LA SIDRA DE BERECHITH (5768)
Leurs yeux à tous deux se désillèrent
et ils connurent qu’ils étaient nus
A propos de ce verset le Midrache Rabba fait le commentaire suivant :
« Ils se sont dépouillés de la seule Mitsva qu’il leur avait été donné
d’accomplir »
On constate qu’après
le récit grandiose de la Création, il est question immédiatement de « faute »
Or, puisque la Torah ne nous raconte pas l’histoire d’Adam, mais de celle de
l’homme, c'est-à-dire de tous les hommes, nous nous devons de suivre
attentivement le déroulement du récit.
En quoi consiste cette
Mitsva ? Il s’agit d’une mitsva formulée négativement : « De tous les
arbres du jardin tu pourras manger Mais de l’arbre de la connaissance du Bien et
du Mal tu n’en mangera pas »
A ce stade intervient
le serpent dans lequel nos Sages voient la personnification du Yétsère Har’a
autrement dit de la pulsion du mal. Cette pulsion procède toujours de la même
façon, elle dénature le contenu de l’interdiction. L’auteur de Or Hahaïm
nous éclaire à ce propos en disant que : « Telle est toujours la
méthode du tentateur : il exagère intentionnellement la sévérité des
interdictions pour prouver qu’il est impossible de les observer. A quoi bon nous
donner la peine de lutter contre le Yétsère Hara’ puisque de toute manière, nous
ne pourrons pas en triompher ? »
Eve dit au serpent : « Des
fruits des arbres du jardin nous pouvons manger… Mais des fruits de l’arbre qui
est au milieu du jardin, le Seigneur a dit : « Vous n’en mangerez pas,
vous n’y toucherez pas de peur que vous ne mourriez ( pen témoutoun)
On remarque qu’Eve change l’énoncé de
l’interdiction mentionnée par l’Eternel. Le Midrache Béréchith dit à ce
propos : « Il est écrit dans les Proverbes de Salomon (XXX,6)
« N’ajoute rien à Ses paroles , de peur qu’Il ne te reprenne et que tu ne sois
trouvé menteur » Eve avait ajouté : « et vous n’y toucherez pas » Le
serpent, au moment où elle passait devant l’arbre, secoua une branche qui la
toucha. Il lui dit : « Tu vois que tu n’en es pas morte ! Si tu n’es pas
morte d’y avoir touché, tu ne mourras pas non plus d’en manger ! » Nehama
LEIBOVITS mentionne dans ses commentaire un autre auteur,
Emek Davar, qui
signale autre chose encore L’Eternel avait dit « Du jour où tu en mangeras tu
mourras de mort » mais Eve rend cette formule par « Vous n’en mangerez pas
et vous n’y toucherez pas, de peur que vous ne mourriez ! ».
Elle introduit une forme dubitatif (le mot hébreu pen comporte une idée de doute
) Selon Êve il ne s’agissait pas d’une sanction inéluctable, mais d’une simple
menace qui ne serait suivie d’aucun effet : « Le Seigneur n’a pas l’intention de
nous faire mourir, il veut seulement que nous touchions pas à son arbre «
De tous ces
commentaires et les nuances de traduction nous pouvons seulement relever combien
la nature humaine est complexe. La Torah d’un côté nous dit que l’homme a été
créé à l’image de D. et de l’autre elle ajoute à l’attention de l’homme : «
Tu es poussière et tu retourneras à la poussière » Tout cela pour nous dire que
l’homme est tiraillé par ses deux composantes le spirituel et le matériel.
Le but des Mitsvoth est de donner à l’homme les moyens de tenir tête à la
puissance d’attraction du monde matériel.
LA SIDRA DE NOA’H
D. dit à Noah : « La fin de toute
chair est venue devant moi parce que, à cause d’eux, le terre est remplie de
Hamass »
Les maîtres de Talmud se sont demandé
pourquoi les autres crimes n’ont pas été mentionnés dans l’acte d’accusation que
l’Eternel dresse avant de sévir. Voici leur réponse, consignée dans le Talmud
Sanhédrin (118)
« Rabbi Yohanan dit : Voyez combien
funeste est le comportement antisocial. La génération du Déluge avait commis
tous les crimes possibles mais elle ne fut condamnée que parce que chacun lésait
son prochain, ainsi qu’il est écrit : « Puisque la terre est remplie de Hamass,
je vais maintenant les détruire de dessus la terre »
Le Midrache Rabba nous explique :
« Il est écrit dans le livre de Job (XVI,17) : «
Parce qu’il n’y a pas de Hamass sur mes mains, ma prière est pure » Une prière
peut-elle être impure ? Elle l’est lorsque nous prions alors que nos mains sont
sales par le vol. La prière est elle-même noircie. La génération du Déluge fut
anéantie parce que la terre était pleine de « Hamass », mais la prière de Job
fut entendue parce qu’elle était pure : ses mains n’étaient pas
entachées de Hamass. »
On peut lire dans le livre de
Ezéchiel : « Par ma vie, a dit l’Eternel, je ne demande pas la mort du
coupable, je veux qu’il abandonne sa mauvaise voie et qu’il vive. Quittez donc
vos voies perverses, pourquoi voudriez-vous mourir, maison d’Israël »
Le Midrache Tanhouma se réfère à
ce verset lorsqu’il traite de la construction de l’arche :
« Pourquoi le Saint béni soit-Il a-t-il
demandé à Noé de construire une arche ? C’est pour que ses contemporains le
voient s’affairer sur le chantier et soient ainsi conduits au repentir. L’Eternel
n’aurait-il pas pu le sauver d’une autre manière, en prononçant une simple
parole ou en le faisant monter au ciel par sa foi ? « Mais l’Eternel se disait :
du fait que je lui dit de construire une arche en bois de Gofer, il sera
obligé de faire œuvre de bûcheron et de charpentier. Les autres viendront et
diront : « Noé que fais-tu là ? » Il leur répondra, c’est une arche que
l’Eternel m’a ordonné de faire parce qu’il amènera le Déluge sur terre. Ils
l’entendront et, peut-être, se repentiront-ils. Tel était le dessein de
l’Eternel, mais les hommes n’y firent point attention.
Rachi exprime une pensée analogue en
commentant le verset VII, 12 (« La pluie tomba sur la terre… » :
« Il est écrit plus loin »
et ce fut un Déluge » Pourquoi n’est-il au début question que de pluie ? C’est
que l’Eternel avait d’abord fait tomber une pluie de miséricorde. Si les
hommes s’étaient repentis, l’averse eut fertilisé le sol. Mais ils ne se
repentirent pas et la pluie se transforma en déluge »
LA
SIDRA DE LEKH LEKHA
Le lien qui
relie Israël à D. est corroboré par une « Bérith » une alliance. Dans la Torah
nous trouvons trois formes différentes de l’alliance.
I)
L’alliance qui symbolise le
lien de la terre d’Israël et l’Eternel. Celle-ci n’est pas un pays comme les
autres, son influence spirituelle sur ses habitants est puissante. C’est
dans notre sidra que nous trouvons la première forme de l’alliance entre
la terre d’Israël et D.
« Ce
jour-là, l’Eternel conclut avec Abram un pacte en disant : Je donne à ta
descendance ce territoire, depuis le torrent d’Egypte jusqu’au grand fleuve, le
fleuve d’Euphrate… » (Genèse Chap. 15,18)
II)
La deuxième forme de
l’alliance concerne chaque
individu en Israël. Il s’agit de la circoncision (brith Mila)
« Voici le pacte que vous observerez qui est entre moi et vous,
jusqu’à ta dernière postérité : circoncire tout homme parmi vous » (Genèse chap.
17,10)
III)
Enfin, la dernière forme de
l’alliance qui concerne l’ensemble d’Israël : le don de la Torah au Sinaï.
Après avoir offert des sacrifices et « Lu le Livre de l’alliance « Séfèr
habérith) devant le peuple, Moïse asperge ce dernier de sang des
sacrifices en disant « ceci est le sang de l’alliance que l’Eternel a
conclue avec vous touchant toutes ces paroles » (Exode chap. 24,8)
A part l’alliance conclue avec Noé après le déluge D. ne fit d’alliance qu’avec
Israël.
Dans la sidra Lekh lékha, en plus du contenu de cette « alliance entre les
morceaux » (brith ben habétarim), la Torah nous indique le déroulement de cet
acte.
« Prépare-moi une génisse âgée de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier
de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. Abram prit tous ces animaux,
divisa chacun par le milieu et disposa chaque moitié en regard de l’autre » Mais
il ne divisa point les oiseaux. Les oiseaux de proie s’abattirent sur les corps,
Abram les mit en fuite » D. alors se révéla par la parole à Abram, puis
voici qu’un tourbillon de fumée et un sillon de feu passerent entre ces chairs
dépecées » ( Genèse chap. 15, 9,11,17)
Rabbi Yossef Albo dans son ouvrage Séfèr ha’ikarim, explique que l’alliance doit
constituer un lien durable entre deux êtres au point de faire des deux une seule
personne. Chacun des deux a le devoir de sauvegarder l’existence de l’autre
comme la sienne propre. C’est là, la raison pour laquelle, les animaux sont
coupés en deux.
Seule la mort sépare ces deux moitiés. Il en est de même pour les contractants
de cette alliance.
Dans cet esprit, le partage évoque une réciprocité entre D. et Abraham. C’est
cela l’alliance qui élève en quelque sorte Israël au niveau de partenaire de D.
et qui engage D. à l’égard des hommes si ces derniers respectent leur
engagement.
LA
SIDRA DE VAYERA
La tournure
sémantique de ce premier verset est pleine de sens. En effet la traduction
littérale de ce verset est la suivante : « Apparut à lui D. » Le nom divin
est en dernier et Abraham le précède. Le texte aurait dû dire : « D. apparut à
Abraham » De cette tournure nous apprenons que l’apparition de D. à une personne
ne peut se produire que lorsque cette dernière fait l’effort de s’approcher de
D. L’attachement d’Abraham était si intense au point de mériter l’apparition de
Dieu. On peut trouver dans le livre des Proverbes une illustration de ce qui
précède. Il est écrit en effet : « J’aime qui m’aime et qui me cherche me
trouve » (VIII,17) La relation avec D. exige de l’homme de faire l’effort le
premier.
Mais si ce verset concerne Abraham, pourquoi son
nom n’est pas mentionné ? Pourquoi le verset ne dit pas clairement : « D.
apparut à Abraham ? » En vérité le verset ne concerne pas qu’Abraham, mais
il s’adresse à tous les hommes. Il est possible pour chaque personne qui
pratique sincèrement les Mitsvoth qui observe la Torah avec rigueur de sentir en
elle la présence de la Providence. Une des qualités, pour avoir le sentiment de
percevoir cette présence est l’humilité. C’est ce que nous apprend le texte en
disant que D. était debout et « Abraham assis à l’entrée de la tente » La
providence reste debout pour nous enseigner la valeur de l’Humilité. Le
Midrache Rabba dit à ce sujet : « Le mot qui signifie « assis » peut être
lu aussi, au passé « Yachav » et ajoute : « Abraham devant cette
apparition de la Providence voulait se mettre debout, et l’Eternel lui dit : «
Reste assis ! Tu seras un exemple pour ta descendance. Du fait que toi tu es
assis et la Providence debout, ainsi ta descendance sera assise et la
Providence sur son dos. Quand les Hébreux rentrent dans les lieux de culte
et dans les centres d’études et procèdent à la lecture du chéma en
étant assis en mon honneur Moi aussi je serais présent à
leur côté.»
Il existe un principe dans le Judaïsme qui
stipule que celui qui est en cours d’exécution d’une mitsva est dispensé
d’appliquer une autre mitsva qui se présente à lui d’une manière concomitante.
L’attachement d’Abraham à l’Eternel est si intense au point qu’il néglige
complètement ce principe. En effet, cela faisait à peine trois jours qu’Abraham
avait appliqué la mitsva de la circoncision, par ailleurs il était déjà avancé
en âge, il faisait une chaleur torride, par conséquent il avait toutes les
raisons de se soustraire à la mitsva d’accueillir des personnes dans le
besoin. Pourtant, Abraham malgré sa souffrance à la suite de la circoncision,
malgré la chaleur, il reste assis à l’entrée de sa tente attendant impatiemment
des personnes de passage pour appliquer la mitsva. Quand il s’agit de pratiquer
la charité ou apporter un secours à un nécessiteux le principe énuméré plus haut
ne tient plus. C’est la leçon que nous retenons de la conduite d’Abraham.
LA SIDRA
HAYE SARAH
« Sarah
mourut à Kiryath arba, et Abraham y vint pour prononcer l’oraison funèbre et
pour la pleurer. » En principe les pleurs précèdent toujours l’oraison
funèbre. ! Abraham, dans un premier temps ne voulait pas pleurer, car il
acceptait la sentence divine. Mais quand il voulait prononcer l’oraison funèbre
il pensait que Sarah est morte à cause du sacrifice d’Isaac et regrette que,
malgré son intégrité et courage, elle n’ait pas su subir l’épreuve.
Dans cette Sidra Abraham se qualifie lui-même
d’étranger dans le pays. Cette qualité qu’Abraham s’attribue à lui-même est
souvent accordée à ses descendants dans les pays de l’exil, sans qu’ils la
réclament, même là où eux-mêmes se considèrent comme citoyens
authentiques.
Parmi les nombreuses leçons que cette Sidra
enseigne nous retiendrons trois :
a-
On
peut lire au chapitre XXIII,20 : « Le champ, avec le caveau qui s’y
trouve, fut ainsi adjugé à Abraham, comme possession tumulaire, par les enfants
de ‘Heth » Ce verset nous rappelle pour la dixième fois le nom de ‘Heth, ainsi
que les détails de la vente, pour montrer aux Cananéens la valeur qu’Abraham
attachait à l’acquisition d’un caveau, et par conséquent, à l’enterrement des
défunts et au respect qui leur est dû.
b-
Dans
un autre verset Abraham adjure son serviteur Eliézer de ne pas choisir une
épouse à son fils Isaac parmi les filles de Cananéens avec lesquels il
demeurait. Par ce verset nous apprenons que le fait d’habiter le pays ne
justifie pas l’assimilation et encore moins les alliances matrimoniales. La
proximité de la famille alliée idolâtre pourrait être dangereuse par son
influence sur la descendance du patriarche. Le choix d’une épouse est capitale
car c’est elle qui aura le pouvoir d’éduquer les enfants.
c-
Abraham donne l’ordre à Eliézer de se rendre dans la famille d’Abraham et lui
rappelle de se « garder de ramène Isaac dans le pays de Harane et ajoute : «
Que si cette femme ne consent pas à te suivre tu seras dégagé du serment que je
t’impose. Mais en aucune façon n’y ramène mon fils. » On constate que la
première fois il lui interdit de faire revenir Isaac dans son pays d’origine
pour s’y fixer et la deuxième fois il lui défend de l’inciter même à un séjour
provisoire » Nous apprenons ainsi de la mission d’Eliézer que l’amour du
pays promis fait renoncer le patriarche plutôt aux projets matrimoniaux que de
voir, même momentanément, son fils s’expatrier.
Le premier patriarche,
conscient de l’union qui devra s’établir entre le pays et ses descendants,
désire que son fils y prenne immédiatement racine et ,e s’exile même pas
provisoirement de la Terre sainte : « en aucune façon recommandera-t-il à
Eliézer n’y ramène mon fils » C’est d’ailleurs pour la dernière fois que
nous entendons la voix de premier patriarche qui finit son rôle historique par
deux recommandations : Ne pas s’expatrier et ne pas fusionner avec les
Cananéens.
LA SIDRA DE
TOLEDOTH
Deux sujets principaux ressortent de la lecture de cette Sidra. Le premier
d’ordre éducatif et le second d’ordre affectif.
La
paracha insiste sur le fait qu’Abraham est bien le père d’Isaac. Cette
précision ne s’imposait pas. Cependant, si la Torah la mentionne, c’est
qu’elle veut nous donner une leçon de vie. En effet, il n’échappe à personne, et
la psychologie moderne s’en est accaparée, que l’enfance est déterminante dans
le comportement de l’adulte. Celui-ci, inconsciemment reproduit tout ce que les
parents ont investi dans son enfance. C’est pourquoi, la Torah nous précise que
c’est bien Abraham qui est le père d’Isaac. Autrement dit, toutes les qualités
d’Abraham se retrouvent chez Isaac. Le comportement des parents est un
modèle pour les enfants.
La
deuxième leçon formulée dans cette paracha est l’impossible conciliation
entre la civilisation juive et la civilisation occidentale. La première est
représentée par Jacob et la deuxième par Esaü.
Toutes les composantes du caractère d’Esaü se retrouvent dans le monde
occidental. Esaü est un homme qui passe son temps à chasser et à se
distraire. Le monde occidental, héritier de la civilisation gréco-romaine, a
pour principale préoccupation de passer le temps et de trouver tous les moyens
qui contribuent à occulter le temps. Celui-ci devient de plus en plus pesant,
étant non vécu, et ne laissant aucune trace. L’occident se préoccupe
essentiellement à développer la technique pour économiser le temps à des
personnes, qui n’ont pas développé leur personnalité pour faire face à ce
temps libre que la technique leur a fait économiser. Le résultat est que le
temps libre passe dans les distractions qui rendent l’homme un simple
spectateur, autrement dit une situation où l’individu abdique ce qui est sa
raison d’être à savoir : sa pensée. Le sport de compétition est devenu une
divinité qu’on adore parce qu’il donne la possibilité à l’homme de ne pas
penser. Tout ce temps là est occulté et ne laisse aucune trace. Voici pourquoi
la société éprouve un mal être qui ne parvient pas à se dissiper..
