ,à écouter ou ne pas écouter , à obéir ou ne pas obéir . Très souvent l’enfant demande la confirmation à sa mère quand il vient d’apprendre quelque chose .Il pose toujours la question :  « c’est vrai maman ? ».Le peuple juif doit sa pérennité à la femme juive . Durant deux mille ans d’exil elle a assuré l’instruction juive à ses enfants . Le Talmud a dit il y a deux mille ans déjà ce que la psychologie ne cesse actuellement de prôner , 

on peut lire en effet : « Les femmes ont la faculté et le mérite d’envoyer leurs enfants à la synagogue et leurs époux  au Beth Hamidrache ,pour étudier » (     ).Il faut regretter cependant que les rapports entre  les hommes et les femmes tournent à l’anarchie .Depuis que la structure familiale a éclaté ,chaque homme et chaque femme décide sa propre attitude .Aucun homme n’est plus tenu ni de se dévouer à sa famille  ni de compter sur sa propre force . Les relations dans le couple sont désormais régies par des rapports de force . Des fois c’est l’homme qui s’approprie toutes les prérogatives dans la famille et des fois c’est la femme .Chaque couple doit trouver une  place entre ces deux extrêmes . Dans des cas très rares certains couples parviennent à instaurer un équilibre satisfaisant . Il faut dire dans plusieurs pays d’Europe un réel progrès a été  accompli sur la voie de la revalorisation  de la femme . Mais en réalité  le statut de la femme a progressé sur le plan juridique  mais sur le plan pratique le retard est considérable . Toutes ces considérations sont balayées par le Judaïsme .Ce dernier insiste , quand il s’agit de la femme ,sur une valeur, faisant beaucoup défaut dans les temps modernes : la « tsniouth ». Ce mot hébreu peut signifier « la discrétion » « la pudicité . En langage psychologique on peut le traduire par une paraphrase : «  comportement  de la femme qui ne provoque  pas une pulsion sexuelle chez l’homme » .Dans le monde moderne on peut constater de nombreuses contradictions dans la conduite des femmes 

D’un côté elles revendiquent l’égalité sociale ,professionnelle ,familiale et de l’autre elles cherchent constamment à plaire et attirer par leur charme . La dictatures des régimes amincissants sévit dans la publicité et les médias .Chaque femme veut correspondre à un modèle précis. Les filles de magazines sont l’objet d’adoration .La conséquence de tous ces comportements est la transformation de la femme en objet sexuel ,et l’absence de respect de la part des hommes . Notre société est en état de régression parce que les femmes et aussi certains hommes ,ne sont plus maîtres de leurs convictions. Celles-ci sont façonnées par la société à la merci de quelques affairistes qui profitent de la dépersonnalisation de l’homme  dit moderne .

Quant au Judaïsme ,il préconise avec insistance ,le respect de la femme à la condition qu’elle se respecte elle même .A cette fin il est indispensable que la femme ne  place pas au sommet de ses préoccupations le besoin de plaire à tout son environnement Il est vivement conseillé à la femme de rester belle et attirante ,mais pour son époux .

Le rôle de la femme dans la famille est capitale .Elle seule est en mesure de modeler le caractère de l’enfant. La réussite ,la personnalité et le comportement des enfants relèvent presque exclusivement de la mère. Autant dire que la pérennité du peuple juif  est entre ses mains .seule la mère peut convaincre son enfant à étudier et à aimer la Torah. Le rôle de la femme juive ,si primordiale , ne peut être assumé que dans la dignité , la pudicité , le respect de soi , la conscience de soi ,et une vision de la vie conforme à la Torah . La femme juive qui transmet l’identité juive à ses enfants doit être consciente de son rôle ,sans quoi l’édifice ,si fragile , du judaïsme s’écroulera . .CC(est pourquoi , il n’est pas nécessaire de provoquer par des tenues indécentes ,de devenir un jouet entre les mains d’hommes narcissiques .L’équilibre dans le couple est très difficile à atteindre .Chaque fois que cet équilibre s’écroule on constate que les limites fixées par la Torah ont été dépassées .

