Le miracle de la Fiole

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Dans l’esprit de l’immense majorité de nos coreligionnaires,  le concept de Hanoucca est

associé au miracle de la fiole d’huile. C’est autour de ce miracle que gravite exclusivement

la fête de Hanoucca. Or, cette période historique, plus connue sous le nom de « période  hellénistique est très riche  en événements qui eussent mérité que l’on s’y arrête.

              Le Talmud, en général si exhaustif, quand il s’agit de Hanoucca il passe sous silence toute cette période pour ne s’attarder que sur la fiole d’huile. On y trouve très peu de textes relatifs à la guerre des Asmonéens  contre la puissance grecque occupante. Seule la fiole qui a fourni suffisamment d’huile pour allumer le candélabre durant huit jours fait l’objet d’une mention très brève dans le traité Chabbath, et trois pages plus loin, un point accessoire du rituel. Dans le traité Yoma, on peut lire : « Le miracle de Hanoucca n’a pas été admis à être consigné par écrit, c’est à dire à figurer dans le canon biblique. »A part ces brèves remarques  on ne trouve plus rien.

                Comment comprendre que nos sages puissent volontairement omettre tout l’aspect politique, économique, culturel et philosophique de la rencontre entre le Judaïsme et l’hellénisme ? Comment comprendre qu’une  histoire qui a mis en danger la pérennité du peuple juive puisse être réduite au miracle de la fiole juive ? Il existe, certes, un livre apocryphe relatant l’histoire des Hasmonéens, mais ce livre ne figure pas dans le canon biblique, et date d’au moins un siècle après les événements qu’il rapporte. Avant de tenter une réponse à cette question, il convient au préalable de préciser un certains nombres de faits historiques.

                 Avant la révolte des Maccabées, les Juifs subissaient déjà depuis plus de trois siècles, la domination étrangère. Sous la domination perse, les Juifs payaient un lourd tribut au trésor royal. Il en est de même sous la domination grecque, que ce soit en Egypte sous les Ptolémées ou en Syrie sous les Séleucides. D’énormes tributs furent prélevés sur le trésor national juif. Les villes furent rançonnées et parfois même punies. Le  pays dût  entretenir  à   ses frais de coûteuses garnisons étrangères.

En Syrie, Séleucos IV, constatant que ses caisses étaient vides ( à cause  de l’indemnité de guerre que Rome lui avait imposée), sur les conseils de l’intendant du Temple –ennemi du Grand Prêtre Onias III- chargea son agent Eliodor e de s’emparer des trésors sacrés et de les transférer à Antioche. Antiochus IV Epiphane, dont l’empire s’effritait, s’empara lui aussi d’une quantité appréciable d’objets en or, dont le

 célèbre candélabre  du Temple… Et pourtant les Juifs ne tentèrent pas la moindre tentative de rebellion, et le Talmud passe complètement sous silence cet aspect des choses.

                Les historiens non-juifs, qui évoquent rarement  le miracle de la fiole d’huile, attribuent la révolte des Asmonéens à la rapacité des rois grecs, à court d’argent, qui savaient le Temple très riche, mais aussi à l’esprit destructeur des familles sacerdotales. Nos Sages ont complètement occulté cet aspect, pour la simple raison que la politique et l’ambition personnelle ne les ont jamais intéressés.

Cependant, ils auraient pu exprimer leur pensée sur les agissements des Juifs hellénisants du temps d’Antiochus  Epiphane. Le comportement de ces Juifs, qui se recrutaient surtout dans les couches sociales aristocratiques, était pour le moins dangereux pour tout le peuple. Ces hellénisants étaient surtout préoccupés par leur situation matérielle. On les trouvait côte à côte avec les Grecs, dans les gymnases, les stades, les marchés, les ports. Ils parlaient le Grec, ils s’habillaient comme les Grecs  Ils se naturalisaient pour avoir leur mot à dire dans les cités, ils admiraient la force et la beauté des Grecs. Or pas un mot sur les Juifs hellénisants, ni sur leur comportement, ni sur leurs relations avec les Grecs.

Ce silence peut s’expliquer par plusieurs raisons.                       

                Le Talmud ne parle que de la fiole d’huile, car elle est le symbole de la Torah. Nos Sages étaient surtout préoccupés par la survie du peuple juif. Cette dernière ne pouvait être assurée que si chaque juif transportait avec lui, dans son exil, son propre  Etat, c’est à dire la Torah. Nos Sages ont bien compris que le peuple juif allait vivre des jours difficiles. Il fallait à tout prix qu’il préservât  son  unité  et qui dit unité dit  Torah. La politique, la guerre, les intrigues, les révolutions sont contingentes. La pérennité du peuple juif seule les intéressait. A ce sujet, le Grand Rabbin Weinberg écrivait : « Si nos Sages font ressortir avec une emphase particulière ce miracle comme seul fait de cette énorme lutte, leur manière d’agir a une profonde signification. Toutes les circonstances politique et militaires étaient contre cette entreprise désespérée. Mais la victoire a appartenu néanmoins à l’esprit, à la croyance en sa supériorité sur la force physique brutale.    

En  plaçant l’histoire de la fiole d’huile au centre de la fête de Hanoucca, nos sages ont voulu situer le problème à son niveau spirituel. Le combat des Sages d’Israël était celui de l’esprit contre la force brutale, contre l’absence de vie morale, de sainteté et de pureté. C’est tout cela que symbolise la lumière.

La prière de Hanouca mentionne le nom de Mattatias et ses fils, et passe sous silence tout ce qui arriva par la suite. La dynastie  asmonéenne a de nouveau donné à Israël un Etat et une indépendance complète durant un siècle environ. Mais pour la Tradition juive cette dynastie a été néfaste. Elle a précipité la décadence du peuple et entraîné l’occupation romaine qui eut pour conséquence la plus grande tragédie à laquelle le peuple juif allait faire face à savoir : l’exil. Il était normal dans ce cas que le Talmud  ignorât complètement les artisans du malheur des Juifs et ne retienne que la lumière de la Torah.

                                                                                               Rav Haïm Harboun