Quant à Jacob, la Sidra nous dit Yochèv Ohalim et le Midrach ajoute :
« Jacob passait son temps à étudier dans la Yéchiva de Chèm et Evère. » C’est
dans cette phrase seule que se situe toute la différence entre ce peuple que la
Torah a rendu unique, et le reste de l’humanité. La torah a donné un programme
qui consiste à rendre le temps opaque. Le temps juif est un temps vécu. C’est le
sens même de Yochèv ohalim –qui demeure dans les tentes- Le Juif
animé par la Torah n’abdique jamais sa pensée, ne renonce pas à sa conscience
toujours en état d’éveil. Tous les malentendus entre le monde occidental
et le peuple juif, reposent sur le fait que le Juif n’occulte pas son temps, il
le vit. La pratique des Mitsvoth a pour fonction de concilier l’acte avec la
pensée. La tête et le cœur vont toujours ensemble. Parce que chaque acte exige
la présence de la conscience.
Si
Jacob prévoit les événements Esaü les subit. Ce dernier gaspille sa vie sans
même penser un instant à une fin possible. Jacob prévoit tout, pense à tout et
ne laisse rien au hasard. Cette conscience permanente toujours en éveil est le
fondement de la civilisation juive.
LA
SIDRA DE VAYECHEV
La Bible
ainsi que le Talmud nous fournissent plusieurs sages avertissements en ce qui
concerne notre comportement avec nos semblables.
L’histoire de
Joseph, en apparence sans tendances didactiques, ne manque cependant pas de nous
montrer les fâcheux résultats de la partialité des parents qui font des
distinctions entre leurs enfants. Au lieu de contribuer à l’union de leurs
descendants, ils les séparent. Ils sèment la discorde entre les êtres les plus
proches et contribuent à faire germer la haine.
Quoique les
pères des tribus font montre de qualités remarquables, le sentiment de haine les
aveugle et les empêche de contrôler leurs actes. Il a suffi d’une apparence mal
interprétée pour faire naître dans leur cœur un désir fratricide : à tout prix
se défaire de Joseph qui les priverait de l’héritage spirituel et matériel.
Joseph, sans malice ni ambition, ne se doute pas de la profonde animosité dont
il fait l’objet et ne se méfie guère de son entourage. Avec candeur il lui fait
part de ses rêves, de ses visions et contribue ainsi inconsciemment à
l’accroissement de la haine de ses frères. Il paie cher la préférence du père à
son égard, mais Dieu ne l’abandonnera pas dans sa misère, car dans son cœur il
n’y avait ni vanité, ni orgueil.
Il
est protégé contre les passions extérieures et intérieures et en sort vainqueur.
« La femme de Putiphar le tentait journellement. Elle se paraît pour lui
de certaines toilettes le matin, d’autres le soir. Elle le menaçait
d’emprisonnement, de mutilations, d’aveuglement, elle essayait de le corrompre
en lui offrant de fortes sommes d’argents : jamais il ne céda » (Yoma 35b)
Un
autre enseignement de haute portée nous est offert par l’histoire de Judah
et de Tamar. En reconnaissant publiquement sa faute, Judah sanctifie le nom de
l’Eternel et consacre le principe de justice. « Au moment où il a avoué sa
culpabilité –disent nos sages- une voix céleste se fit entendre et dit : «
Tu as sauvé Tamar et ses deux fils du feu ( elle devait être brûlée à cause de
son impudicité) et moi j’empêcherai, en revanche, trois de tes descendants,
Hanania, Michaël et Azaria, de mourir dans la fournaise » ( Sota 10)
La
justice sera l’arme la plus fidèle des descendant de Judah qui non seulement la
défendront au risque de leur vie, mais seront protégés par elle et sauvés au
cours de leur longue histoire pleine d’épreuves. Elle sera modelée sur celle du
Maître du monde et ne se dissociera pas de la compassion. « Quoique neuf cent
quatre-vingt-dix neuf anges attestent la faute d’un homme et qu’un seul prenne
sa défense, le Saint, béni soit-il, incline la balance en sa faveur. » (
Kiddouchin, 61b)
LA SIDRA DE
MIKETS
Dans les Sidroth Vayétsé, Vayéchèv et Mikets les songes occupent une place
de choix. Ce genre de révélation nouveau a été amplement analysé par nos
Maîtres. Ce sont ces analyses que nous allons exposer ci-après.
Il
est dit d’une part, dans le Pentateuque (Nombres, XII,6) que D. se révèle
à certains prophètes dans un songe, et, d’autre part (Zaccharie,X,2) que les
songes ne disent que des faussetés. Nos Sages démontrent qu’il ne s’agit pas là
d’une contradiction, mais de deux catégories de songes, les uns vrais et les
autres faux. (Bérakhoth 55b)
Le
problème des songes a préoccupé les philosophes juifs du Moyen Age et parmi eux
Maïmonide. Celui-ci estime que l’inspiration, survenu lorsque les sens reposent
et cessent de fonctionner, est la cause des songes vrais. Ces derniers « ne
diffèrent de la prophétie que par le plus et le moins et non par l’espèce »
Il ne fait d’ailleurs qu’interpréter l’avis de nos Sages qui disent : « Le
fruit abortif de la prophétie est le songe » (Béréchith Rabba 17 et 44) «
C’est là une comparaison remarquable : en effet , le bruit abortif est
identiquement le fruit lui-même, si ce n’est qu’il est tombé avant sa parfaite
maturité ; de même, l’action de la faculté imaginative pendant le sommeil est la
même que dans l’état de prophétie, si ce n’est qu’elle est encore insuffisante
et qu’elle n’est pas arrivée à son terme » ( Guide des Egarés, t. II, chap.
XXXVI)
Comme nous le savons, il n’est pas donné à tous ceux qui voient dans le sommeil
des images révélatrices de les comprendre ; Pharaon par exemple, en est
très loin. Il est de même de la voix céleste dont parlent constamment nos Sages
(Bath Kol ) « et qui désigne une certaine situation dans laquelle
peut se trouver une personne non préparée ( Hagar, Manoah et sa femme) »
( idem II chap. XLII). Les frères de Joseph, aveuglés par la jalousie, ne
sentirent point le sens que l’esprit saint prêta à la phrase « nous
verrons alors qu’adviendra de ses rêves ! » Genèse XXXII, 20), c'est-à-dire «
Nous verrons laquelle des deux décisions s’accomplira : la vôtre ou celle de
D. » Midrach Rabba cité par Rachi)
Joseph était le seul parmi les enfants de Jacob à savoir interpréter les
symboles à travers lesquels transparaissent les idées divines. Doué de toutes
les qualités physiques et morales, il réalisait les conditions requises pour
l’inspiration. Il n’aimait ni plaisir ni grandeur et ne recherchait que la
justice. Son plus grand mérite est d’avoir su résisté à la tentation (Yoma,
35b), Il est dit de lui qu’il se trouvait à tous les points de vue à l’abri de
l’influence extérieure : « L’œil qui ne désire pas avoir part au bien
d’autrui (allusion à ce qu’il repoussa les avances de la femme de Potiphar) ne
subit pas l’influence du mauvais œil » (Bérakhoth, 20 a)
Il
n’eut point recours à la vengeance, sachant pardonner avec générosité et
reconnaître le pouvoir limité de l’homme dans le bien comme dans le mal.
Malgré les événements facheux qui l’ont privé de gîte et d’affection, il ne se
plaint pas de ceux qui lui avaient causé du tord et parle avec fierté de son
origine. « Car j’ai été enlevé du pays des Hébreux » dit-il à l’échanson,
sans fournir d’autres explications au sujet de son passé (Genèse XL,15) ?Le
Midrach estime que c’est cette conscience nationale qui lui a valu le mérite
d’avoir été enseveli en Terre Sainte ( Midrach Rabba, Dévarim Vaéthanan)
Joseph est le premier dans l’Histoire à porter le nom de juste et à être
mentionné immédiatement après les trois patriarches ( tous les autres
chefs de tribus ne sont désignés qu’en leur qualité de frères de Joseph.)
LA
SIDRA DE VAYIGACHE
Ce n’est
certes pas dû au hasard que l’emblème de Juda soit un lion, symbole de
force, de courage et de liberté. Il nous apparaît tel que nous aimerions
voir tous nos héros : droit, ferme, et par- dessus tout conscient de ses
responsabilités.
Ce
n’est pas en vain que Juda a garanti pour la sécurité de Benjamin. Il est prêt,
pour le défendre, à sacrifier sa liberté et à affronter le courroux du puissant
maître de l’Egypte. Il se garde de faire à ce dernier le moindre reproche de
l’injustice qui les frappe, parce qu’il sait que ce sont là des choses
quotidiennes dont on ne discute pas, et parce que, pour sa part, il l’accepte
comme un châtiment mérité. Mais devant la condamnation d’un innocent, il ne peut
rester calme. Il faut tenter l’impossible et toucher le cœur de cet homme que le
pouvoir rend inaccessible. Cela ne se pouvait qu’il restât insensible à la
grande souffrance fraternelle.
Et
la détresse de cet homme fort émeut le puissant, lui enlève le masque impassible
et lui arrache ce cri d’angoisse » Je suis Joseph, mon père vit-il encore ? » Ce
n’est plus un vice-roi et par politesse qu’il s’enquiert de la santé du père de
ces étrangers, c’est Joseph, en chair et en os, qui veut par une réponse directe
sentir renaître le souffle paternel. Sa spontanéité naturelle lui fait
oublier toute dignité royale.
Le
pardon qu’il accorde à ses frères à travers la personne de Juda est sans
restriction, mais il exige en revanche qu’ils sachent l’accepter avec le même
élan que lui, Joseph, a su le leur apporter. « Ne soyez pas irrités contre
vous-mêmes de m’avoir vendu pour l’Egypte … » et surtout « ne vous
disputez pas durant le voyage » en rejetant la faute l’un sur l’autre,
suivez l’exemple de Juda, son expérience morale qui ne se réduisait pas
seulement à la connaissance passive. Si le remords vous bloque dans un
passé qui vous écrase, libérez-vous en et optez pour un repentir franc et
intégral qui vous mènera à une conversion efficace, vous détournera
définitivement de la faute pour vous conduire avec confiance vers la libération
et l’unité.
Il
ne leur demande pas, mais il leur impose l’oubli et par l’oubli, l’espoir.
LA SIDRA
DE CHEMOTH
Une page de
l’histoire juive est tournée. Avec le début du livre de l’exode nous passons de
la période patriarcale à la période nationale. Ce passage ne se fait pas sans
douleur. L’Egypte est l’artisan et le théâtre d’un des plus monstrueux
asservissements que l’antiquité ait connus. Ces dures épreuves sont réservées
aux enfants d’Israël. Ils les surmontent aussi dignement qu’Abraham, Isaac et
Jacob ont surmonté les leurs.
Là
d’ailleurs, ne s’arrête pas le parallélisme entre l’histoire du peuple et celle
des patriarches. Ce n’est pas par hasard que nos Sages ont forgé le célèbre
dicton : les tribulations des ancêtres sont autant de signes pour les enfants.
D. s’était révélé à Abraham, Isaac et Jacob au moment même où il eurent à
affronter des situations périlleuses pour leur personne ou pour leur foi. De
même, il apparaît à Moïse, futur chef d’Israël, à l’heure de la plus grande
détresse pour reformuler les clauses de son alliance.
C’est ainsi que le midrache souligne avec beaucoup d’insistance la solidarité
étroite entre Dieu et Israël. D. participe à la misère du peuple, et c’est
pourquoi Il choisit comme lieu de Sa révélation un simple buisson. Le Midrache
explique : Le Saint, soit-Il, dit à Moïse : « ne sens-tu point combien Je
suis plongé avec Israël dans la douleur ? Vois l’endroit d’où Je t’adresse la
parole, du milieu des ronces, car je suis l’associé d’Israël dans la détresse.
Mais sache bien, de même que le feu ne parviendra pas à consumer le buisson,
l’Egypte ne parviendra pas à détruire Israël.
Notre Sidra laisse d’ailleurs entrevoir à Moïse les conditions qu’Israël devra
remplir pour pouvoir compter avec certitude sur la protection divine. Le
Seigneur dit en effet : « Enlève les sandales de tes pieds, car le lieu
que tu foules est une terre sainte »
Se
déchausser en ces deux arides est dangereux. Serpents et scorpions peuvent
surgir derrière chaque pierre, et leurs morsures et leurs piqûres, mettre fin à
vos jours. Pour un homme comme Moïse, qui connaissait le désert, avoir le
courage de s’avancer pieds nus, c’était tout à la fois marquer sa confiance
absolue en D. et affirmer solennellement que sur une terre sainte aucune menace
ne peut être fatale.
Par
le même verset, D. enseigne à Moïse comment remplir sa mission. Une image
classique nous présente le corps humain comme une coquille qui renferme et
protège l’âme. La sandale rend un service analogue au pied. En donnant l’ordre à
Moïse de se déchausser, le Saint, béni soit-Il, semble lui dire : « Si tu
veux atteindre les sommets de la vie spirituelle, si tu veux ressentir la
proximité de D. , il faut d’abord savoir te détacher de certaines contingences
terrestres. En proclamant ainsi ton entière confiance dans la Providence, tu
pourras mener une vie de sainteté et faire sortir d’Egypte le peuple auquel il a
été ordonné : « Soyez saints, car Moi, l’Eternel, votre D. Je suis Saint »
LA SIDRA DE BO
Et
l’Eternel dit à Moïse : étend ta main vers le ciel, et que l’obscurité soit
sur le pays d’Egypte, et que l’obscurité prenne consistance. Et Moïse étendit sa
main vers le ciel, et il y eut d’obscurs ténèbres dans tout le pays d’Egypte
durant trois jours.
Plusieurs de nos commentateurs remarquent que, d’une part le texte insiste sur
l’obscurité où étaient plongés les Egyptiens ( cette obscurité était dense ; il
y est questions d’obscures ténèbres » ce qui semble un pléonasme_ or la Torah ne
peut avoir un mot de trop- alors que le verset suivant se termine par les mots :
« Quant à tous les enfants d’Israël, il y avait de la lumière dans leurs
demeures. »
L’obscurité des Egyptiens était palpable, et la lumière des Hébreux se trouvait
multipliée par cette opposition. En même temps que D. plongeait l’Egypte dans
l’obscurité, Il éclairait Israël. Cette nuit était telle pour les Egyptiens «
qu’un homme ne voyait pas son frère ». La nuit n’était pas seulement absence de
lumière, elle s’était épaissie, matérialisée au point de fixer chacun dans sa
position, de le figer, de le faire vivre uniquement pour lui seul : aucun
contact n’existait plus entre individus, aucun courant, aucune communication ;
alors qu’il est dit des Hébreux « et pour tous les enfants d’Israël, il y
avait de la lumière dans leur demeure » chacun jouissait de propre lumière ; non
seulement chacun « voyait » son frère, avait contact avec lui, mais sa lumière
éclairait, illuminait son frère.
Le
problème d’aujourd’hui n’est pas seulement un problème politique ; c’est le
problème des fils de la lumière contre les fils des ténèbres. Qu’on ne voie pas
là vaine apologie des Hébreux ou avilissement de ses ennemis. Ces qualités ne
sont pas des qualités naturelles, intrinsèques d’Israël. Mais tout porte à
croire que nous vivons une époque qui ressemble à celle décrite dans notre Sidra ;
le Pharaon d’hier s’est multiplié et n’est pas moins menaçant qu’alors. Mais
nous ne pouvons reconnaître le miracle généralement que longtemps après
qu’il s’est accompli. Sans doute serait-il peu sage d’approuver d’avance sans
réserve tout ce que pourra faire aujourd’hui ou demain, le gouvernement
d’Israël ; mais, il le serait aussi peu aveuglé au point de ne pas voir la main
de D. de vider tous les actes politiques d’aujourd’hui de leur contenu
spirituel. Le miracle n’était-il pas aussi dans la lumière d’Israël ? Pourtant
on désigne ce miracle par le nom de ténèbres. L’aveuglement des ennemis d’Israël
est l’aspect négatif des victoires d’Israël, sa foi en est l’élément actif.
LA SIDRA
DE BECHALAH
Ce
Chabbath est plus connu sous le nom de « Chabbath Chira » C’est dans la sidra de
Béchalah que l’Eternel gratifie Israël de la promesse la plus importante
en ces termes : « Toute les maladies que j’ai données à l’Egypte je ne te
les donnerai pas car je suis l’Eternel ton médecin. » Cette fin de
verset pose problème. Car s’il n’y a pas de maladie, le médecin devient inutile.
Comment comprendre dans ce cas la phrase « car je suis l’Eternel ton médecin »
Nous apprenons par cette précision, ce qui en notre temps est très répandu,à
savoir : que pour garder sa santé physique et mentale il est nécessaire de ne
point attendre la maladie pour consulter un médecin mais en étant en bonne
santé. La prévention dans le domaine de la santé est capitale. Par conséquent,
la médecine préventive a été prévue par le Judaïsme il y a de cela des milliers
d’années.
Maïmonide, un des plus grands penseurs du Moyen Âge, a développé ce verset en
ces termes : « L’homme est responsable de la plupart des maladies qui
l’affectent. La maladie est la conséquence de l’ignorance. L’homme ne sait pas
comment conserver sa bonne santé. Il est comme un aveugle qui butte sur
des obstacles et tombe souvent parce qu’il ne voit pas ce qu’il y a devant
lui » Maïmonide conclut ( Hilkhoth Déoth chap.4 halakha 20) « Toute
personne qui se conduira selon ce que je lui ai prescrit, je me porte garant de
sa santé, il ne tombera jamais malade et jusqu’à sa vieillesse il n’aura
pas besoin d’un médecin. »
En
précisant : « C’est Moi qui suis ton médecin » L’Eternel, fait
allusion au don de la Torah, C’est ainsi qu’Il prescrit à Israël la médecine
préventive. Le respect de la Torah et des Mitsvoth, constitue le rempart contre
la maladie. Pour illustrer sa théorie Maïmonide donne son exemple personnel. Il
raconte qu’il était le médecin privé du Sultan Saladin. Le Palais royal comptait
déjà de nombreux médecins qui s’étaient plaint au Sultan en lui disant que le
médecin juif ne servait à rien. Saladin appela Maïmonide et lui dit : «
On dit de toi que tu es un grand médecin et c’est la raison pour laquelle je
t’ai engagé ; Mais les autres médecins disent que tu ne fais rien dans ce
palais. Quelle preuve ai-je que tu es vraiment un grand médecin puisque je ne
suis jamais malade ? Comment savoir dans ce cas que tu es un grand médecin ?