Les parents ,constituent pour les enfants ,la première représentation de la société . Le nourrisson ,dont la compréhension est limitée ne peut pas savoir que ce qui se passe dans sa maison est particulier à sa famille .Il est persuadé que le comportement de ses parents  est une norme universelle .Il extrapole des relations entre ses parents à la conduite des humains dans la société. Le comportement de son père envers sa mère est considéré comme la conduite type  de l’homme  envers la femme . Les parents forgent souvent inconsciemment le caractère de leurs enfants .ces derniers se conduiront exactement comme leurs parents ,dans leur propre couple .Si un garçon s’identifie tout à fait à sa mère ,ou une fille à son père ; ils auront plus tard beaucoup de difficultés à former un couple .L’identification exacerbée est à l’origine des mariages mixtes .Le garçon veut inconsciemment avoir une femme qui soit l’imago de sa mère et la fille un époux  à l’imago de son père .Mais comme l’identification des enfants a été hypertrophiée aucun homme et aucune  femme ne trouveront grâce à leur yeux . Cette situation est très répandue, dans les milieux juifs, surtout à notre époque .

La fille juive qui s’est identifiée à son père cherchera inconsciemment un homme par référence à son père .Elle ne le trouvera jamais ,car l’image qu’elle a de son père a été imprimée dans son inconscient durant sa tendre enfance .Ce père n’existe pas dans la réalité ,c’est pourquoi cette fille sera toujours déçue par les hommes qu’elle rencontrera . Quant au garçon qui s’identifie à sa mère ,il évitera toute fille qui réveillera en lui l’imago de la mère  ,son choix se portera sur une fille  non juive pour repousser tout affect de l’inceste .

Comme on peut le constater la formation d’un couple se décide dans la la petite enfance . Adler écrivait déjà dans les années vingt : « les stimulants les plus forts pour l’édification de la vie de l’âme humaine émanent de la toute première enfance …par exemple, lorsqu’un patient faisait preuve d’un caractère anxieux , toujours empreint de défiance ,et enclin à sa tenir à l’écart , il était facile d’établir  que ces mêmes tendances l’atteignaient déjà lorsqu’il n’avait que trois ans ou quatre ans ,avec seulement  une simplicité propre à ce jeune âge et d’une manière plus facile  à percer à jour .Nous nous  sommes donc toujours évertué à reporter le centre de gravité de notre attention en premier lieu sur l’enfance du  sujet » (      )Autant dire que la formation d’un couple  ne peut se faire qu’après une connaissance parfaite de l’enfance de ses deux membres .

Nous espérons que ce livre contribuera à éclairer les jeunes dans le choix de leur couple  .Il se veut didactique et pratique ;c’est pourquoi

(     ) Alfred Adler «  connaissance de l’homme »,édit. payot, Paris,1

il ne  faut pas s’étonner d’y trouver souvent des répétitions . Une bonne pédagogie  ne recule pas devant les répétitions  si non , elle se contredit . Son   titre est suffisamment explicite .Une profession s’apprend  par la répétition constante . La Torah n’a pas dit « tu les enseigneras à ton fils »   mais « tu les aiguiseras  à tes enfants » .L’action d’aiguiser implique la répétition .Ce n’est que par ce moyen que  l’on peut assimiler un enseignement .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

·         Dans ce livre , le couple  est  représenté par la lettre F pour la femme et M pour l’homme

 

 

LES CONFLITS

Introduction

« Le Judaïsme considère le mariage , la plus vieille institution de l’histoire himaine ,comme le préalable indispensable  pour donner à la vie son caractère de sainteté .C’est pour cette raison que l’équivalent en hébreu du mot mariage est « kiddouchine »la sanctification par excellence . C’est par le mariage que l’homme devient à l’image de Dieu, s’associant avec lui dans la création et la perpétuation de l’espèce humaine sur terre . Car c’est uniquement par le mariage que l’homme peut remplir légitimement le tout premier des 613 commandements dictés par la Torah :le devoir impératif d’observer le commandement divin ; « Soyez féconds ,multipliez et remplissez la terre » (Genèse I-28)

Cependant rien n’est simple dans le mariage , le couple se construit par étape , et sa construction est parsemée d’obstacles . Dans le cadre de la famille se concentrent  tous les problèmes de la vie et ces problèmes génèrent des conflits .DE la manière dont nous résolvons nos conflits dépend toute la stabilité  de la structure familiale et notre aptitude de vivre en couple  .

