•
« Depuis bien des années déjà, l’Eglise cherche à se rapprocher de la synagogue. Animée du désir d’opérer un véritable tournant dans l’histoire des rapports entre juifs et chrétiens, elle voudrait mettre un terme aux affrontements millénaires. Les réguliers ne manqueraient pas de créer un climat de compréhension réciproque et d’estime renouvelée. » Ces phrases sont celles de l’ancien grand rabbin de Paris, Meyer Jaïs (zal), prononcées en septembre 1975. Vingt neuf ans après où en sommes nous?
Il nous semble que les Juifs, dans leur immense majorité, font preuve d’une naïveté déconcertante, face au comportement de la hiérarchie chrétienne. La moindre déclaration émanant du Vatican ne manque pas d’être accueillie chaleureusement. Un manque d’habitude du vocabulaire théologique de l’Eglise, une certaine ignorance de la nature des problèmes et aussi, il faut bien le dire, un certain désir inconscient, sinon de se fondre complètement dans la masse, du moins, de ne plus être qu’une « confession » identique aux autres, peut expliquer l’enthousiasme avec lequel est saluées dans la communauté juive la moindre disposition d’apparence philosémite décidée par l’Eglise.
Nous avons appris dernièrement que le pape avait pris la décision de rentrer dans une synagogue. A cette seule nouvelle , les radios juives, les journaux de la communauté n’ont pas manqué d’accorder à cette nouvelle une place disproportionnée par rapport à son importance. On avait comme un sentiment de fierté d’une part et de reconnaissance envers le pape de l’autre. Qu’un pape rentre dans une synagogue ,quel honneur pour le Judaïsme dans le monde ! L’ampleur donnée à cette nouvelle met en évidence la naïveté des Juifs mais aussi leur erreur de jugement. Nous allons expliquer pourquoi.
La déclaration conciliaire sur les Juifs de 1965 concernant la question de l’antisémitisme, n’a pas été décisive. Le Grand rabbin Meyer Jaïs (zal) avait écrit à ce propos : « Certes, l’Eglise ne se sent plus absolument étrangère « aux persécutions et aux massacres des juifs qui se sont déroulés en Europe, juste avant et pendant la seconde guerre mondiale ». Le document romain marque un progrès par rapport à la Déclaration conciliaire, qui finalement, s’était bornée à « déplorer » Auschwitz. Elle n’avait pas cru pouvoir aller loin parce que, pour elle, il n’y avait pas eu là « faute contre l’esprit » Il ne s’agissait pas d’hérésies, mais simplement de crimes et de péchés. »
Par ailleurs, on oublie très souvent que la doctrine de « substitution » est toujours en vigueur dans l’Eglise. Celle-ci a inscrit dans sa loi fongamentale que le christianisme est le « Vérus Israël ». Le peuple juif est considéré comme un peuple rebelle qui vit dans l’erreur. L’Eglise ne renonce pas à son crédo de voir les Juifs venir se réfugier sous ses ailes. C’est ce qui permet au Cardinal Lustiger de crier à qui veut bien l’entendre qu’il est Juif et qu’il restera juif et que sa condition de cardinal d’une religion qui a consacré son énergie à avilir les Juifs, n’est pas incompatible avec l’identité juive. Il faut bien se mettre en tête que le fait qu’un pape rentre dans une synagogue, ne signifie pas du tout que l’Eglise reconnaît la véracité du Judaïsme. Bien au contraire, en rentrant dans une synagogue, le pape veut affirmer qu’il est le symbole de l’achèvement du Judaïsme. Son action s’inscrit dans la droite ligne adoptée par le Cardinal Lustiger. Le pape reconnaît qu’ il manque une étape au Judaïsme pour parvenir à sa perfection, cette étape que lui a franchi. En rentrant dans la synagogue de Rome, il invite indirectement les Juifs eux aussi à rentrer dans l’Eglise. Celle-ci n’a jamais dévié de cette croyance que le christianisme ne parviendra à son but ultime que lorsque les Juifs rentreront dans l’Eglise. Il est urgent que les Juifs, qui exultent quand ils apprennent que le pape se
rend dans une synagogue , prennent conscience du piège qui les menace.
Rav Haïm Harboun