Maïmonide lui répondit simplement et avec humilité : « La preuve que je
suis un grand médecin réside dans le fait que depuis que je suis entré dans ce
palais tu n’es jamais tombé malade. Un grand médecin est celui qui sait
comment éviter la maladie à une personne, et pas celui qui ne fait que soigner !
Et la plus grande preuve nous a été donné par le Saint béni soit-Il qui
est le plus grand médecin de tout l’univers. C’est Lui qui a dit : «
Toutes les maladies que j’ai données à l’Egypte je ne te les donnerai pas car
Moi Eternel je suis ton médecin » Mais pour cela il y a une condition
préalable : « Si tu obéis à la parole de l’Eternel ton D. »
En
effet, l’application des Mitsvoth, est en soi une véritable thérapie. Elle
permet au fidèle de conserver sa santé par le fait qu’en développant sa volonté
en ne succombant pas à la moindre tentation, en cultivant le pouvoir de se dire
« non » à soi même, il ne consommera que les produits qui l’aideront à conserver
sa santé. La Torah fait évoluer l’homme dans un état mental saint. Elle
préserve l’homme de la jalousie de la haine, du stress, de l’avarice, de
l’inquiétude, de l’insécurité. Tous ces défauts contribuent à ruiner la santé de
l’homme et abrège sa vie. Quiconque observe honnêtement la torah dans son
véritable esprit, résiste sans difficulté à la nourriture qui détraque la santé.
La cachrouth est fondée sur la sainteté du corps. L’observance du repos du
chabbath contribue aussi à ressourcer le Juif et lui donner les forces pour
affronter une nouvelle semaine. Celui qui vit selon les mitsvoth sait exactement
ce qu’est la joie de vivre, la joie de l’application de la mitsva, Tout
dans la Torah contribue à préserver la santé de l’homme c’est dans ce sens
qu’elle constitue une véritable médecine préventive.
LA SIDRA DE
YITRO
Cette Sidra se particularise par la promulgation des dix commandements. «
Trois mois après la sortie d’Egypte les Hébreux arrivèrent près du mont Sinaï »
Selon nos Maîtres ce jour dont il est question, était un jour de Roch Hodèch
Sivane Les Hébreux parvinrent au pied du Mont Sinaï le 6 Sivane. Pour
assister au moment qui allait bouleverser toute l’humanité. De Mont Sinaï allait
sortir la lumière pour le genre humain. Celui-ci a introjecté cette héritage
d’Israël sans pour cela avoir la reconnaissance envers le peuple qui a éclairé
l’humanité par sa conception de la morale, de l’éthique, du mode de vie,
de la culture, du bonheur et de la relation de l’homme avec le temps. Ce
jour du don de la Torah, nous a particularisé du reste des nations qui peuplent
l’humanité. Mais pour apprécier l’importance du don de la Torah il convient de
le situer dans le temps. Au moment où ce peuple d’anciens esclaves
proclamaient l’unité de D. Toute l’humanité était plongée dans l’idolâtrie. Au
moment où ce peuple préconisait le respect des parents et de tout être humain,
l’humanité était dans l’obscurité absolue de l’esprit et de la pensée. On ne
voyait partout que les sacrifices humains, les assassinats, le vol, la rapine,
et la violence. L’homme était au niveau de l’animal, et peut être encore moins
car l’animal n’attaque plus une fois repu.
Cette Torah, qui fait la fierté d’Israël a été au début proposée à toute
l’humanité. Le Midrache nous enseigne qu’aucun peuple ne l’a acceptée. Comment
des sauvages peuvent-ils accepter une doctrine qui préconise l’amour du
prochain ? Les hommes contemporains du don de la Torah vivaient essentiellement
de la chasse. Ils passaient leur temps à chercher de quoi vivre. Toutes les
actions qui permettaient de vivre étaient recherchées sans se soucier ni de la
morale ni du respect de l’autre. Les hommes vivaient dans la violence
permanente. Les plus faibles étaient sacrifiés au profit des plus forts. Rien
d’étonnant dans ce cas que la Torah soit l’héritage d’Israël. Celui-ci s’est
engagé, contrairement à tous les peuples de cette époque, à respecter les
principes qui font encore, des milliers d’années après, l’admiration de
l’humanité entière. Certes, cette avance spirituelle du peuple d’Israël n’a pas
été sans conséquences. Ce peuple, pour avoir été le premier à introduire la
lumière dans ce monde, a été l’objet d’une haine et d’une animosité intense de
la part des peuples qui voulaient demeurer dans l’obscurité et la régression
spirituelle. Cette haine n’a jamais baissé d’intensité depuis le premier ancêtre
bien avant la promulgation de la Loi. Abraham déjà, a détruit les idoles
et a proclamait l’unité de D. sur toute la terre. Les autres ancêtres ont
appliqué la Torah avant qu’elle soit promulguée. Le peuple d’Israël est né
sur la base de la morale. Bien avant le don de la Torah, Israël a introduit le
chabbath qui libère l’homme de l’emprise du temps, et qui fait des êtres
humains, des collaborateurs de D. Quand on proposa la Torah à Israël la réponse
ne tarda pas et se résuma dans une phrase la plus concise possible à savoir
Naassé Vénichma
Autrement dit, l’action conduit à la compréhension. Il n’est pas étonnant que
l’humanité entière refusât de faire sienne les principes de la Torah. Aucun
homme n’avait la préparation spirituelle pour adhérer à des principes qui
contredisent tout le comportement de l’humanité de cette époque. Les dix
commandements que les Hébreux entendirent à partir du pied de Mont Sinaï,
étaient clairs et compréhensibles pour eux. Depuis longtemps ils
conformaient leur conduite avec les principes de la Torah. Ce qu’ils entendaient
n’étaient pas tout à fait étranger à leurs oreilles. Quand ils dirent à Moïse «
parle nous toi », il ne s’agissait pas de la compréhension du contenu,
mais uniquement de la forme, du langage. ( Dibbour ).
Le Don de la Torah a fait d’Israël « le peuple de Dieu » un royaume de
prêtres et un peuple saint. Pour cela il fallait deux conditions : a) l’unité du
peuple. Cette condition a été remplie. En effet, avant de recevoir la Torah il
est dit :Vayaanou
kol haam yahdav
– le peuple répondit ensemble- ce mot
Yahdav
qui signifie ensemble, implique que tout le peuple hébreu était d’un même
avis, et parlait d’une seule voix. b) La deuxième condition est une même
compréhension de la Torah. Ceci est déduit de la phrase tout
ce qu’a parlé l’Eternel nous le ferons
ce qui implique qu’il n’y avait pas de différence dans la compréhension de
l’esprit de la Torah. Ces deux conditions, dans l’histoire du peuple
d’Israël, ont été toujours valables. Les accidents de l’histoire du peuple juif,
ont souvent empêché ces deux conditions de se réaliser. Mais nous ne perdons pas
l’espoir qu’elles soient de nouveau actuelles, alors le peuple juif sera de
nouveau un peuple de prêtres et un peuple saint
LA SIDRA
DE MICHPATIM
L’attachement du peuple juif à l’idée de justice date depuis ses origines
historiques.
Déjà le premier Hébreu, Abraham, se distingue par son esprit d’équité qu’il
considère comme le premier attribut de son idéal. L’existence de ses
descendants en tant que peuple, avant même qu’ils aient pris possession d’un
territoire à eux, commence par une réglementation des lois.
Le
principe de justice juive, diffère de celui des autres peuples. Ces derniers,
tout en ayant la notion d’une justice idéale, reconnaissant l’égalité des
hommes, optaient pour une justice « positive » convenant mieux aux intérêts de
la classe dominante. De cette manière le droit romain reconnaissait l’esclavage
sous sa forme la plus abusive, les codes du Moyen-Âge admettaient – sans le
moindre scrupule les supplices les plus inhumains, et nous n’insisterons pas
trop sur ce que nous réserve l’époque contemporaine. Du point de vue légal c’est
« la justice. »
La
législation juive s’est toujours préoccupée du bien de la collectivité entière ;
elle porte intérêt non seulement au parti lésé, mais aussi au coupable. «
Par l’application de la justice- disent nos sages – on porte secours à
l’innocent, en le rétablissant dans ses droits, et aussi au malfaiteur, en lui
enlevant le fruit de son méfait. »
Le
droit mosaïque qui reconnaît la liberté de l’individu et l’applique dans la vie,
souligne déjà dans le Décalogue, l’importance de l’affranchissement et commence
le cycle de MICHPATIM par la réglementation de l’esclavage. Toutes les
lois qui suivent tendent à régler la conscience collective. A côté des
prescriptions, nous trouvons des exhortations et des conseils qui
instruisent et affirment, rendant l’homme meilleur et plus profond. La loi
découlant de la sagesse divine devient éternelle en son essence : elle se
communique simultanément au cœur et à l’esprit ; elle nous apprend à distinguer
le bien du mal et à opter pour le bien.
Le
monde repose, selon nos maîtres, sur trois bases : la vérité ; la justice et la
concorde. Si la vérité est indispensable à la vraie justice, cette dernière est
à son tour la première condition du règne de la concorde.
Selon le monothéisme éthique la justice et la charité se rejoignent et se
confondent. Nous ne pouvons pas accepter pour notre compte la définition
générale en cours : la justice accorde à chacun ce qui lui est dû, tandis que la
charité lui donne ce qui ne lui est pas dû. La notion purement juridique de ce
« qui est dû »ne s’identifie pas avec la conception mosaïque de ce terme. Nos
lois découlent toutes d’une source générale ayant pour base une idée
fondamentale selon laquelle toutes les richesses du monde appartiennent à D. et
nous n’en sommes que de simples dépositaires : « Donne lui de ce qui est à
lui, attendu que toi et tout ce que tu as, lui appartiennent. Ceci a été exprimé
par David qui disait : » Tout vient de toi et nous recevons de ta main tout ce
que nous t’offrons » (Avoth 3, 8) La notion même de charité diffère du mot
lui répondant en hébreu ; tsédaka (dérivant de tsédék-justice) et signifiant «
justice-bonté. » Nous, en nous conformant aux exigences de tsédaka, nous
n’accomplissons pas un acte de charité, mais un devoir dicté par la justice et
octroyons à l’indigent sa part qui nous a été confiée. Connaissant la nature
humaine, la Torah ne s’est pas borné à nous ordonner le respect de la personne
humaine sous toutes ses formes : l’amour envers son prochain, étranger et
indigent, mais elle nous a également prévenus des conséquences néfastes que la
transgressions de ces préceptes entraînerait pour nous-mêmes. La désobéissance
au «message divin » entraîne les pires des fléaux pour la collectivité. Car
l’injustice et l’abus engendrent la pauvreté et cette dernière, à son tour,
bouleverse l’ordre social ; la sécurité de l’individu, qui se croit le mieux
protégé, s’en trouve atteint.
« Vous servirez uniquement l’Eternel, votre D. et il bénira ta nourriture
et ta boisson et j’écarterai toute maladie de ton milieu. « (XXIII, 25).
Pensez au bien-être de son prochain n’est pas du domaine de la charité, c’est
penser à soi-même, à son propre bonheur. La grande famille que forme un peuple
est en sécurité quand chacun de ses membres prend à cœur le bien général autant
que son propre plaisir. Quand, à l’heure actuelle, nous octroyons une parcelle
de nos revenus à notre pays, nous ne devons guère le considérer comme
bienfait. Nous accomplissons une minime partie de nos devoirs envers nos frères,
envers notre terre ancestrale. Ceci n’est point un acte de pitié-charité, mais
un acte filiale, doublé de la conscience des besoins de la collectivité.
Toute notre conscience, réclame de nous non pas un don ; mais la
restitution d’une partie qui nous est échue de trop.
LA SIDRA DE TEROUMA
« Parle
aux enfants d’Israël qu’ils prennent une offrande pour moi »
La formulation de ce premier verset de notre sidra pose problème. En effet, le
texte aurait du dire qu’ils donnent et pas qu’ils prennent.
La Torah a voulu nous
dire que les biens de ce monde ne nous appartiennent pas. Ils appartiennent au
Maître de monde C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, il n’est pas permis de
consommer le moindre aliment, sans faire préalablement une bénédiction. En
s’associant à des actes pieux, l’homme devient co-propriétaire du bien universel
et acquiert le droit d’en disposer ( Hatam Sofer)
Avec l’or des
offrandes la Torah demande que l’on fasse deux chérubins d’or, ils seront
fabriqués tout d’une pièce. Tandis que les autres objets du tabernacle pouvaient
être à défaut d’or, exécutés dans un autre métal, les chérubins ne devaient être
faits qu’en or. Ce métal rare et très recherché, est réservé aux chérubins
symbolisant les enfants. La Torah a voulu nous faire comprendre qu’aucun
sacrifice n’est de trop pour élever la jeune génération dans l’esprit de la Loi.
Les enfants ont toujours été les garants de la pérennité du peuple d’Israël.
C’est pourquoi les chérubins ne pouvaient être fabriqués qu’avec un métal rare.
La construction du
tabernacle est le premier sujet de la Sidra le deuxième est la fabrication du
veau d’or.
Nos sages estiment que
le plan du Tabernacle fut confié à Moïse le jour de Kippour, après
l’incident du veau d’or, en signe de pardon accordé au peuple (Midrach Tanhouma.)
La Torah bien avant, la psychologie moderne, nous prescrit de soignant un
traumatisme par un autre traumatisme de même nature. Avec l’or on a fait un
objet d’idolâtrie en fabriquant un veau. C’est pourquoi Hachem nous demande de
fabriquer un Tabernacle qui servira à adorer le Maître du monde. Le peuple
d’Israël devait par l’or du Tabernacle expier l’or du veau pour faire connaître
aux nations que D. lui conservera sa faveur.
Le tabernacle ne
portera pas le caractère des sanctuaires des autres nations, il ne fera pas
descendre D. au niveau de l’homme, mais élèvera l’être humain vers le pur
spirituel Et ils construiront un sanctuaire pour moi le
sanctuaire sera fait pour D., c’est-à-dire en vue de rechercher continuellement
la présence divine, pour aider ainsi l’homme à comprendre la place du D.
incorporel dans l’univers. Cette tâche sera facilitée à l’être humain par
l’analogie qu’il pourra puiser dans la part d’incorporel qu’il possède lui-même
dans son âme : De même que le Saint béni soit-il remplit le monde
entier, de même l’âme remplit tout le corps…Comme le Saint béni soit-il habite
dans le centre intime de l’univers, la résidence de l’âme est établie dans le
for intérieur du corps (
Bérakhot 10a)
Quand le symbole divin
sera compris de la sorte, les hommes n’éprouveront plus de difficultés à
réaliser l’immatérialité et l’omniprésence divine : « afin que je réside
au milieu d’eux »
L’anecdote suivante
met en relief la notion de la toute présence de D. réalisée par le peuple
juif : » Un navire appartenant à un païen était en mer ; parmi les
passagers se trouvait un enfant Juif. Survient une violente tempête. Tous les
païens saisirent leurs idoles et les invoquèrent, mais en vain. Voyant
l’insuccès de leurs prières, ils dirent au jeune garçon : supplie ton D. ; nous
avons entendu dire qu’il répond aux requêtes qu’on lui adresse et qu’il est tout
puissant. L’enfant se leva aussitôt et s’adressa de tout son cœur à D. qui
exhaussa sa prière ; la mer se calma. Quand on eut touché terre, les passagers
débarquèrent pour faire des achats. Ils dirent à l’enfant : Et toi, veux-tu
acheter quelque chose ? Que voulez-vous qu’achète un pauvre étranger comme moi ?
Un pauvre étranger ? s’écrièrent-ils. C’est nous qui sommes des pauvres
étrangers ; les uns, pendant qu’ils sont ici, ont leurs dieux à Babylone ;
d’autres ont leurs dieux à Rome ; d’autres ont bien les leurs avec eux, mais
n’en reçoivent aucun avantage. Pour toi où que tu ailles, ton D. est avec
toi ! » (Bérakhoth 13b)
LA SIDRA
DE TETSAVEH
Tu
prendras deux pierres de choham, sur lesquelles tu graveras les noms des fils
d’Israël… » (XXVII, 9)
Pour comprendre le sens de ces deux pierres, il faut comprendre que la brisure
des tables de la Loi par Moïse a entraîné une rupture dans les relations entre
Israël d’un côté, l’Eternel et Moïse de l’autre. Les pierres de Choham dont les
lettres formaient le nom de D. et celui de Moïse avaient pour but de rapprocher
la communauté de son D. et de son chef.
La
retrouvaille de la communauté avec son D. se traduit aussi par la présence de la
Providence en permanence parmi la communauté d’Israël. Si l’on construit le
Tabernacle, c’est qu’on en
éprouve mieux la réalité en certains lieux et circonstances dont le caractère
sacré vise à les harmoniser spirituellement avec la Providence divine. Le
commandement : « Ils me feront un sanctuaire et j’habiterai au milieu
d’eux » admet l’immanence de D. tout en excluant la notion de matérialité. La
tente d’assignation était considérée comme un endroit où la Providence divine se
manifestait avec plus d’intensité qu’ailleurs ( Chabbat 22b) « à partir du
premier jour où le Saint béni soit-il créa l’univers, il épousera le désir de
s’établir parmi ses créatures, dans les régions inférieures, mais il s’en
abstint. Toutefois, plus tard, quand fut dressé le Tabernacle et que le Saint
béni soit-il y eut fait résider la Providence, il dit : Qu’il soit écrit que le
monde fut créé en ce jour » (Nombres Raba, 13, 6). Le monde, semble-t-il, ne
pouvait en réalité être réputé exister au sens intégral du terme tant que la
Providence n’avait pas fixé sa résidence parmi les hommes, grâce à la
construction du sanctuaire.
D’après Nahmanide, le sanctuaire fut le lieu de la présence divine par
excellence, et d’après Chadal, il fut avant tout le symbole d’unité nationale
qui avait pour but d’initier le peuple à l’observance des commandements.