Les conflits au sein de la famille ne sont que des symptômes ,quant aux causes ,il convient de les chercher dans la petite enfance des conjoints .Les conflits sont le miroir du couple .Ils ont leur utilité à la condition de bien les gérer ;ils permettent aux deux membres du couple de réduire les aspérités  qui existent entre  leur caractère respectifs .Le couple est une scène de théâtre où se déversent  l’angoisse, les phobies , les blessures narcissiques ,les frustrations et les culpabilités, accumulées  pendant la petite enfance .

Les conflits ont le même terrain que celui de toute  la vie sociale .C’est pourquoi ils sont si semblables .La nature des conflits est la même que celle de la ville sociale dans laquelle évolue le couple .L’absence de sécurité qui caractérise la société en général atteint la famille de plein fouet .Toutefois la famille qui conforme sa vie selon la Torah est plus préservée ,parce que sa conception de la sécurité  est tout à fait différente des autres  .La famille de stricte observance ne cherche pas ses modèles dans la société environnante laxiste  et permissive .Elle les cherche dans la Torah .autant dire ,que la vie ritualisée procure la stabilité et la confiance en l’avenir .Les fondements de la morale juive sont immuables et ne varient pas au gré de la mode des désirs et des faiblesse de l’homme. Les valeurs du Judaïsme sont permanentes et confèrent à la famille l’ harmonie, la stabilité   la  manière de gérer ses conflits et d’affronter les antagonismes de la société moderne .Celle-ci conduit l’individu à une course effrénée à la domination , au besoin irrépressible de posséder ,à l’égocentrisme , à l’individualisme et à l’absence d’altruisme .Par contre ,le Judaïsme  conduit  à la solidarité , à la conscience de soi dans une collectivité ,à l’obligation de porter secours à autrui ,au sens réel des valeurs et enfin à la considération d’autrui .La Torah bien comprise apporte la sérénité , en instaurant une atmosphère presque sacrée dans la famille qui évite bien des conflits . Cependant, même une famille  de stricte observance  doit aussi s’attendre à des conflits si l’intrication dans le couple n’est pas parfaite .

L’absence de dialogue

Certaines femmes pensent que si  leurs époux les aiment vraiment ,ils doivent deviner leurs  exigences et ce dont elles ont besoin ,sans qu’elles soient obligées chaque fois de le formuler verbalement .Elles sont convaincues que le fait de parler détruit la spontanéité du lien dans le couple .Elles veulent que les maris comprennent spontanément leurs désirs pour se rassurer de leur amour .

F venait d’avoir un enfant .Après son accouchement elle espérait que son conjoint comprenne de lui même qu’elle avait besoin d’aide et d’encouragement . Mais le conjoint pensait tout autrement. Il était persuadé que sa femme avait surtout besoin de calme et de paix pour  concentrer  ses efforts sur les exigences du nouveau-né . Par conséquent ,il arriva à la conclusion qu’il valait mieux prendre ses distances .

Ce cas est typique  d’un couple qui a décidé de se marier sans la moindre préparation. La vie en  famille exige un apprentissage théorique et une préparation très sérieuse .Uns société qui se respecte doit ouvrir des « écoles du couple » ,on évitera ainsi à de nombreuses familles les affres du divorce  .Ce dernier est toujours un drame aux conséquences incalculables . Si une « école du couple » existait ,on y apprendrait qu’une fois mariés les partenaires du couple adoptent un comportement différent ; rien ne va plus de soi .L’amour qu’il se manifestent mutuellement n’est nullement garant de leur entente future .Aussi bizarre que cela puisse paraître ,plus l’intimité d’un couple se consolide ,plus un membre du couple est plus proche de l’autre et plus la pulsion d’attenter à sa personne est grande .

Trouver un conjoint ou une conjointe ne doit pas être une finalité, c’est bien après la formation du couple que les conflits commencent. On pense généralement que l’amour qui lie deux êtres est amplement suffisant pour assainir les difficultés et balayer les obstacles ,c’est là une erreur .Un couple traverse plusieurs stades ,tous  différents les uns des autres .Dans la plupart des cas, le lien des premières rencontrent est  très fort , mais il crée aussi l’illusion que l’amour est durable .Les conjoints se refusent inconsciemment à affronter le fossé qui sépare ls idéaux des premiers temps et la réalité de la vie commune .Les conflits émergent à la suite des frustrations ressenties quelques temps après le mariage .Les illusions s’évanouissent après les sentiments de puissance que procure la « lune de miel », les déceptions s’en suivent. Il convient de revenir à la réalité de la vie quotidienne et prendre conscience que les difficultés ne font que commencer .

Les conflits peuvent être occultés par des enfants en bas âge , par les crédits sur la maison et  par des problèmes matériels .Mais quand tout sera réglé les sentiments de frustration et de renoncement  générera l’agressivité dans le couple .Chaque conjoint sera convaincu que l’autre ne sert plus à rien . En réalité , les conflits ont pour origine un renoncement au départ à l’intrication du couple .

Il va de soi que l’excès inverse , autrement dit le couple qui ne cherche dans le mariage que ce qui est agréable et néglige le reste ,se trouvera un jour dans une situation conflictuelle .En général ce genre de couple vit en concubinage et n’est pas pressé de régulariser sa situation .Le refus de la légalisation du mariage dissimule , dans la plupart des cas ,le refus de faire face aux conflits .Une femme qui a grandi dans une famille violente , évitera tout conflit qui peut l’amener à réagir violemment. Son époux aussi évitera le conflit parce qu’il considérera que la violence est une réaction de faiblesse .Le refus d’affronter une situation conflictuelle entraîne une intériorisation de la colère .Ce genre de situation ne peut pas durer , il n’est pas possible de refouler indéfiniment se pulsions ,arrivera un moment où un conjoint , à force d’intérioriser ,exigera le mariage officiel pour avoir une sécurité et surtout des enfants .Quand ce moment viendra ,l’autre évitera tout conflit, rentrera tard à la maison, cherchera un travail ou il y aura de nombreux déplacements loin de sa maison, ou  rompra  tout lien avec son partenaire .

Le conflit est inhérent au couple .On peut l’éviter en optant pour des solutions antinomiques .Mais l’éviter c’est se préparer un jour à défaire le couple

LES SOURCES DES CONFLITS

La qualité des  relations entre les parents et leurs enfants en bas âge est déterminante dans l’émergence des conflits du couple. L’intimité qui lie deux personnes est sécurisante pour le couple , cependant l’intensité de cette intimité dépend de la sécurité acquise dans l’enfance .Ceux qui ont eu la chance de grandir avec des parents attentionnés ,qui les ont accepté dès la naissance ,les ont encouragé , aimé ,et revalorisé auront en principe une vie de couple plus sereine .Dans la plupart des cas ,les parents sont également à l’origine  des déceptions que l’enfant fixe dès le premier âge .Une petite fille coupe une herbe avec un semblant de fleur et court vers sa mère pour la lui offrir la mère lui dit : « c’est une herbe sauvage sans importance ».Un petit enfant  fait un dessin composé de quelques traits et le présente à son père , celui-ci lui dit « Qu’est-ce que c’est que ce gribouillage ? »On peut multiplier les exemples à l’infini. Tous ces enfants accumuleront des déceptions qui laisseront des traces indélébiles .Les parents ne mesurent pas l’importance des dégâts qu’ils commettent en rejetant leur enfant et en le dévalorisant .

Toutes les déceptions fixées dès l’enfance auront des répercussions sur le couple .Chacun des conjoints aura tendance à partager tout avec l’autre, mais la moindre attitude non  valorisante  de la part  d’un conjoint provoquera une réaction agressive de l’autre .L’intensité de cette agressivité est proportionnelle à la somme des déceptions accumulées dans l’enfance .

Les déceptions de l’enfance sont aussi à l’origine du sentiment de peur qui s’installe dans la vie intime du couple .La peur de décevoir ,génère l’échec et l’insécurité .

M. avait un père très autoritaire ,très critique, distant et passif .M. a été souvent l’objet de sarcasmes de la part de son père ,souvent blessé  dans son amour propre .Lorsque M. épousa F. il était convaincu qu’il sera proche de son épouse .Il raconta  l’histoire de son enfance  a F. et désirait  qu’elle aussi lui raconte à son tour la sienne .M. craignait d’avoir un comportement semblable à celui de son père .

Dès le premier conflit F. attaqua son époux en lui reprochant qu’il était trop passif, qu’il ne propose jamais la moindre activité et qu’il ressemblait exactement à son père .M. ,blessé sérieusement par les reproches de sa femme , décida de ne plus  faire la moindre révélation concernant son enfance .Son comportement voulait signifier à F. qu’il n’était pas respecté .