L’auteur du Séfer Hahinoukh insiste sur la valeur éducative de centre
spirituel. En citant les paroles de Salomon : « D. en vérité, résiderait-il sur
la terre ? quoi : les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir ;
combien moins cette maison que j’ai bâtie ! (Rois I, 8, 27) », il s’arrête
sur le fait indiscutable que la construction du Tabernacle n’avait pour but que
de préparerle cœur- par les multiples et travaux- à l’élévation morale, de
purifier les pensées et d’ennoblir la vie intérieur. Cette idée se dégage
d’ailleurs le mieux du passage suivant : « Ce que l’Eternel, ton D. te demande
uniquement, c’est de révérer l’Eternel, ton D. te demande uniquement,
c’est de révérer l’Eternel, ton D. de suivre en tout ses voies, de l’aimer, de
le servir de tout ton cœur et de toute ton âme, en observant les préceptes
et les lois de l’Eternel, que je t’impose aujourd’hui pour devenir heureux »
Deut. X, 12-13)
Le
commentateur Malbim s’associe à cette conceptions et considère que l’ordre : «
Ils me feront un sanctuaire » se rapporte à chaque membre de la communauté qui,
en collaborant à la construction du temple national, doit simultanément élever
en son propre cœur un sanctuaire à D.
LA SIDRA
DE KI TISSA
Dans cette Sidra, l’incontestable grandeur de Moïse atteint son apogée.
Pour sauver son peuple il risque sa vie. L’avenir d’Israël compte à ses yeux
plus que la béatitude éternelle dont il serait d’ailleurs incapable de jouir au
cas où Israël périrait.
Le Zohar s’adonne très souvent à des comparaisons entre des personnages de la
Bible. En comparant Noé, Abraham et Moïse le Zohar conclut : « Si
l’altruisme d’Abraham est incommensurablement supérieur à celui de Noé, Moïse
réalise dans ce domaine la perfection. Nul comme lui, n’a su lutter pour le
bonheur de sa nation et la défendre, malgré ses renaissantes erreurs ; il ne
cédera à aucune force, à aucun argument, avant d’avoir obtenu de la Providence
le pardon pour Israël. C’est cette infatigable fidélité qui lui a valu le
surnom du « berger fidèle »
Nahmanide
quant à lui, estime que Moïse réalise mieux que quiconque dans l’histoire
humaine, l’idéal du chef, qui sacrifie tout pour ceux dont qu’il assume la
charge morale et spirituelle. C’est dans ce sens qu’Isaïe décrit le messager
divin : « C’est pour nos fautes qu’il a été meurtri, par nos iniquités
qu’il a été écrasé ; le châtiment, gage de notre salut, pesait sur lui, et c’est
sa blessure qui nous a valu la guérison » ( LIII, 5)
De
nombreux textes précisent que les bons souffrent à la place des méchants, et
ainsi s’en dégage l’idée d’expiation substitutive. Lorsque, à cause de
l’affaire du veau d’or, Moïse dit : « Je t’en prie, efface moi de ton livre »
Il offrit sa vie en expiation pour la faute de son peuple » (Sota 14, a) En
agissant ainsi Moïse voulait sauver le peuple d’Israël. La disparition d’Israël
aurait entraîné une rupture nouvelle entre le Créateur et la création. A deux
reprises Moïse souligne le danger qui résulterait pour le monothéisme du fait de
l’anéantissement du peuple élu : « Faut-il que les Egyptiens disent :
c’est pour leur malheur qu’il les a emmenés, pour les faire périr dans les
montagnes et les anéantir de dessus la face de la terre ! » (Exode 32, 12)
et ensuite : « Mais ces nations qui ont entendu parler de toi diront
alors : parce que l’Eternel n’a pu faire entrer ce peuple dans le pays
qu’il leur avait solennellement promis, il les a égorgés dans le désert »
(Nombres XIV, 15) Cette idée fut reprise et développée par Ezéchiel, qui,
à son tour, estime que les châtiments infligés à Israël, même à juste titre,
risquent de se répercuter sur la gloire divine il écrit : « Mais arrivé
chez les nations où ils devaient venir, ils ont déconsidéré mon saint nom
par ce fait qu’on disait d’eux : ces gens sont le peuple de l’Eternel et c’est
de son pays qu’ils sont sortis ! » (36, 20)
De
toute cette Sidra il convient de retenir l’idée qu’Israël, même pécheur reste
Israël (Sanhédrine 44 ), c'est-à-dire le peuple de D.
LA SIDRA
VAYAKHEL
La
description du Tabernacle occupe, comme nous le savons, une place très
importante dans le livre de l’Exode. Quatre sections complètes lui sont
consacrées, dont deux (Térouma et Tétsavé) relatent l’ordre divin à son
sujet et les deux autres (Vayakhel et Pékoudé) traitent de son exécution.
Aussi bien à la fin de la transmission du plan (Ki Tissa) qu’au début de sa mise
en pratique (Vayakhel) il est signifié que la sainteté du Chabbath doit être
observée : « Toutefois observez mes Chabbath, car c’est un symbole de moi
à vous dans toutes vos générations… (31, 13) » ; « Pendant six jours, on
travaillera, mais au septième vous aurez une solennité sainte, un chômage absolu
en l’honneur de l’Eternel… » (35,2)
L’enchaînement des textes concernant la construction du Tabernacle et
l’observance du Chabbath est généralement commenté comme allusion à la défense
de profaner le jour sacré, même en vue de la construction du Temple.
Une
analyse approfondie nous suggère encore un autre lien entre les deux sujets. Il
existe une analogie entre le récit des six jours de la création, couronnés par
le jour sacré, et celui de la fin de Michpatim : « La majesté divine se
fixa sur le mont Sinaï, que le nuage enveloppa six jours ; le septième jour, D.
appela Moïse du milieu du nuage » (XXIV, 16). Durant six jours, correspondant
aux jours de la création, Moïse attend avec inpatience la parole divine et ce
n’est qu’au septième jour que la majesté divine lui apparut. Cette fois-ci
c’était à l’homme lui-même de perfectionner le monde par la création d’un
élément nouveau inégalable par sa sainteté.
En
créant le monde, D. avait envisagé d’offrir à l’homme, par le jour sanctifié, la
possibilité de s’élever à un degré supérieur. Ce jour en lui-même aurait dû
suffire en tant que lien spirituel entre le Créateur et la création : «
C’est un symbole de moi à vous dans toutes vos générations » Pour des raisons
multiples, l’homme n’a pas su rejoindre, par cette sanctification, les sphères
supérieures, et n’a pas su faire du chabbath ce que D. en avait prévu.
Il
a fallu donc à l’homme un autre symbole permanent de la présence divine. « A
l’origine, la Chéhina résidait dans les régions inférieures. Lorsque Adam pécha,
elle monta dans le premier ciel. Quand ce fut Caïn, elle gagna le second… Les
Sodomites occasionnèrent son départ pour le sixième ciel et les Egyptiens
contemporains d’Abraham, son ascension dans le septième : Abraham la ramena au
sixième … et Moïse fut la cause de sa descente d’en haut jusqu’ici-bas sur la
terre » (Béréchit Raba, 19,7)
Moïse, qui a retrouvé le lien spirituel le plus parfait qui ait jamais existé
entre D. et sa création, n’exécute pas lui-même l’œuvre : il ne fait que
transmettre au peuple les ordres reçus. L’auteur de « Or Hahaïm » voit dans ce
verset : « les enfants d’Israël l’avaient exécuté en agissant, de tout
point, selon ce que l’Eternel avait enjoint à Moïse » un indice de la
responsabilité mutuelle des enfants d’Israël, les uns envers les autres. La Tora
ne peut être accomplie dans son intégrité que par une contribution
générale de la collectivité. Pour s’acquitter entièrement de 613 commandements,
il faut faire appel aussi bien aux prêtres et Lévites qu’aux simples citoyens et
aux femmes, car, quoique certains commandements n’aient trait qu’à telle ou
autre catégorie, la négligence dans leur accomplissement affectionne toute la
nation.
LA SIDRA
DE PEQOUDE
La
Sidra « Péqoudé » donne les précisions suivantes sur la manière de confectionner
l’Ephod, la tunique du Prêtre. (Chap. 39 V. 3) : « On aplatissait les
lingots d’or puis on y coupait les fils qu’on entremêler aux fils d’azur, à ceux
de pourpre, d’écarlate et de lin fin »
Ceux de nos maîtres qui se sont préoccupés d’interpréter la Bible de manière
symbolique, ont remarqué que dans ce verset qui concerne le culte divin à son
plus haut degré, recommandation était faite de mélanger l’or après l’avoir
concassé et aplati, à l’ensemble des fils végétaux de la tunique, autrement dit
ne pas laisser le riche s’enorgueillir et se prévaloir de sa richesse, mais de
promouvoir au contraire l’unité du peuple juif, unité sociologique en tous cas ,
pour assembler les fils d’Israël (on peut lire « Fil » ou « fiss »)
Tout le livre de l’Exode que nous terminons avec la Sidra de Péqoudé n’est
lisible, quand on songe à ses mitsvoth qui impliquent toutes d’importantes
donations, que si nous nous rappelons réellement que le destin du Juif lui donne
obligation de laminer et d’aplatir l’or, d’exiger, en premier, qu’il n’y ait
point de différences sociologiques entre les différentes couches du peuple juif,
en tout cas pour des questions de fortune, et qu’ensuite la tunique du prêtre et
l’ensemble des attaches qui lient les Juifs entre eux d’abord, puis à Dieu,
Ephod géant et spirituel, soient tissés d’or intimement tressé aux fils
végétaux, d’azur, de pourpre et d’écarlate : représentation symbolique de toute
la Communauté d’Israël, avec ses défauts et ses qualités, finement entremêlés.
En
tournant le dos aux valeurs d’une civilisation fondée exclusivement sur
l’expansion de la puissance politique et le développement de la production
technique au mépris de la liberté de l’individu, Israël prenait conscience au
pied du Sinaï que l’Eternel était celui qui » l’avait fait sortir d’Egypte, de
la maison d’esclavage » .Son Dieu était Celui qui libère de toutes les
servitudes. Ressentir Sa présence, se grouper autour du sanctuaire qui glorifie
son Nom, devient alors une nécessité vitale pour le peuple qui accepte de tenter
avec Dieu, l’expérience d’une société juste.
C’est sur cette vision d’une Nation groupée autour de Son Dieu que s’achève le
second Livre de Moïse, appelé communément « l’Exode » mais auquel la tradition
juive conserve le nom de Chémoth, « les Noms » car en lui s’unissent le
nom de Dieu et celui du peuple qui Lui est à jamais lié ; Israël.
LA SIDRA
DE VAYIKRA
« Lorsqu’un individu, transgressant par mégarde une des défenses de l’Eternel,
aura agi contrairement à l’une d’elles .Si c’est le Grand Prêtre qui a
transgressé au détriment du peuple, il offrira à l’Eternel, pour le péché qu’il
a commis, un jeune taureau. Si toute la Communauté d’Israël commet une erreur,
de sorte qu’un devoir se trouve méconnu par l’Assemblée, que celle-ci
contrevienne à quelqu’une des défenses de l’Eternel et se rende ainsi coupable.
Lorsqu’on aura connaissance du péché qu’on aura commis, l’assemblée offrira un
jeune taureau… Si un prince a péché en faisant par inadvertance, quelqu’une des
choses que l’Eternel son D. défend de faire, et se trouve ainsi en faute.
S’il vient à connaître le péché qu’il a commis, il apportera pour offrande
un bouc mâle… Si un individu d’entre le peuple pèche par inadvertance
(Lev. IV 2- 27)
On
constate d’après ce texte qu’il s’agit seulement d’une faute par
mégarde. L’auteur du Séfer Hahinoukh qui, en commentant le sens des
commandements, adopte le principe : Le cœur suit les actes. - Il voulait
rappeler un principe psychologique bien connu à savoir : Le comportement de
l’individu crée des mécanismes pour le bien comme pour le mal et
contribue à former son caractère plus que la réflexion et la connaissance-
explique ce genre d’offrande comme suit :
…
J’ai déjà dit que le fond du cœur suit les actions, et c’est pour cette
raison que l’individu, après avoir commis le péché, ne doit pas se limiter à
prononcer simplement quelques mots d’excuse, adressés au mur : « J’ai
péché et ne le fera plus » , mais accomplira un acte important à l’occasion de
sa faute en prenant des pièces de son bétail, en les amenant au temple auprès du
prêtre,et il y procédera à toutes les formalités relatives aux sacrifices
expiatoires. Cette grande cérémonie imprimera dans la mémoire du pécheur
la gravité de la faute commise et contribuera à ce qu’il l’évite à l’avenir. Il
est encore à souligner que, si l’Eternel nous a ordonné la présentation des
aliments que l’homme préfère comme la viande, le vin et le pain c’est afin que,
en les préparant, son cœur s’éveille à la repentance… d’autre part, l’analogie
biologique qui existe entre l’animal et l’homme doit rappeler à ce dernier
que le seul élément qui distingue l’un de l’autre, c’est l’intelligence afin
qu’il. Celle-ci lai faisant défaut au moment du péché, l’homme s’identifie alors
à l’animal : il lui incombe donc de sacrifier un être vivant comme lui, de
l’amener à l’endroit désigné à la spiritualité par excellence, de l’y incinérer
et d’effacer ainsi son souvenir même…. Afin qu’il (l’homme) réalise
finalement qu’un corps dépourvu d’intelligence n’a plus aucun sens et perd sa
raison d’être il se réjouira alors du sort qui lui a été réservé, de la part
d’intelligence que D. lui avait accordée et qui subsiste à jamais ; en guidant
par son conseil le corps qui lui est associé, elle le préparera à la
résurrection, c'est-à-dire à une vie où il saura éviter le péché. En gravant
cette image dans son cœur. il se gardera bien de commettre une faute, La
Torah promet au repentant d’obtenir, grâce à cet acte important , accompli dans
l’esprit d’un regret sincère, une expiation totale du péché commis par
inadvertance. Quant aux péchés intentionnels, celui qui les commet ne saurait
guère être impressionné par des images et des paroles, car pour des sots, ce
n’est que le fouet qui est de quelque efficacité.
A
ceux qui désirent savoir quelle est la faute de l’homme qui a péché par
inadvertance, du moment qu’il ne s’agit là que d’un oubli et non d’une mauvaise
intention, nous leur citerons en guise de réponse le commentaire de S.R. Hirsch
qui explique le sens du péché involontaire.
Celui qui commet une faute, dit S.R.Hirsch, par mégarde pèche par oubli,
parce qu’en ce moment il manque de circonspection et ne prend pas soin à ce que
ses actes soient conformes à la Loi, et n’est pas,selon l’expression du
prophète « timoré pour ma parole » ( Isaïe LXVI) – Le manque de respect et
de préoccupation qui se reflète dans sa façon d’appliquer les règles de la Loi à
sa vie est à la base du péché involontaire. Ceci est défini comme transgression
qui suit la faute, comme il dit (Lévitique XVI, 16) « de leurs
transgression (qui résultent) de toutes leurs fautes ».
LA SIDRA DE
TSAV
LA sidra de Tsav traite, comme
celle qui la précède, des sacrifices. Parmi toutes les lois religieuses, morales
et sociales du Judaïsme, il n’en est pas une qui ne soit l’objet d’instructions
précises et de détail minutieux comme celle du commandement des sacrifices. Le
sacrifice de ola –holocauste, occupe une place de choix c’est le seul sacrifice
qui est mentionné avec l’expression tsav – ordonne- Rachi relève cette
particularité et ajoute ; « chaque fois que le texte use du mot tsav, il fau
comprendre que l’action doit être faite avec empressement. Il nous faut
comprendre pourquoi la Torah n’exige l’empressement que pour le sacrifice de
‘Ola ,
Le sacrifice de l’holocauste
était le plus solennel. Il était dans sa totalité consacré à l’Eternel, et
devait être consumé entièrement par le feu. Aucune personne ne pouvait en tirer
aucun profit. C’était un pur hommage rendu à l’Eternel tous les jours de
l’année.
Quant aux autres sacrifices
comme le Hattath qui est un sacrifice, offert en expiation des fautes commises
par ignorance, par négligence ou par omission. Il ne faut pas perdre de vue que
dans une société qui fonctionne sur la base de la Torah, tout le monde devait
connaître la loi et toute faute par ignorance, obligeait le pécheur à réparer sa
faute. Il en est de même pour le sacrifice acham qui était offert pour un délit
qui implique une violation directe et volontaire de la loi. Il va de soi que ces
deux sacrifices il ne pouvait être question d’empressement car il est nécessaire
au préalable, de reconnaître la faute et d’accepter de faire don d’un sacrifice.
A partir du moment où une personne prend conscience de la faute il doit apporter
un sacrifice. Par contre, en ce qui concerne, le sacrifice de ‘Ola qui est
permanent, il est possible de tomber dans la routine et la négligence. C’est
pourquoi il faut être plus attentionné et plus au faîte de l’application de la
loi.
Nous pouvons constater à travers
l’analyse de Rachi toute la grandeur de la Torah. Chaque foi, on pense qu’on a
fait le tour du sujet et qu’à propos de tel et tel texte on est convaincu qu’il
n’y a plus rien à dire. Mais lorsqu’on pousse un peu l’analyse un peu plus on
trouve toujours de nouvelles significations. C’est ainsi que Nos Sages, ont
trouvé en filigrane, le remplacement des sacrifices par la prière la Synagogue,
faisant fonction de temple.
A propos de ce verset, un autre
mot a retenu toute l’attention de nos Maîtres. Voici ce verset :Donne ordre à
Aaron et à ses fils, en disant : voici la loi de l’holocauste : l’holocauste
sera sur le foyer, sur l’autel, pendant toute la nuit jusqu’ au matin et le feu
de l’autel y sera allumé » cette dernière partie du verset a été attribué par
nos Maîtres aux prêtres qui procèdent au sacrifice de l’holocauste. Nos Maîtres
ont lu ce passage comme s’il était écrit : « Le feu de l’autel brûlait dans le
cœur du Cohen » autrement dit, le Prêtre devait effectuer son rôle avec chaleur,
conviction, et concentration.
La Torah voulait nous dire de
faire particulièrement attention à une mitsva qu’on observe chaque jour. En
effet l’habitude est une seconde nature. La mitsva risque de devenir une
habitude qu’on accomplit mécaniquement.
LA SIDRA
DE CHEMINI
La
Sidra de cette semaine traite des règles de la nutrition juive : les denrées
permises et non permises. Elle est placée juste après les deux Sidroth
consacrées aux statuts des sacrifices. Cette concomitance est en elle-même
significative. La Torah a voulu insister sur le fait que la table est comparée à
l’autel. La table est le lieu de la réunion de la famille, elle remplit aussi
une fonction éducative et elle détermine la santé de l’individu. La table est
donc dans le Judaïsme le lieu où se développent l’esprit et le corps.
Il
a fallu de nombreux siècles pour que l’humanité comprenne que la santé du corps
et de l’esprit dépend de ce que l’homme consomme. Il y a déjà trois mille
ans que la Torah dans notre paracha nous met en garde contre la mauvaise
nourriture. La Torah a sérié les denrées que l’homme peut consommer et les
denrées que las animaux peuvent manger. Le non respect de cette règle
simple peut bouleverser tout le système écologique. La Torah prescrit uniquement
pour les poissons que ne sont permis à la consommation que les poissons munis
d’écailles et de nageoires. Autrement dit ce que l’on appelle par
euphémisme les fruits de la mer sont interdits à la consommation par les
humains, parce qu’ils sont réservées à la consommation par d’autres poissons ;
de manière à ce que l’équilibre écologique soit préservé. Mais cette règle de la
Torah a été transgressée. Cette transgression a généré deux inconvénients
majeurs qui ont eu pour conséquences de perturber la chaîne écologique. Le
premier inconvénient est la disparition de centaines de races de poissons qui
n’ont plus trouvé leur nourriture et le deuxième inconvénient est la propagation
de maladies pour les personnes qui consomment la nourriture réservée aux
poissons. Pour la simple raison que le métabolisme des poissons est différent de
celui des humains. Un poisson qui consomme un crabe ou une moule dispose d’un
métabolise qui neutralise totalement le cholestérol. Par contre un homme qui
consomme des moules ingurgite une quantité considérable de cholestérol que le
corps humain ne peut supporter.
Voici pourquoi la Torah met en garde souvent le Juif contre le méfait de
consommer n’importe quoi, en disant « ne souillez pas votre corps avec de
la nourriture interdite »
La
nourriture également a une influence considérable sur le psychisme humain. Ce
que la torah exprime par « ne souillez pas votre âme » De nombreux
commentateurs à l’instar de Sforno, Nahmanide et d’autres, ont insisté sur
cet aspect de l’influence de la nourriture sur la complexion de l’homme. La
Torah résume en quelques phrases très brèves tout le sens de notre Sidra en
disant :
Vous serez saints car Moi je suis saint.
LA SIDRA
DE TAZRIA
« S’il
se forme sur la peau d’un homme une tumeur…. Cet homme sera présenté à Aaron, le
Prêtre… Le prêtre examinera »
En général quand un
homme est malade, il va consulter un médecin et non un prêtre. Or dans la Sidra,
la Torah avance un certain nombre d’affections cutanées et demande que le malade
soit conduit chez le prêtre. Faut-il comprendre par là que le prêtre était à
cette époque était en même temps médecin ? Il n’y a aucune raison de le
supposer. A maintes reprises la Torah fait bien la différence entre le médecin
et le prêtre. Le rôle du prêtre dans notre sidra peut cependant se comprendre à
partir du moment où il ne s’agit pas d’une maladie organique mais d’une
affection psychosomatique. En effet, pour le Judaïsme l’être humain constitue
une entité, un tout le physique agit sur le psychisme et le psychisme sur l’état
physique. Il n’y a d’esprit saint que dans un corps sain.
C’est justement le
rôle de la Mitsva, celle-ci agit directement sur le psychisme parce qu’elle
contribue à développer la personnalité par l’estime de soi, par l’étude, la
réflexion, la ferveur, la joie de la maîtrise de soi. Toutes ces émotions
positives agissent sur le corps
La Tradition juive
nous enseigne que le premier homme rayonnait de lumière. Le midrach fait un
parallèle entre le mot OR qui signifie lumière et ‘Or qui signifie la peau. Il
va de soi que le Midrach parle de l’homme avant sa déchéance. Mais après la
faute D. le recouvrit de « peau »On peut donc considérer à juste titre
l’altération de la peau comme la conséquence de la faute du premier homme qui a
choisi la connaissance avec tout ce que ce choix comporte.
En général on
considère dans la Torah que la maladie de la peau comme la lèpre est une maladie
du mal être de l’homme générant la médisance la haine de l’autre, l’orgueil,
un narcissisme exacerbé. C’est ce que la Torah exprime par le mot « Séètt »qui
signifie enflure qui serait occasionnée par l’orgueil. L’affection dite en
hébreu « Sapa’hath » que l’on traduit par « la gale » vient de la mauvaise
fréquentation. La Tradition trouve ce rapport entre Gale et mauvaise
fréquentation dans la similitude des deux racines hébraïques.
La
peau par laquelle nous entrons en contact avec le monde extérieur grâce au
toucher est aussi l’écran sur lequel se révèle notre être profond, notre vie
intérieure. Le Prêtre qui a pour charge de nous aider à obtenir le pardon de nos
fautes par l’observance des Mitsvoth, doit non seulement nous guider pour ne pas
aller sur la mauvaise voie mais doit nous ramener si nous y sommes et nous
pousser à l’amélioration de notre être. C’est ainsi que le Cohen décide si
l’homme doit être isolé ou non. En somme, non seulement devons-nous veiller à ne
pas altérer notre peau, mais nous devons faire en sorte qu’elle redevienne
« lumière ». C’est le sens de la répétition de la loi concernant la
circoncision. Dans cette Sidra elle indique la perfectibilité de l’homme. La
circoncision se fait normalement le huitième jour, mais elle nous indique donc
l’attitude que nous devons adopter pour être en mesure d’atteindre le huitième
jour de la création, le monde messianique
LA
SIDRA DE A’HARE MOTH
Le
premier verset de la sidra semble trancher la question de savoir pourquoi les
deux enfants d’Aaron moururent.
L’Eternel parla à Moïse, après la mort des deux fils D’Aaron, lorsqu’ils
s’étaient approchés de l’Eternel et qu’ils avaient péri
D’après ce verset la cause de la mort des deux fils d’Aaron serait le fait
d’avoir eu l’audace de s’approcher de D. autrement dit ils voulaient voir D.
Mais un autre verset avance une autre raison qui a entraîné leur mort. Ce
verset est le suivant :
Les fils d’Aaron, Nadav et Avihou, prirent chacun leur encensoir ; y mirent du
feu sur lequel ils jetèrent de l’encens, et approchèrent devant l’Eternel un feu
étranger sans qu’Il le leur eût commandé
Un
autre verset dans les Nombres (3, 4) dit : Or Nadav et Abihou moururent
devant l’Eternel Lorsqu’ils approchèrent un feu étranger devant l’Eternel.
Comme on peut le constater, la Torah nous donne deux motifs différents de la
mort des fils de Aaron. Lequel de ces deux motifs faut-il prendre en
considération sachant que chaque mot, chaque répétition, n’est pas fortuite,
mais répond à une intention particulière.
Précisons que d’après le Lévitique, c’est le fait de s’approcher de D. qui est
grave, tandis que d’après celui des Nombres, la faute des fils d’Aaron consiste
dans le fait d’apporter un feu d’étranger.
Le
midrache a longuement analysé les trois versets dont deux évoquent le motif du
feu étranger et le premier verset de notre sidra qui parle lui, de fait de
s’approcher trop de D.
Rabbi Eléazar ben Azaria affirme que les fils d’Aaron moururent pour
« l’approche » et pour le « don ».Et la proximité et le don, entraînent la mort
de l’homme. Il suffit alors de penser que le véritable don est celui de l’être
et non de l’avoir, pour s’éveiller à la problématique posée par la sidra. D.
peut-il réclamer la vie de l’homme ? Répondre affirmativement à cette question
c’est fonder métaphysiquement l’inquisition et les croisades. Le « don » de soi
d’autre part est une « approche » de Dieu, très obscure et surtout équivoque. Le
but suprême du Juif doit être non pas tellement de mettre son être au service de
sa vie et sa vie au service de D. mais sa vie au service de son être et son être
au service de D. Je dois donner la vie à l’être pour qu’il serve mieux D.
LA SIDRA
DE KEDOCHIM
L’Eternel parle à Moïse en ces termes ; Parle à toute la Communauté des enfants
d’Israël et dis leur : « Soyez saints car je suis saint, moi l’Eternel votre
D. »
Dans toutes les sections du Lévitique, on ne dit jamais « parle à toute la
Communauté ». Ce n’est qu’ici que nous trouvons cette expression. Nous allons
par conséquent voir comment les commentateurs de la torah ont relevé l’absence
du mot « toute » dans les différentes péricopes du livre du Lévitique.
Rachi cite au nom du Sifré : « On nous fait comprendre que le passage en
question fut communiqué au rassemblement général, car la majeures partie des
lois essentielles de la Torah en découle »
L’idée d’un rassemblement générale demande à être éclaircie. Le Talmud nous
aidera à comprendre la méthode d’enseignement appliquée par Moïse.
« Nos maîtres relatent : comment a-t-il procédé dans son enseignement ? Moïse
détenait son savoir de D. Aaron venait et Moïse lui expliquait le passage qui
lui venait d’être communiqué, Aaron s’étant rangé à sa gauche, Moïse
transmettait l’enseignement aux fils du premier qui rentraient à leur tour.
Eliézer ayant pris place à la droite de Moïse et Itamar à la gauche d’Aaron,
rentraient les anciens, qui, après avoir pris connaissance du passage en
question, s’assayaient. C’est alors seulement que le peuple se présentait pour
s’instruire. De ce fait, il se trouve que le peuple n’avait entendu qu’une seule
fois l’enseignement divin, les anciens deux fois, les fils d’Aaron trois fois et
Aaron lui-même quatre fois » (Eroubin, 54b)
La
première constatation que nous pouvons faire est que notre Sidra ne respecte pas
ce processus. Notre section a été directement transmise à l’assemblée et non pas
par groupes, car la majeure partie des lois importantes en découle.
A
première vue cela nous parait surprenant. Ce passage ne demande-t-il pas à
l’homme sa plus haute concentration, son élévation la plus complète, afin de
ressembler au Créateur : Soyez saints ! Car je suis saint, moi l’Eternel
votre D.
Il
aurait été plus pédagogique de donner cet enseignement par groupes selon le
niveau de chacun, de mettre d’une manière adéquate, à la portée de l’individu
ses plus hautes exigences : la recherche de justice et de droiture, la
protection du faible, le respect du père et du vieillard, la charité bien
ordonnée, l’interdiction de vengeance, de rapine et de médisance :
Ne te venge ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, mais aime ton
prochain comme toi-même
En
plus, la fin de ce verset est, selon Rabbi Akiba, une loi essentielle de la
Torah, et, malgré toute l’importance de son contenu, faudrait-il s’abstenir de
la transmettre individuellement ?
Le
Rav Alchikh explique : « D. avertit l’homme de la piété et de la sainteté, de
ce qu’il doit ressembler à son Créateur. Il y combat la tendance erronée des
gens prétendant que la sainteté n’est accessible qu’à une infime minorité (un ou
deux par génération) et ne concerne pas le commun des mortels. C’est aussi une
raison pour eux de ne pas fournir l’effort nécessaire au perfectionnement et de
l’abandonner à une élite insignifiante. L’Eternel souligne donc qu’il n’est pas
d’être humain incapable d’atteindre la sainteté, s’il le désire et trouve
indispensable de les avertir tous réunis ensemble, que toute la communauté en
est capable. Et pour que l’on ne dise pas qu’il a parlé à toute l’assemblée pour
que seulement les initiés d’entre eux le comprennent, il a été précisé : Soyez
saints ! (C’est-à-dire tous).
LA SIDRA EMOR
LES SOLENNITES
Les fêtes juives sont
rappelées à trois endroits dans la Torah : Le lévitique en établit l’ordre, les
Nombres précisent leurs sacrifices et le Deutéronome, prend en considération
l’éventualité de l’année bissextile. Quant au chabbath, il occupe une place
d’honneur dans le Judaïsme est réitéré chaque fois qu’il est question des jours
fériés. « On sait que d’un côté, c’est le repos : on a voulu que chaque personne
pût consacrer la septième partie de sa vie à la joie et se reposer des fatigues
et des peines auxquelles personne, ne petit, ni grand, ne peut échapper. D’un
autre côté, on a voulu perpétuer dans les générations une grande et très
importante doctrine, celle de la nouveauté du monde » (Maïmonide : Guide, t.III,
chapitre XLIII)
La fête du printemps
qui commémore la sortie d’Egypte est nommée par le Pentateuque (à l’exception
d’un seul endroit : Ex. XXXIV, 25) fête d’Azymes, tandis que nous l’appelons
généralement Pessah. La Bible, en la désignant ainsi, a pour but de souligner le
mérite des enfants d’Israël qui, prompts à accomplir l’ordre divin, se sont
contentés du pain des pauvres. Les enfants d’Israël de leur côté, ne se
glorifient guère de leur obéissance et rappellent plutôt le miracle divin qui a
épargné leurs maisons et ne les a pas frappés de la terrible plaie (R.L.I. de
Berditchèv.)
La durée de Pessah qui
est de sept jours correspond, selon Maïmonide, aux phases de la lune et « joue
un grand rôle dans les choses physiques. C’est pourquoi il en est de même dans
les choses religieuses… » Guide, chap.XLIII).
D’autre part, nous
savons que l’on voit la cause de cette durée dans la commémoration de la
traversée de la Mer des Joncs qui a eu lieu le septième jour de Pessah.
La Pentateuque, appelée
dans le Pentateuque fête des semaines, est, selon la tradition, l’anniversaire
de la promulgation sinaïtique. « Pour glorifier et honorer ce jour, on compte
les jours à partir de la première des fêtes, jusque-là, comme quelqu’un qui
attend l’arrivée de son meilleur ami et qui compte les jours et les heures.
C’est là la raison pour laquelle on compte l’Omer à partir du jour de la sortie
d’Egypte jusqu’au jour de la révélation de la Loi, qui était le véritable but de
cette sortie : Et je vous ai amenés vers moi (Exode XIX, 4) Ce grand événement
ne dura qu’un jour, et de même on en célèbre le souvenir chaque année pendant un
jour. Mais si on en mangeait le pain azyme que pendant un jour, on ne s’en
apercevrait point, et la chose qu’il a pour objet de rappeler ne deviendrait pas
manifeste… » Guide chap. XLIII).
La fête de Roch
Hachana, jour de l’an, anniversaire de la création du monde, ouvre le cycle des
dix jours de téchouva. Le son du chofar rappelle à l’assemblée la gravité du
moment et l’incite au recueillement. Tout en gardant son caractère de jour de
retraite partielle, cette solennité est cependant destinée aussi à la
réjouissance, du fait qu’elle autorise la préparation des mets ayant pour but le
bien être matériel (Chaagath Arié)
L’idée d’expiation
s’attache surtout au jour de Kippour. « C’est le jour où le prince des
prophètes apporta au Sinaï les secondes tables aux enfants d’Israël et leur
annonça le pardon de leurs fautes…
C’est pourquoi on doit
s’abstenir, en ce jour, de toute jouissance corporelle et de toute occupation,
relative à des intérêts matériels… On doit se borner (ce jour-là) aux
confessions, c’est-à-dire à confesser ses péchés et à s’en repentir. » (Guide
I.c)
La fête de Souccoth
(Cabanes) consacrée à la gaîté célèbre à la fois la récolte et le séjour des
enfants d’Israël dans le désert.
Maïmonide voit aussi bien
dans la fête de Pâque, que dans celle de Souccoth, une pensée morale analogue,
« c’est que l’homme, dans le bien être, doit se rappeler les jours de détresse,
afin d’en manifester à D. toute sa reconnaissance et d’y puiser des leçons de
soumission et d’humilité. Nous devons donc manger pendant la fête de Pâque, des
pains azymes et des herbes amères, afin de nous rappeler ce qui nous est arrivé.
Et de même nous devons quitter les maisons et demeurer dans des cabanes, comme
font les malheureux habitants des campagnes et des déserts, afin de nous
rappeler que telle fut jadis notre situation : car j’ai fait demeurer les
enfants d’Israël dans des cabanes. (Lévitique, XXIII, 43) (Guide des Egarés)
Quant aux quatre
espèces de plantes employées pour honorer la fête, nos sages en donnent
plusieurs interprétations allégoriques
. Maïmonide leur trouve
trois particularités : 1) Elles étaient très fréquentes dans le pays d’Israël,
donc facile à trouver ; 2) d’un bel aspect, dont deux (le cédrat et le myrte)
d’une excellente odeur et 3) avaient, en plus, l’vantage de conserver leur
fraîcheur pendant une semaine, qualité que n’ont point plusieurs autres fruits
et plantes.( Guide des Egarés, I.c)
LA SIDRA DE
BEHAR
Cette Sidra développe deux
sujets principaux : l’année de Jachère ( Chémita) et le Jubilé ( Yovel).
Durant l’année de jachère, la
terre n’est pas cultivée aucune plantation n’est pratiquée, on ne sème pas etc.
L’année du Yovel la terre retrouve ses véritables propriétaires et les esclaves
sont libérés.