A partir de ce premier conflit , les relations  dans ce couple seront faussées .Lorsque F. ne précisera pas à M. qu’elle rentrera tard ,M. considérera cette oubli comme l’expression  du mépris que lui témoigne sa femme .La réaction de M. sera conforme à son interprétation . F. de son côté  prendra conscience que quelque chose ne marche pas dans son couple , sans pouvoir la déterminer et demandera à M. de s’expliquer . Ce dernier ne lui révèlera pas le vrai motif de son comportement. F. réagira par l’indifférence ,M. interprétera cette indifférence comme  du mépris à son égard .

Ce processus est malheureusement classique ,il conduit les couples dans un cercle infernal et quelque soit le comportement d’un conjoint il sera toujours mal interprété .

Ce cas est une illustration parfaite de l’importance de la petite enfance. M. revit la situation  de petite fille toute fière et heureuse  d’offrir à sa mère  une fleur pour lui exprimer son amour. En rejetant sa fleur ,la mère rejette sa fille .Celle-ci fixera le rejet, et quand elle sera mariée elle interprétera le comportement de son mari exactement comme sa mère avait interprété son offre de la fleur .Quant à M. lui aussi était fier et heureux d’offrir à sa femme l’histoire de son enfance pour lui prouver son attachement .La réflexion de sa femme est interprétée comme le rejet ,il réagira exactement à son tour comme  son père se comportait avec lui .

 

 

 

 

 

 

LES CAUSES DES CONFLITS

Le couple ,dans son essence même, est paradoxal . il comprend deux individualités distinctes ,ayant chacune son propre caractère ,une éducation différente .Cependant ,le couple doit tout de même s’entendre ,d’où  le paradoxe .Les deux partenaires du couple ont des besoins contraires .L’un désire plus d’intimité ,l’autre de la solitude ; l’un  conçoit le couple comme une seule unité ,l’autre cherche son indépendance .Comment parvenir à l’équilibre  quand deux personnalités s’affrontent ? La quête de l’équilibre dans le couple est elle même génératrice de conflits .Il n’est pas aisé ,dans ces conditions de préserver son identité propre tout en s’intégrant dans le couple . 

CAS I

M. veut  que sa femme soit davantage plus proche de lui ,il lui reproche de rester des heures au téléphone avec des amis et des membres de sa famille .L’épouse rétorque qu’elle a déjà renoncé à de nombreux amis qui ne  plaisaient pas à son mari ,pourquoi renoncer  au téléphone ?

Ce cas illustre parfaitement le type des désirs contradictoires .F. veut probablement être proche de son mari , elle désire que des liens solides soient établis entre eux, mais elle ne renonce  ni au téléphone ni aux anciens amis . Or, la vie en couple impose des choix parfois douloureux  entre le travail et la  famille ,le repos et le ménage ,les amis et la tranquillité  . Un couple est constamment tiraillé par des choix contraires ,c’est pourquoi il est conseillé  de trouver un équilibre entre les extrêmes .Pour cela  les concessions sont indispensables .

Cependant ,il existe des choix conflictuels inhérents  à la formation du couple .L’exemple le plus classique ,mais il n’est pas le seul , est celui de la fille     issue  d’une famille observant  strictement  la halakha  qui  épouse un jeune homme  se qualifiant de laïc .Ce couple  affronter des situations inextricables si l’un des conjoints persistait dans son attitude .Le grand conflit éclatera lorsqu’il faudra décider le choix d’une école pour les  enfants . L’épouse voudra inscrire ses enfants dans une école

juive   et  le mari ,dans une école laïque .Dans un couple ,qui s’entend

bien ,les sujets des conflits ne manqueront  pas ,il n’est pas nécessaire de démarrer une vie de couple avec des conflits potentiels .

La résolution d’un conflit nécessite souvent de la part des conjoints des concessions ,dans ce cas comment , conserver son Moi intégralement et maintenir la vie en couple ?   En général le couple traverse deux périodes distinctes :le début du mariage où les différences sont occultées et après quelque temps ,les différences commencent à apparaître ;tout dépend de ce que l’enfance a déposé dans chaque conjoint .