Comment peut-on expliquer
rationnellement ces deux prescriptions ? D’autant plus que la Torah nous dit :
« quel peuple sur la terre possède des Lois aussi justes ? »
Le plus de ces prescription
est de diminuer autant que faire se peut m’instinct de possession qui est
structurel à l’homme. Celui-ci doit savoir que la terre et les biens que Dieu
lui donne ne sont que des dépôts et non une propriété. L’attachement de l’homme
aux objets et aux biens de ce monde est tel que toute la vie est orientée vers
la course à la possession. Cette course se fait au détriment du temps. La
conséquence de cette course à la possession et à la domination est génératrice
du mal être et de la prise de conscience que la vie n’a pas été vécue. Un homme
ne doit pas consacrer sa vie uniquement à posséder et à occulter mais à réserver
un temps pour étudier se ressourcer et oublier la course à la possession. L’Hachèm
haaréts oumloah. Toute la terre et ce qu’elle contient appartient à D.
C’est pourquoi nos Sages
disent à cause de la transgression de l’année de chémita, nous avons été exilés
et dispersée parmi les nations (Talmud Chabbath 33a)
L’année de chémita est aussi
appelée Chabbath et nos Sages disent : « De même qu’il est dit que le chabbath
appartient à D. il en est de même pour l’année de Chémita » L’observance du
chabbath est un témoignage que D. a crée ce monde. La chémita est aussi le
témoignage que toute la terre appartient à D.
En ce qui concerne l’année du
Jubilé nos Sages disent que tout ce qui est interdit pour l’année de Chémita
l’est aussi l’année du Yovel. Tout ce qui est permis l’année de jachère est
permis pour l’année du Yovel.
L’année de Jachère et du
Jubilé sous-tendent toute la vie économique de la Torah ; La terre ne peut
jamais être vendue pour l’éternité. Véhaarets lo timakher litsmitout. Si
un homme pour des raisons indépendants de sa volonté, comme la maladie,
l’appauvrissement, la guerre, venait à se dessaisir de sa terre, celle-ci
retourne à son propriétaire à l’année de jachère. La torah ne voulait pas que
s’instaure dans le pays une disparité sociale injuste et créatrice de pauvreté.
L’année de chémita était
consacrée à l’étude, au retrouvaille avec la réalité de la vie, à l’éducation
des enfants, à la vie en famille, bref à tout ce qui fait que le temps de fixe
dans la mémoire et dans l’action de chaque instant. Comme on peut le constater
la Torah est une doctrine qui englobe toutes les disciplines de la connaissance
et de la vie. Elle est une véritable civilisation et une doctrine de vie.
LA SIDRA
DE BAMIDBAR
LE DENOMBREMENT
Le
quatrième Livre de Moïse s’appelle le « Livre des Nombres » à cause du grand
dénombrement par lequel il commence, dénombrement que Möise et Aaron
organisèrent parmi toutes les tribus, sur l’ordre de D. Encore que ce
recensement ne soit ni le seul, ni le premier : les enfants d’Israël avaient été
recensés lorsqu’ils sont sortis d’Egypte ; D. Les a comptés lorsqu’ils sont
tombés dans le péché du veau d’or, et il les compte encore au moment de
l’érection du Tabernacle. Et nos Sages de préciser ( Rachi, Nomb. I,I) que s D.
compte les enfants d’Israël à tout moment, c’est à cause de la grandeur de Son
amour pour eux.
Les
chiffres sont éloquents ; 7O personnes étaient entrées en Egypte et voilà que
le peuple d’Israël compte 603 .500 hommes en âge de porter les armes (la
précision de ce nombre lui confère son cachet d’authenticité …)
Mais la Torah ne se contente pas de nous donner ce chiffre qui est le résultat
de l’enquête menée par Moïse et Aaron ; avant de consigner le total des
effectifs, elle nous livre de façon très détaillée le nombre exact d’hommes que
comptait chaque tribu ; et les Lévites ne sont pas compris dans ce recensement
général. C’est donc que le dénombrement n’avait pas pour seul but de permettre
le tracé d’une courbe démographique ou d’évaluer le nombre de soldats dont
pouvait disposer l’armée d’Israël au moment du combat contre les Amoréens. Et
si la Torah, divine et éternelle, donne par le détail les rapports de l’enquête
menée dans le désert, c’est pour qu’on en tire des enseignements qui puissent
être valables dans toutes les générations.
Ainsi, par exemple, doit-on constater que l’appel nominal dont chaque homme est
l’objet prouve que tous sont égaux en dignité et en importance. Chacun a un rôle
à jouer et chacun a une responsabilité à assumer ; si les Lévites ne servaient
pas dans l’armée, c’est qu’une tâche spéciale leur avait été assignée. Chaque
Juif a une mission particulière à réaliser, qui dépend de sa personnalité
propre, de ses moyens et de son milieu. Mais la mission collective d’Israël ne
pourra se réaliser que lorsque toutes ces vocations partielles seront assumées.
L’union des forces individuelles au service d’un idéal unique- celui de la
Torah- donnerait à Israël la force d’un peuple innombrable qui, (selon
l’expression du premier verset de la Haftara Osée 2,1) « ne peut se compter ni
se mesurer. »
A
propos du verset : » Et voici les descendants de Aaron et de Moïse »Rachi
explique que bien que les versets suivants ne mentionnent que les fils d’Aaron,
ceux-ci sont nommés descendants de Moïse car celui-ci leur a enseigné la Torah,
afin de nous apprendre que quiconque enseigne la Torah à un autre est considéré
comme s’il l’a engendré. A partir de cet enseignement nous sommes entrain de
définir la relation maître-élève dans la Torah comme n’étant pas la même que
dans les autres domaines de la connaissance. Dans ces dernières, la relation se
limite à un enseignement pur, voire ex cathedra, sans élément affectif ou
sentimental : plus encore, si un tel élément s’attache à l’enseignement,
celui-ci perd son poids et de sa valeur tandis que dans l’enseignement de la
Torah, qui est un enseignement de vie, aux incidences intellectuelles
spirituelles, autant physiques que, matérielles, le manque d’un tel élément
affectif le faussera entièrement. La relation maître-élève ne peut être que de
l’ordre de celle père et fils, avec sa dose d’amour et d’inquiétudes pour
l’avenir du fils qui l’accompagne. Si le Rav n’est pas un père pour ses élèves,
il n’est pas Rav. De même si l’élève ne se considère pas comme un fils de son
rav, il n’est pas réellement un disciple.
Dans l’histoire du peuple juif, nous trouvons, entre autres, un homme qui
considèrerait son maître comme un père, et son élève le considérait comme un
fils : c’est le prophète Elicha. Quand son maître, le prophète Eliyahou,
disparut à ses yeux, Elicha s’écria : « Mon père, mon père … » (Rois II,2,12)
Et il se rendit jusqu’à Damas , un très long déplacement à l’époque, pour
tenter de ramener dans le droit chemin son élève Gué’hazi, qui s’en était
éloigné.( Sanhédrin 107b) Ayant été un véritable élève- considérant son maître
comme son père- il devint un véritable maître- inquiet de l’avenir de son élève
comme si c’était son propre fils.
LA SIDRA DE NASSO- CHAVOUOTH
Chavouoth, qui unit plus
intimement que les autres solennités du calendrier hébraïque, les éléments
essentiels de la vie humaine : la matière et l’esprit, est attendue d’année en
année avec la même impatience. Depuis Pessah on compte, dans le recueillement,
les jours pour fêter la promulgation de la Torah, événement qui fait d’un
simple groupe d’agriculteurs une nation éternelle.
C’est cette Torah qui nous permet d’adopter une règle de vie différente de tout
ce qui a été connu auparavant, de prendre conscience de notre vie spirituelle et
par elle de notre Créateur, dans un sens à la fois intellectuelle et morale.
Elle ne soustrait cependant pas l’homme à ses occupations matérielles ; au
contraire, elle l’exhorte et l’encourage à en tenir compte, tout en gardant la
notion de la suprématie des valeurs spirituelles.
Tout programme d’éducation juive doit tenir compte de l’harmonie établie par la
Bible dans la hiérarchie du spirituel et du matériel. Il faut procéder à la
recherche de cette harmonie en mettant l’accent sur la vérité révélée qui,
malgré son caractère transcendant, tient compte du réel et de la vie
quotidienne.
Dans la sidra de NASSO il est question de naziréat. Le Judaïsme ne prône pas une
vie ascétique. Cependant c’est à l’individu lui-même, s’il est bien équilibré de
juger s’il lui est nécessaire d’avoir recours à cette mesure ascétique
exceptionnelle pour atteindre l’épanouissement de sa personnalité. Le sujet
concernant le naziréat a divisé nos Maîtres. Certains estiment que cette mesure
est efficace pour s’affranchir des désirs de ce monde et d’autres, par contre, y
voient un dérivatif inutile ou même nuisible à l’harmonie entre la matière et
l’esprit.
Ce
qui est certain pour tous, c’est qu’il faut réserver la suprématie aux préceptes
de la Torah dont découle toute notre sagesse de vie, et en premier lieu c’est
aux chefs d’en tenir compte.
Cependant il arrive bien souvent, malheureusement, que les enfants issus de
familles conformant leur conduite selon les règles de la Torah, que les enfants
ne suivent pas la voie de leurs pères. La réponse de Maïmonide nous parait la
plus pertinente à cette question. Bien des gens très sages et observants dit-il,
ne savent pas défendre l’honneur de la Torah et s’humilient devant des valeurs –
que ce soit dans le domaine intellectuel ou matériel-. Leur rayonnement se
trouve de ce fait annihilé et provoque chez leurs descendants une indifférence
voire une opposition au patrimoine.
Sous l’influence des civilisations modernes, Israël se laisse souvent entraîner
dans les aberrations du faux intellectualisme ou du matérialisme erroné et perd
ainsi la continuité de sa ligne historique.
LA
SIDRA DE BEAALOTEKHA
Notre Sidra vient juste après
la cérémonie des sacrifices apportés par les chefs des tribus. Le Midrach, à ce
propos, dit que lorsque Le grand prêtre Aaron a vu qu’il n’avait pris aucune
part dans cette cérémonie, il fut profondément troublé. Alors l’Eternel lui
dit : « Sur ta vie, ta part à toi est plus grande que la leur car c’est toi qui
allume et veille sur la Ménorah. »
En
quoi le fait d’allumer la Ménorah, est-il plus grand que les sacrifices offerts
par les chefs des tribus ? Le Midrach Rabba répond en disant ; « Les sacrifices
dépendent de l’existence du Temple sans ce dernier il n’y a pas de sacrifices
alors que l’allumage des bougies est permanent. » Cette réponse du Midrach
pose problème car si le Temple n’existe plus les sacrifices certes sont
supprimés mais dans ce cas la Ménorah aussi n’existera plus !
Nahmanide répond : « En parlant ainsi à Aaron il voulait lui signifier qu’un
jour viendra ses descendants- les Hasmonééns- seront témoins d’un miracle à
Hanoucca, qui est la deuxième inauguration du Temple et allumeront la Ménorah
durant huit jours. Cette mitsva restera pour toutes les générations et ne
disparaîtra jamais. Le Midrach en disant que l’allumage de la Ménorah sera
pérenne faisait allusion à la deuxième inauguration du Temple par les
descendants du Grand prêtre Aaron »
Les
sacrifices des princes avaient pour motif l’expiation des fautes commises par
chaque tribu. Or Aaron après l’épisode du veau d’or a été très culpabilisé et
estimait qu’il n’était pas digne d’offrir lui aussi, à l’instar des Princes, un
sacrifice. C’est pourquoi D. lui inspira l’allumage de la Ménorah. Dont la
lumière du côté ouest était allumée en permanence par un véritable miracle bien
qu’i ne recevait pas plus d’huile que les autres lumières. Cette lumière était
le témoin de la présence de la Providence sur Israël. (Traité Chabbath 22) Ce
qui fit comprendre à Aaron et à Israël que leurs fautes passées ont été
pardonnées.
VEYAASS KENN AHARONE Aaron fit ainsi. (Nombres VIII, 3)
A
propos de la lumière, lors de la Création pour tout chose créé la Torah dit : « Vayhi
khènn » qu’on peut traduire par il en fut ainsi mais D. a créé la lumière
le texte dit : « Vayhi or » -La lumière fut - . Nos Sages explique que
la lumière originelle fut dissimulée parce que l’univers n’étant pas méritant et
à sa place vint une autre lumière plus petite et différente de la première. Mais
grâce à Aaron qui, en allumant la ménorah il a réparé la Création en lui
restituant la lumière originelle, d’où la formulation du verset Vayaass kenn-
il fit ainsi- que nous retrouvons à propos de tout ce qui a été créé.
La
nature humaine est ainsi faite : lorsqu’un homme est appelé à une haute fonction
d’un très grand prestige il finit par croire que c’est son mérite personnel qui
lui vaut cette distinction, et s’ensuit une conduite d’orgueil et de domination.
C’est la leçon que nous donne ce texte de notre Sidra, Aaron a pris la nature de
la Ménorah, c’est le sens de Vayaass kenn. La Ménorah n’est pas
consciente de son prestige, il en de même pour Aaron, en accédant à une
fonction la plus haute du service divin il est resté le même c'est-à-dire
kenn. Sa personnalité n’a en rien varié.
LA
SIDRA CHELAH LEKHA
Le
désir légitime du père des prophètes, tendant à ce que tous les membres de la
communauté d’Israël voient de leurs propres yeux le pays ancestral, ne s’est
pas réalisé. A l’heure où cet espoir semblait devenir réalité, les forces
destructrices de la masse prirent le dessus sur la confiance et le bon sens.
Les
explorateurs surent gagner le peuple en mêlant à leur rapport tendancieux des
témoignages véridiques. Le pays – disaient-ils- est très fertile, mais malsain,
meurtrier, et ses habitants sont puissants : « Nous y avons vu les descendants
d’Enokh, cette race de géants et nous étions, à nos propres yeux, comme des
sauterelles »
Cette vielle appréciation n’est pas périmée. Nous trouvant parmi des peuples
innombrables, nous avons pris l’habitude d’exagérer ce que nous voyons ailleurs
et ne faisons ainsi minimiser ce qui nous appartient. Nous voyons partout des
géants qui nous empêchent d’acquérir cette force qui fait la grandeur d’Israël.
Il se trouve à chaque époque des détracteurs qui savent utiliser la crédulité de
la masse en insistant sur tous les dangers qui pourraient la menacer dans le
pays promis. Ils oublient ou ils veulent oublier les souffrances réelles
endurées dans la dispersion, les humiliations quotidiennes dont ils sont
l’objet, les périls permanents auxquels ils sont exposés et ils regardent avec
dédain tous nos idéaux. En admiration devant la richesse et la puissance
matérielles, ils négligent les trésors immortels de notre patrimoine qui ne
peuvent être sauvegardée uniquement que dans notre pays.
Où
sont à l’heure actuelle les Caleb et les Josué d’alors, qui malgré les menaces
de lapidation n’hésiteraient pas à tenir tête à une masse en émeute ? Ceux qui,
sans dissimuler les obstacles pouvant surgir sur le chemin du retour, auraient
cependant une confiance absolue en D. en sa promesse dont dépend la réussite.
La
génération de révoltés du désert n’a pas pu obtenir l’ultime pardon parce
qu’elle n’a pas su retrouver sa foi, condition même de la paix intérieure. Elle
a voulu réparer le mal sans toutefois avoir recouvré l’esprit de confiance qui
seul pouvait la sauver. Elle va au combat malgré les avertissements de Moïse,
elle passe outre l’ordre divin. Elle ne réalise pas qu’Israël restera dans le
désert, endurera toutes sortes d’épreuves, subira les défaites infligées par
Amalec, aussi longtemps que la colonne de feu du Judaïsme n’éclairera pas sa
route et n’animera pas par sa vie.
La
mort de cette génération fut une mort stérile et pour cela si décourageante.
Elle sentait que sa vie manquait de but et que sa fin ne servirait à personne.
LA SIDRA DE
QORAH
En
comparant la catastrophe des partisans de Qorah aux châtiments qui ont frappé
les autres révoltés du désert, nous sommes surpris par son étendue.
Pour
comprendre cette différence, il faut prendre en considération le caractère très
spécial du soulèvement en question. Il ne s’agit pas là, comme pendant les
révoltes précédentes ( Veau d’or, Tab’éra, les explorateurs) d’un mouvement
incontrôlable de la masse, accusant Moïse de certains erreurs, mais d’une
opposition organisée de l’élite, contestant l’authenticité de la mission de
Moïse. « C’en est trop de votre part !... pourquoi vous érigez-vous en chef de
l’assemblée de D. ? » Dathan et Abiram l’accusent même d’abus de confiance : «
Certes, ce n’est pas dans un pays abondant en lait et en miel que tu nous a
conduits ; … Crèveras-tu les yeux à ces hommes ? »
Qorah
et ses partisans essaient par tous les moyens d’attirer le peuple vers eux. Leur
tâche se trouve facilitée par le mécontentement de certains Lévites, prétendant
à la prêtrise à la place d’Aaron, et par hostilité de la tribu de Ruben guettant
une occasion pour faire valoir leur droit d’aînesse. Quant à la masse, vivant
dans des conditions précaires, elle prête facilement l’oreille aux arguments
démagogiques de Korah, évoquant en long et en large les inconvénients de la
nouvelle législation qui, selon lui devait favoriser les abus des prêtres (
Midrach Téhilim chap. I)
Un
autre Midrach cite le cas des deux cent cinquante hommes habillés entièrement de
laine bleue azur se présentant devant Moïse, tandis que Qorah lui posait la,
question si ces vêtements devaient être munis de tsitsits ?. A la réponse
affirmative du maître, il s’exclame : comment un habit ordinaire devient sacré
grâce à quatre fils de ce tissu, et un vêtement entièrement bleu azur ne serait
pas conforme aux prescriptions ! Et il pose encore une question : une maison
entièrement remplie de rouleaux de la Torah a-t-elle besoin d’une mezouza ? Et
lorsque Moïse répond que la porte de cette maison n’est pas dispensée d’une
mézouza, Qorah réplique : Comment, la présence de toute la Torah est-elle moins
importante que ces quelques versets ? (Midrach Tanhouma)
Ces
questions et ces réponses relatées par le Midrach ont pour but d’illustrer les
procédés déloyaux dont Qorah s’était servis pour démontrer l’importance de la
communauté d’Israël (en premier lieu de son groupe représenté par les deux cent
cinquante membres) et pour prouver que la direction spirituelle de Moïse était
superflue.
Après
la leçon infligée à Aaron et à Myriam, où D. lui-même s’est chargé de faire
valoir le degré supérieur de l’inspiration de Moïse, Qorah niant sa valeur
prophétique conteste de même la parole divine. C’est aussi la raison pour
laquelle cette insurrection marque plus que toute autre l’histoire du séjour
dans le désert et laisse pendant des siècles le souvenir d’un châtiment
exceptionnel. Engloutis par la terre à cause de leur résistance à la flamme
sacrée, les révoltés y furent voués à perpétuité au feu dévorant de l’enfer.
Un
Arabe avait montré à un Rabbi l’endroit où Qorah fut englouti : « Je vis alors,
dit le Rabbi, deux crevasses creusées dans le sol ; il en sortait de la fumée.
Il (L’Arabe) prit une boule de laine, la trempa dans l’eau, puis la fixa à
l’extrémité de sa lance qu’il enfonça dans l’excavation ; quand il la retira,
la laine était entièrement grillée » (Baba Batra 74 a)
Zott houqath hatorah
« Ceci est un décret de la Torah » ; Il s’agit
dans ces premiers mots de la sidra , de préciser que le commandement de
sacrifier une vache rousse et d’utiliser ses cendres dans le processus de
purification est un « Hoq » c’est à dire une loi non accompagnée d’explication
rationnelle, comme toutes celles touchant en particulier aux questions de
pureté- par opposition – à d’autres , qui se laissent assortir
d’éclaircissements.
L’inactualité de ces commandements ne les rejette
pas dans un passé définitivement révolu, au temps où le Temple existait. Ces
lois de pureté et d’impureté constituent au contraire le fondement-même du
Judaïsme. Leur caractère irrationnel, loin d’en diminuer la valeur, en fait un
but vers lequel on tend, un idéal d’où se rapprocher. La disparition du Temple
qui les met en veilleuse doit créer en nous un désir accru de réalisation.
Au siècle dernier, la tendance était à
rationaliser. Les commandements de D. devaient, pour avoir quelque valeur, se
trouver en accord avec la science. On admirait les lois alimentaires parce qu’on
les réduisait à des lois d’hygiène découvertes tant de siècles avant la
microbiologie et la toxicologie (et puisque la science nous donnent d’autres
moyens de préserver notre santé, elles devenaient caduques et n’avaient d’autres
places qu’au côté des glorieux monuments des civilisations passées) les autres
commandements n’avaient d’autre valeur qu’archéologique.
Une autre tendance, opposée et fort ancienne (on
la trouve très répandue au Moyen Ages et déjà en honneur au début de l’ère
chrétienne) ne voyait dans les récits bibliques que symboles. Les conséquences
de cette tendance étaient, par d’autres voies, les mêmes que celles de la
tendance rationalisante; le caractère éthéré de la Torah, dont on ne gardait que
l’esprit rendait inutile la pratique des mitsvoth : la lettre ne devait pas
contraindre l’esprit.
L’une et l’autre tendance ont un défaut commun :
elles oublient le caractère fondamental de la Torah, qui est d’être avant tout
« ‘hoq » décret divin ; elles oublient, l’une que les explications que nous
donnons ne peuvent rendre compte que d’un aspect- et sans doute le plus infime
de la Loi, notre intelligence étant sans commune mesure avec celle de D.
L’autre que, Loi, enseignement, la Torah a été
donnée pour être pratiquée, vécue ; l’étude ne peut avoir d’autre but ni d’autre
couronnement que l’action. « Naassé Vénichma » avaient dit nos ancêtres, « nous
agirons et nous écouterons » donnant ainsi la primauté à l’action et la
faisant suivre de l’étude qui doit à nouveau mener à l’action, faute de quoi
l’étude devient vaine si elle ,
N’a d’objet qu’elle-même.
Entre les deux Judaïsmes marginaux – à tendance
rationaliste et à tendance symboliste- se tient le vrai Judaïsme. Au moteur de
la seule intelligence humaine et à celui de la seule affectivité, le judaïsme
oppose l(homme entier au sentiment d’admiration pour la création et au
dilettantisme, il subsiste la crainte et l’amour de D. intimement mêlés, et la
Torah qui émane de Lui nous est présentée comme le meilleur guide pour nous
conduire dans cette voie jusqu’à Lui.
LA SIDRA DE
BALAK
La
Torah qui nous révèle point par point la volonté divine relative à notre
conduite et au progrès humain en général, ne s’étend pas souvent sur l’essence
même du spirituel. De temps en temps, cependant, elle formule des notions
métaphysiques très profondes sous la forme de fines allusions traitant de la
réaction de D. à l’attitude de l’homme.
L »histoire de Bil’am définit le caractère du libre arbitre par rapport à la
pression divine.
S’il était guidé par un sens sûr de justice, Bil’am, renseigné sur la destinée
d’Israël, aurait dû, sans poser de questions, sans tenter la Providence, rejeter
la proposition de Balak.
Dans son indulgence pour la faiblesse humaine, D. lui accorde son conseil,
notamment de ne pas suivre les délégués du roi moabite. Mais Bil’am ne se
contente pas de cette première réponse pourtant explicite et espère au font de
son cœur pouvoir encore changer le décret divin relatif à l’avenir d’Israël. En
lui octroyant le droit de se rendre auprès de Balak, D. le met à l’épreuve et
l’avertit par la suite du danger auquel il allait s’exposer.
Une
autorisation analogue fut accordée au peuple d’Israël quant à l’envoi des
explorateurs.
D.
décide du sort de l’individu, mais une réserve est faite en ce qui concerne le
caractère moral de ses actes. Se basant sur l’enseignement qui découle de
différents textes bibliques, nos sages ont dit : « Toute chose est prévue (Par
D ?), mais la liberté du choix nous est accordée. » (Avoth 3,19). D. Néanmoins
intervient pour que, une fois le choix fait par l’homme, la possibilité lui soit
assurée de préserver dans la direction qu’il a prise. « L’homme est guidé par la
voie dans laquelle il veut marcher » ( Mak. 10b)
Bil’am suit le chemin qu’il avait choisi, mais comme il jouit, malgré son
imperfection morale, de l’inspiration divine, il lui était impossible de réussir
de ses dons spéciaux. Sa prophétie est donc véridique, mais sa façon d’agir et
surtout les conseils qu’il avait prodigués à Balak sont opposés à la volonté
divine. L’impulsion mauvaise ne cesse de le tenter et en succombant, c’est lui
seule qui en porte la responsabilité, puisqu’il n’y pouvait être question
d’inadvertance.
Bil’am était certes doué par la nature, mais il n’était pas « formé par une
éducation propice, ni grandi par la vertu » et cela explique ses visées à
« extirper sans cause une nation entière ». Tandis que les prophètes d’Israël
pleuraient le sort de peuples ennemis, ce prophète non Juif mit son pouvoir au
service de la destruction. « Voilà pourquoi le récit concernant Bil’am a été
inséré dans les Ecritures ; cela nous enseigne pourquoi le Saint Béni soit-Il
éloigna des peuples païens l’esprit saint, puisque ce Bil’am s’élevait de leur
sein et que D. vit ce qu’il avait fait » ( Nombres Raba 20,1)
LA SIDRA DE
PIN'HAS
Les
premiers versets de cette Sidra sont engagée dans un lien étroit avec les
derniers versets de la Sidra précédente : les uns comme les autres parlent de
Pin’has, fils d’Eléazar, petit fils d’Aaron.
Ce
texte intrigue certaines personnes qui se demandent quel était le fondement de
l’acte de Pin’has. Avait-il le droit d’agir comme il l’a fait ? Dans
l’affirmative, n’a-t-il pas excédé les limites de ce droit ? N’a-t-il pas commis
un meurtre ? Voir un assassinat ? Et même s’il entendait faire acte de justice
quelle était son habilitation ? N’a-t-il pas méconnu des compétences, violé des
règles de procédure et, de toute manière, porté atteinte au sage principe de la
neutralité ? Autrement dit : de quoi s’est-il mêlé ? Il n’avait qu’à laisser
faire…
R.
Baroukh Epstein, dans son commentaire sur le Pentateuque « Torah Témima »
explique ainsi le problème que posait l’acte de Pin’has :
Un acte de ce genre ne peut se justifier que s’il est inspiré par un zèle
authentique pour la cause de D. Or comment s’assurer de la pureté absolue des
mobiles d’un acte qui risque d’avoir entraîné la mort d’un homme contrairement
à la justice ? On comprend ainsi pourquoi les Sages voulurent excommunier
Pin’has : ils ne renoncèrent à leur projet que lorsque l’Esprit saint eut
témoigné que ce dernier, en agissant, n’avait eu en vue que la défense de la
cause de D.
Les
réflexions négatives quant à l’acte de Pin’has peuvent surgir si l’on isole
l’acte du contexte où il s’est inscrit. Par contre, si l’on considère les faits
globalement, comme ils se sont produits, c’est une toute autre question qui se
pose d’abord : que serait-il advenu si Pin’has n’était pas intervenu à temps ?
La
réponse divine ne laisse aucun doute à cet égard : sans Pin’has le châtiment eut
été appliqué au peuple entier C’eût été la rupture de l’alliance que D. a passée
avec les hommes.
Ainsi en « ouvrant les hostilités », en brandissant sa lance contre un criminel
et sa complice, Pin’has a levé l’hypothèque de la culpabilité générale et a
courageusement assumé lui-même le reproche d’une culpabilité individuelle. C’est
dans ce transfert risqué et héroïque que réside la haute valeur morale du geste
de Pin’has. C’est ici qu’il faut chercher le secret de l’acte de vérité et de
justice aussi bien que de la légitime défense.
Il
est, en effet, des cas où la défense, la vérité et la justice qui sont les buts
de l’œuvre du soldat et du magistrat, ne peuvent se manifester qu’à la condition
que soit accepté un risque. Loin d’être « condamnés » de tels cas doivent être
cités en exemple. Qui, lisant notre Sidra, ne penserait à Israël ? En brisant le
cercle du mal, comme Pin’has, Israël permet à l’humanité de garder foi dans
l’éthique, et, par conséquent, de survivre.
LA SIDRA DE MATOTH –MASS’E
LES VILLES REFUGES
Les
Lévites, qui n’avaient pas reçu de biens-fonds à l’égal des autres tribus,
auront cependant leurs villes d’habitation, dont certaines serviront de lieu de
refuges au meurtrier involontaire. Il y trouvera asile jusqu’au moment où sa
sécurité l’exigera. L’homicide involontaire restait dans la ville de refuge
jusqu’à la mort du grand prêtre (Nombres XXXV, 25) Si le grand prêtre meurt
après le prononcé de jugement, l’accusé n’est pas banni. S’il meurt auparavant
et si un nouveau grand prêtre entre en fonction encore avant le prononcé du
jugement, le banni ne reviendra (de la ville de refuge) qu’à la mort de ce
dernier. Si le jugement est prononcé en un moment où il n’y a pas de grand
prêtre, ou si le meurtrier involontaire n’était autre que le grand prêtre
lui-même , ou si le grand prêtre avait été la victime, l’accusé ne quittera
jamais la cité de refuge » (Makkoth 21)
En ce qui concerne le caractère légal de ces villes, il faut y voir avant
tout un lieu de sauvegarde pour le coupable. On lui reconnaît le droit de se
placer, avant toute instruction judiciaire, sous la protection du Lévite. Il est
évident que cette sauvegarde ne peut devenir définitive qu’après la sentence
d’absolution. Nos Sages font donc une distinction nette quant au but de ces
villes d’avant et d’après le jugement. Une fois la sentence rendue publique, la
résidence de refuge devenait moins une protection pour l’homicide qu’une mesure
pénale. Elle n’est infligée que pour un délit par imprudence, tandis que là où
nulle culpabilité n’existait, la détention n’était pas nécessaire.
L’auteur du Séfer Ha’hinoukh voit dans le choix des villes de refuges dans les
possessions lévitiques, une haute sagesse. Le Lévite serviteur de D. était plus
adéquat que tout autre à la rééducation du coupable, car même par un délit
involontaire il s’est rendu répréhensible. Le Lévite saura aussi mieux pardonner
quand il se trouvera lui-même goêl-hadam. (Vengeur).
Quant aux divers motifs que l’on cite concernant le rapport qui existait entre
la mort du grand prêtre et le retour du détenu dans son lieu d’origine nous ne
citerons que quelques uns. Rachi, d’après le Talmud dit : Celui qui a abrégé une
vie humaine doit être éloigné de la présence du pontifes, qui a mission de la
prolonger par les sacrifices et la prière. Il cite aussi une opinion opposée qui
rend le grand prêtre responsable du méfait, car s’il avait du mérite, un tel
événement ne serait pas arrivé durant son sacerdoce. Il n’est donc pas étonnant
que le méfait entraîne le coupable à attendre la mort du grand prêtre qui sera
pour lui le signal de rapatriement. Ibn Ezra considère la mort du grand prêtre
comme un genre expiatoire qui doit venger, même aux yeux du vengeur, le sang de
la victime. Maïmonide et Abravanel voient dans cette mort une calamité publique,
dont l’effet doit être assez grand pour faire taire tout désir de
vengeance. « Si celui qui commet le meurtre involontaire est condamné à l’exil,
c’est afin de calmer l’esprit du vengeur du sang, en dérobant à sa vue celui par
qui le malheur est arrivé. Son retour de l’exil dépend de la mort de l’homme
qui est le plus grand et le plus aimé en Israël, événement qui doit calmer
l’infortuné dont le parent a été tué. Car il est dans la nature humaine que
celui qui a été frappé d’un malheur trouve une consolation dans un malheur
semblable, ou plus grand, dont un autre a été frappé, et, parmi les cas de mort
qui peuvent nous survenir, aucun n’est une calamité plus grande que la mort du
grand prêtre » Maïmonide Guide des Egarés III, XL)
L’avis de Sforno diffère sensiblement de ceux que nous venions de citer. L’exil
a lieu dit-il, pour l’homicide par imprudence. Comme le degré de l’imprudence
peut être variable et difficile à déterminer, un juge humain ne saura guère
délimiter la part du hasard, de la force majeure ou de la volonté. Mais cette
part, D. sait bien la faire. Il a donc fixé à l’exil une limite variable, qu’Il
avancera ou reculera selon le degré d’innocence de l’exilé.
LA
SIDRA DE CHOFTIM
« Tu
institueras des juges et des magistrats dans toutes les villes que l’Eternel ton
D. te donnera, dans chacune de tes tribus ; et ils devront juger le peuple selon
la justice.
Notre sidra est placée après celle qui a traité des solennités de l’année.
Comment expliquer cette concomitance ? D’autant plus que dans la sidra
précédente la mitsva de la tsédaqa est mentionnée. En effet nous avons appris
de la sidra précédente qu’il fallait « se réjouir avec le guer, l’orphelin et la
veuve. Chaque fois que la Torah évoque le problème de tsédaqa elle lui associe
le terme « michpath » - la justice. C’est ainsi qu’à propos d’Abraham Dieu dit
« Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison
après lui d’observer la voie de l’Eternel, en pratiquant la tsédaqa et la
justice. (Gen. 18,19) on peut lire dans les psaumes « la justice et la
tsédaqa tu as institué dans Jacob » (Ps. 99,4) Pourquoi donc dans notre sidra on
revient encore une fois sur michpath tsédéq ?
Si
la justice est toujours mentionnée à côté de la tsédaqa c’est parce que là où on
constate l’absence de justice il y’a la présomption que la richesse n’a pas été
acquise honnêtement. La richesse ne peut être acquise quand il y a absence de
justice que dans le cas où la misère s’installe. La pauvreté est parfois une
conséquence de l’absence de justice. Il est donc indispensable que dans la
société juive la justice et la tsédaqa soient toujours ensemble. Faire la
tsédaqa c’est en fait, rétablir la justice.
Nos
Maîtres dans le Midrach à propos du verset : Je te fiancerai à moi pour
l’éternité ; tu seras ma fiancée par le tsédèq et la justice. (Osée, 2,21)
précise que l’Eternel accorde sa bonté et bienveillance en contrepartie nous
devons exercer la justice et la tsédaqa. C’est ce qui constitue le fondement du
contrat passé entre l’Eternel et Israël. Chaque fois qu’Israël n’applique pas la
justice-tsédaqa il transgresse le pacte qui le lie à L’Eternel. C’est pourquoi
notre Sidra nous prescrit d’instituer des juges et des magistrats dans toutes
nos villes qui devront juger le peuple selon la justice, de ne pas fléchir le
droit, de ne pas faire de discrimination entre les personnes et de ne pas
accepter de présent corrupteur car la corruption aveugle les yeux des sages
et fausse la parole des justes.
Nos
Sages disent que la structure du psychisme humain comporte sept portes. Ces
portes sont : deux oreilles, deux yeux, deux trous du nez, et une bouche. C’est
par ces portes que passent nos impressions vers l’intérieur de nous-mêmes. C’est
ce qui explique, disent nos Sages, l’expression mentionnée au premier verset de
la Sidra tu institueras des juges… dans touts tes portes autrement dit,
nous devons faire attention que les sept portes dont dispose l’homme ne servent
pas à faire véhiculer l’injustice, l’iniquité, et l’abomination. Les oreilles
doivent s’abstenir d’écouter de la médisance et des paroles vaines, les yeux ne
pas fixer le mal, et la bouche se gardera de proférer des menaces des insultes
et des mots grossiers.
Dans ce premier verset de la sidra nos Sages ont relevé le mot Lékha – à
toi. Ce mot constitue une redondance inutile. Cependant, ils ajoutent que
lorsqu’il s’agit de tsédaqa et de justice il faut d’abord se donner à soi même
des juges et des magistrats. Autrement dit, chacun doit développer la maîtrise
de soi et s’imposer une discipline dans le but de pratiquer la justice et la
tsédaqa. La considération des autres, le respect d’autrui, apprendre à donner et
à aider le faible, imposent à chaque être d’instituer des juges et des
magistrats sur lui.