M. et  F .sont mariés depuis cinq ans .Ils ne comprennent pas pourquoi ils se disputent constamment pour des sujets sans importance .M. voulait dresser la table pour recevoir des amis ,mais F. voulait la dresser différemment .M. voulait lire dans son lit avant de dormir ,mais la lumière  gène F. Celle-ci  propose de faire une promenade en famille le Chabbath ,mais F. préfère inviter des amis . En fait , chaque membre de ce couple protège sa personnalité  qui est attaquée par celle de l’autre .C’est une lutte universelle pour protéger son Moi .

Le couple en général est d’un côté individualiste et de l’autre social .s’il est bien équilibré il y aura place à l’individualité et à la sociabilité .Il est possible de préserver son individualité sans pour cela mettre en danger son Moi .Pour cela il est indispensable que dans le couple règne le respect mutuel . Il arrive cependant que l’individualisme d’un des conjoints soit exacerbé ,c’est le cas de F. et M. qui travaillent tous les deux , qui sont trop  préoccupés par leur carrière et veulent progresser très vite . F. aborde ses trente quatre ans avec inquiétude et veut avoir un enfant .C’est aussi le désir ardent de son mari ,sachant que l’enfant allait perturber sa vie . F. met au monde une fille .M. continua son travail comme par le passé et n’était d’aucune aide pour sa femme .Celle-ci manifesta violemment son mécontentement , reprochant à son époux  de se consacrer exclusivement à son travail . En effet , M. ne voulait pas passer de l’indépendance à la servitude d’autant plus que F. aussi était inquiète pour sa carrière . Dans ce cas le conflit est inéluctable .

 

 

 


 

[1] Voir lexique à la fin du livre.

[2] Shlomo Avineri, in information juive, N° 154, janvier 1996.

[3] Cyrulnik (B), Nourritures affectives, Paris, 1993, p 34.

[4] A première vue, l’on se demande quel rapport y a-t-il entre la difficulté de former un couple et la citation tirée des psaumes pour justifier cette difficulté. Le mot hébreu qui a été rendu par enchaînés se dit bacocharoth, où l’on retrouve le terme cacher. Les commentateurs établissent la similitude entre la formation du couple et la sortie d’Egypte. Les solitaires sont les célibataires, et le mot cacher évoque le mois de Nissan, c’est-à-dire, le printemps.

[5] Voir Maïmonide, les huit chapitres, Ed. Rav Kook, chap. 8.

[6] Introduction au Midrache Tanhouma, Edition, Salomon Buber, Vilna, 1885.

[7] Midrache Rabba, section Genèse 68,4).

[8] Piontelli (A) Infant observation from before Birth, international journal of psychoanalysis, LXVIII (1987), p 453-463, cité par B. Cyrulnik.

 

[9] Brazelton, (T.B.), Cramer (B), Les premiers liens, Stock, 1991, p 40.

[10] (J.A.) Pretchaud, Déglutition by Normal and Anencephalie Fetuses, obstetries and gynecology, XXV, 1965, p 289-297, cité par B. Cyrulnik.

[11] (B) Cyrulnik, opus cité, p 59.

[12] (B) Cyrulnik, opus cité, p 60.

[13] (B) Cyrulnik, opus cité, p 62.

[14] (B) Cyrulnik, opus cité, p 34-35.

[15] (Jean-G.) Lemaire, le couple, sa vie, sa mort, Payot, Paris, 1979.

[16] B. Cyrulnik, opus cité, p 155.

[17] B. Cyrulnik, opus cité, p 63.

[18] Péricope 14.

[19] Traité Nidda 30 a.

[20] Lemaire, opus cité.

[21] Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, 1905, p 312.

[22] (Voir p               )

[23] Jacques Hassoun, Les passions intraitables, Aubier, Paris, 1989, p 51.

[24] Lemaire, opus cité, p 73.

[25] Lemaire, idem, p 76.

[26] Voir notre livre « profession parents »,  Ed. Massoreth, 1992, Aix en Provence.

[27] Cyrulnik (B), opus cité, p 181.

[28] Cyrulnik (B), opus cité, p 181.

[29] Marbeau-Cleirens (B) in la Nef, N° 21, 1965, p 85.

[30] Lemaire, opus cité, p 11.

[31] Lemaire, opus cité, p 43.

[32] Lemaire, opus cité, p 44.

[33] Alain Girard, le choix du conjoint, travaux et documents, PUF, cahier 70, Paris 1974.

[34] Voir profession parents juifs, opus cité.

[35] Lemaire, opus cité, p 48.

[36] Lemaire, opus cité, p        .