LA
SIDRA DE KI TETSE
Cette Sidra comporte soixante douze mitsvoth et
ceci incite à examiner de plus près la signification et la portée des
Mitsvoth en général. Cependant, il serait plus honnête de faire remarquer
que de nombreux Sages s’opposent à la recherche du sens des Mitsvoth en
vertu du verset Tamim tihyé im Hachem élohékha –Tu seras intègre à
l’égard de Ton D.
Le midrach Rabba sur la sidra de Chélah lékha se
demande quel est le sens profond des mitsvoth, il écrit :
« Il est écrit dans les psaumes : Or zaroua
latsadiq oulyichré lèv simaha « La lumière a été répandue pour le juste
et la joie pour ceux dont le cœur est droit » ( Ps.07) L’Eternel a répandu
(=semé) la Torah et les Mitsvoth pour qu’Israël puisse jouir du monde futur,
il n’a rien déposé dans le monde qui ne soit l’objet d’une Mitsva pour
Israël le labour, les semailles, la moisson, la cuisson, la rencontre d’un
nid d’oiseau, la construction, la confection des vêtements, etc. Ceci fait
penser à l’histoire d’un homme qui était tombé à l’eau. Le batelier lui a
tendu une rame, lui disant « Saisis cette rame et ne la lâche pas, si tu
venais à la lâcher, tu seras perdu. » Ainsi parle l’Eternel à Israël : Tant
que vous restez attachés aux mitsvoth, votre vie est assurée, ainsi qu’il
est écrit ; » Et vous, qui êtes attachés à l’Eternel, vous êtes tous vivants
,aujourd’hui »
Ce commentateur ne considère pas l’homme comme un
« promeneur dans le jardin de l’Eternel » entouré de Mitsvoth dont le seul
but serait de lui rendre la vie plus agréable, mais comme un naufragé qui
lutte contre les vagues. Menacé de toutes parts d’être submergé par les
tentations il succomberait si le divin maître de l’esquif ne lui tendait pas
la perche salvatrice des Mitsvoth.
Parmi les nombreux commandements énumérés dans
notre Section, choisissons quelques-uns dont le sens est évident.
XXII, 1 : « Tu ne dois pas voir le bœuf de ton
frère ou sa brebis errant et te dérober à eux : tu les ramèneras à ton
frère »
2 : « Et si ton frère n’est pas à ta
proximité, ou si tu ne le connais pas, tu amèneras l’animal dans ta maison
et il restera chez toi jusqu’à ce que ton frère le réclame et alors tu le
lui rendras »
3 : « Tu agiras de même à l’égard de
son âne, tu agiras de même à l’égard de son vêtement, de même aussi à
l’égard de toute chose par ton frère, qu’il aurait égarée et que tu as
trouvé ; tu ne pourras pas te dérober (à ce devoir)
Dans Exode XXIII, 4 une loi similaire avait déjà été édictée : « Si tu
rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne égaré, tu le lui ramèneras »
Le second énoncé complète le premier et nous
fournit de nombreux détails d’application supplémentaires.
Maïmonide fait remarquer que le texte de l’exode
parle d’un animal « égaré », c'est-à-dire que l’on peut sans peine ramener à
son possesseur, tandis que notre verset concerne un bœuf ou une brebis
« errant », c'est-à-dire se trouvant loin de son point d’attache et
nécessitant de ce fait des recherches et des peines supplémentaires pour
retrouver le propriétaire. Même dans ce cas, tu ne peux éluder le devoir qui
t’incombe. Le verbe redoublé « Hachèv- téchivèm » qui n’a pas de
correspondant en français et que l’on pourrait rendre par » Tu dois
absolument les ramener », exprime cette idée.
Le Sifri (46) traduit « Hachèv téchivèm » par
« tu dois les ramener à plusieurs reprises » et explique : Si l’animal une
fois remis à son propriétaire s’échappe à nouveau une fois remis à son
propriétaire s’échappe à nouveau, tu dois encore le ramener, et ainsi de
suite jusqu’à cinq fois. La tradition nous rapporte comment les pieux
d’autrefois, tel Rabbi Pinhas- ben-Yaïr et Rabbi Hanina ben Dossa,
s’acquittaient de ce devoir.
Le Grand commentateur Rav Alchikh, auteur de « Torath
Moché » écrit à propos des mitsvoth de notre Sidra :
« Toutes ces prescriptions ont pour but de mieux
enraciner dans l’esprit d’Israël le principe de « Tu aimeras ton prochain
comme toi-même ». C’est en effet beaucoup demander que d’exiger de courir
après un bœuf ou un âne dont on ignore le propriétaire et d’abandonner pour
cela ses propres occupations, même les plus urgentes. C’est pourquoi la
Torah nous demande expressément de surmonter notre égoïsme (« ne te dérobe
pas ») et de refaire plusieurs fois la bonne action.
« Et
aujourd’hui l’Eternel t’a fait promettre que
tu seras un peuple qui lui appartiendra… à observer tous ses
commandements » ( chap.26,18)
LA NOTION DU PEUPLE ELU.
Souvent, à l’instar de
nos ennemis, nous commettons l’erreur capitale de mal interpréter la notion
de « peuple élu. » La qualité de peuple élu n’est pas à assimiler à la
notion de race supérieure ni même à un don gratuit de la grâce. Elle est
l’effort permanent vers le progrès et la perfection comme une vague
irréductible et infinie qui ramène le temporel vers l’éternel. « L’Eternel
t’a fait promettre que tu seras un peuple qui lui appartiendra, comme il te
l’a dit, et que tu observeras tous ses commandements, afin que tu deviennes
la première de toutes les nations… » (Deut. 26, 18-19)
Nul individu ne peut s’ennorgueillir de son
appartenance au peuple juif si par son comportement il ne se considère pas
comme le maillon d’une chaîne. Faisant partie de cette chaîne, il n’a plus
conscience de son orgueil individuel, et ne cherche plus qu’à participer aux
efforts de tous vers la perfection.
La notion « ata béhartanou » n’est donc pas
l’orgueil d’un peuple qui a reçu de D. en don gratuit le lot de prééminence,
mais, c’est un encouragement permanent pour un incessant effort moral. Et
affectivement, pendant que se succédaient et disparaissaient des
civilisations, les Juifs, conscients de leur rôle de peuple « consacré à
D.» ont échappé à la loi de mortalité. Sentant qu’ils avaient une mission
sacrée à accomplir et en tant que porteurs de l’idéal éternel, ils ne
pouvaient faillir au message prophétique.
A chaque fois que le corps de l’humanité se
trouvait avoir de graves blessures, les Juifs qui étaient la conscience
vivante de ce corps, étaient les premiers à en subir les conséquences et les
calamités prévues dans la doctrine divine. Ils ne se plaignaient que
modérément, car ils reconnaissaient d’avoir manqué à leur vocation.
De notre temps la situation a sensiblement
changé. Des malheurs sans fin se sont abattus sur nous et nous restons
hermétiquement fermés à leur signification. Nous cachons derrière une façade
d’indifférence religieuse, voir d’athéisme, une apathie morale et une
paresse intellectuelle. Ce n’est pas une dépréciation du monde moderne que
de constater les défaites de la civilisation actuelle.
Fort de sa victoire sur la barbarie, le monde
moderne semblait sous des formes variées et variables, commencer à respecter
les personnes humaines. Il en était à ses premiers pas et avait tout à
apprendre. Ceux qui désiraient abandonner la religion semblaient triompher,
car ils prétendaient pouvoir prouver qu’elle était inutile au progrès
humain. L’homme se croyait assez fort pour pouvoir se passer d’un idéal
métaphysique. Mais au lieu d’aller de l’avant sur son chemin, droit devant
lui, l’homme moderne a bifurqué et au lieu de rechercher le droit et la
justice, s’est rendu esclave de la technique. Une nouvelle idolâtrie naquit
alors et détruisit tout ce qu’il pouvait y avoir de constructif dans le
domaine moral, pour faire place à un profond mépris de l’être humain.
Nous Juifs, au lieu de résister à cette
tendance générale d’avilissement, nous avons largement subi l’envoûtement
des idoles modernes. Nous nous sommes avec les autres prosternés devant
les autels des divinités inconnues et de nos propres mains leur avions
sacrifié nos enfants. Il nous semblait naturel de suivre l’exemple de la
multitude sans nous rendre compte qu’à ce jeu nous perdions et notre esprit
et notre cœur.
Le réveil a été dur, car nous nous sommes
retrouvés en plein vingt et unième siècle en train de reprendre la route de
l’Egypte, « et là vous vous offrirez à vos ennemis comme esclaves et
servantes, mais personne ne voudra vous acheter. » Peu après ce réveil
tragique nous semblons retomber en léthargie et oublier la signification
éternelle de l’alliance grâce à laquelle nous possédons le pays ancestral.
Ouvrons-nous à cette recommandation tant de fois réitérée « Observez les
termes de cette alliance et mettez en pratique ses prescriptions si vous
voulez réussir dans toutes vos œuvres. »
LA
SIDRA DE NITSAVIM
Cette section se lit le Chabbath Chouva ou,
comme c’est le cas cette année, le chabbath qui précède Roch Hachana. Elle
content surtout les exhortations à la téchouva que, suivant la tradition,
Moïse prononça avant sa mort.
Le chapitre XXX intéresse tout particulièrement
notre génération, qui, de ses propres yeux a vu s’accomplir une grande
parie des prédictions qu’il contient :
Verset. 3-4 « Et l’Eternel fera revenir tes
exilés. Et aura pitié de toi de toi. Il te rassemblera du sein des
peuples parmi lesquels l’Eternel, ton Dieu, t’aura exilé. Tes proscrits
seraient-ils à l’extrémité des cieux, de là l’Eternel, ton D. te
ramènerait, de là même il irait te reprendre. »
De même que dans la sidra précédente, nous
remarquons dans ce chapitre, la répétition insolite d’un verbe-clé. Il
serait cette fois-ci du verbe « chouv », inscrit de nouveau sept fois dans
les dix premiers versets :
Quand tous ces événements seront survenus,
si tu reviens alors à de meilleurs sentiments au milieu de tous
les peuples où l’Eternel ton D. t’aura banni »
Tu reviendras à l’Eternel ton Dieu.
L’Eternel ton Dieu fera revenir tes
exilés.
Il les fera revenir et te
rassemblera.
Et toi, tu reviendras et écoutera
voix de l’Eternel.
L’Eternel se plaira à nouveau (Ki Yachouv) à te
faire du bien.
Car tu reviendras à l’Eternel, ton
Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme
De toute évidence, l’idée centrale, sept fois
soulignée, de ce passage est celle de la téchouva (retour pénitence) qui
encadre les versets relatifs au retour d’Israël dans son pays. Il est en
effet question de la téchouva dans la première et la dernière de ces sept
versets que nous venons de citer. Ce retour à l’Eternel est toutefois
exprimé de deux manières légèrement différentes.
Verset 1-2 « Quand tous ces événements seront
survenues (les malheurs de l’exil) tu reviendras jusqu’à (ad) l’Eternel
ton Dieu. »
Verset 10 : « .. ; Car tu reviendras à (El)
l’Eternel ton Dieu de tout ton toi et descendance, en aimant l’Eternel,
ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme »
La plupart des traducteurs ne rendent pas cette
différence, Wogue traduit AD par retourner à l’Eternel et EL par revenir
à l’Eternel. Le Malbim voit dans le verset 2 (AD) le premier stade du
retour vers Dieu, le repentir et dans le verset 10 (El) le retour
complet. Rav Kouk s’exprime ainsi à ce sujet :
Souvent le retour vers D. est difficile.
L’homme est faible ; les tentations sont grandes. On ne constate, au
début, que la volonté de faire mieux. Si cette volonté est ferme, il faut
saluer avec joie ces premières tentatives de repentir. Il en est de même
pour la nation : Cette nostalgie actuelle du peuple juif vers son sol est
elle aussi un « retour » vers l’authenticité, c’est un véritable repentir
collectif. Comme l’individu. Le peuple ressent à un moment donné qu’il
doit se diriger « vers » D. Le mouvement s’amplifier et nous atteindrons
ainsi le stade de la rédemption complète où nous serons « près » de
Dieu. »
Le lecteur attentif remarquera, dans la suite,
une autre idée centrale soulignés par la répétition du mot « Hayim »
=vie. En opposition avec « Mavett= mort.
Ainsi les versets 19 et 20 : « J’en atteste sur
vous, aujourd’hui, le ciel et la terre : j’ai placé devant toi la vie et
la mort, le bonheur et le malheur :choisis la vie afin que tu vives,
toi et ta descendance, en aimant l’Eternel, ton D ; en écoutant sa voix et
en s’attachant à lui, car c’est lui ta vie et la longueur de tes jours »
Que signifie : « choisis la vie afin que tu vives » Le Natsiv de Volozine
relève la difficulté : « S quelqu’un choisit la vie, c’est bien dans le
désir de vivre. De plus quel est l’homme qui, placé devant la vie et la
mort, ne choisirait pas la vie ? »
Certains commentateurs voient ici une
distinction entre la vie ici-bas et la vie futur : « Vis sur terre de
telle manière qu’après ta mort tu puisses plus tard participer à la vie
éternelle » Cette explication ne parait cependant pas satisfaisante, car
le contexte le prouve, il n’est ici question que de la vie ici-bas. Aussi
Abravanel propose-t-il une autre solution :
« Le verset 20 est la suite du verset 19 et ne
peut en être détaché (c’est ainsi que nous les avons traduits ci-dessus)
La Thora nous demande de choisir un mode de vie qui ne soit pas purement
matériel. Nous devons vivre pour accomplir les Mitsvoth, en aimant
l’Eternel et en écoutant sa voix. La vie n’est pas une fin en soi : c’est
ce qu’exprime la fin de ce même verset 20 : « car c’est Lui ta vie et la
longueur de tes jours »
LA SIDRA DE VAYELEKH
Cette courte section, qui termine le discours adressé par Moïse aux
enfants d’Israël, débute par ces mots singuliers :
« Et Moïse alla et adressa les paroles suivantes à tout Israël » Que
peut bien signifier ce déplacement de Moïse ? Nous lisons en effet au
début du chapitre précédent (XXIX) : « Moïse appela tout Israël et leur
dit : Vous avez vu ce que l’Eternel a fait à vos yeux, dans le pays
d’Egypte, à Pharaon, à tous ses serviteurs et à tout son pays »
Peu après, au début de la section Nitsavim.
Moïse constate que le peuple se tient tout entier devant lui. Du moment
qu’apparemment rien n’a interrompu son discours, quel est le sens de la
démarche que semble indique le premier verset de Vayélèkh ?
Ramban pense qu’après avoir entendu les paroles
de leur chef, tous les assistants rentrèrent chez eux, sur quoi Moïse
« alla à travers le camp pour leur rendre visite à tour de rôle « comme
une personne qui prend congé de ses amis »
Le Rav S.R. Hirsch dans son commentaire donne l’explication
suivante : » Après avoir exposé en détail les bénédictions et les
malédictions qui sanctionneront la conduite du peuple, Moïse avait terminé
sa mission. Ce qui suit n’a trait qu’à son prochain départ, à la
présentation de son successeur, à la remise d’un exemplaire de la Torah
aux Cohanim et aux anciens en leur enjoignant de la lire à l’occasion de
la fête du Jubilé. C’est pourquoi Moïse n’a pas convoqué le peuple devant
lui comme il le faisait d’ordinaire lorsqu’il s’agissait de leur
transmettre les paroles de D. C’est de lui même, cette fois-ci, qu’il alla
vers le peuple au lieu de l’appeler.
Cette attitude est bien caractéristique de celui
dont il est écrit : « L’homme Moïse était le plus modeste des hommes sur
la face de la terre »
Sur toutes les pages de notre section plane la
tristesse de la séparation prochaine alors que nous lisons à la fin du
livre Son regard ne s’était point terni et sa vigueur ne s’était point
épuisée, Moïse dit ce jour là « J’ai cent vingt ans aujourd’hui et je
ne puis plus ni aller ni venir » Les avis sont partagés sur le sens de
cette remarque. Certains comprennent « Il ne m’est plus permis de vous
guider » d’autres « je suis trop vieux pour vous conduire à la guerre »,
Rachi explique : « les sources de la sagesse se sont taries ». Mais
Nahmanide pense que Moïse ne souligne sa faiblesse que pour consoler le
peuple : « Ne soyez pas attristés de me voir partir, je suis trop vieux
pour vous rendre encore le moindre service »
Les paroles de l’Ecclésiaste (V,9) « J’ai vu
que, sous le soleil, le leste ne gagne pas la course, le puissant n’est
pas victorieux, les savants n’ont pas de pain, les intelligents ne sont
pas riches, les initiés sont inopérants, car tous sont soumis aux
atteintes du temps et du sort » s’applique à notre Maître Moïse . Le leste
ne gagne pas la course, hier encore il montait au ciel comme un aigle et
maintenant on lui refuse de passer la rivière du Jourdain. Le puissant
n’est pas victorieux, hier les anges tremblaient devant lui et maintenant
il est effrayé de la colère et de l’indignation de l’Eternel » Les savants
n’ont pas de pain : lui qui, hier, descendit de la montagne le pain
céleste (La Torah) doit aujourd’hui s’incliner devant l’autorité
religieuse de Josué. Les intelligents ne sont pas riches : hier, il
pouvait exiger de l’Eternel le pardon de son peuple, aujourd’hui il mendie
en vain la faveur d’entrer dans le pays. Les initiés n’ont pas de grâce :
il savait autrefois comment apaiser son créateur et, aujourd’hui, après
avoir imploré pendant sept jours, il entend ces paroles : » Voici que tes
jours s’approchent de la mort »
Ce qui ressort de ce Midrach, c’est que Moïse,
le plus grand des hommes, n’a jamais été considéré comme un être
surhumain. Il ne s’est jamais pris pour un dieu ou pour un fils de dieu.
C’est à dessein que nos Sages ( Tanhouma (Vaéthanan) lui attribuent ces
derniers mots avant de quitter Israël pour toujours : « Voyez comment
finisse tous les hommes »
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